Rencontre d'un humain et d'un chevalier divin

Après quelques heures d'une marche tranquille (et après avoir encore plusieurs fois rappelé à Hagën de la tutoyer !), accompagnés de la louve Luna, comme Hagën en avait informé Siam, le trio pénétra dans le domaine d'Epsilon. Ce domaine était connu pour sa cascade gigantesque, gelée il y a des millénaires lorsque le froid s'était encore intensifié en Asgard.

Siam aurait aimé voir une telle chute d'eau en vraie. Il y en avait dans les régions plus chaudes, après tout.
Le spectacle d'une eau tumultueuse dévalant des dizaines de mètres... ce devait être magnifique. Mais, si ces oeuvres de la nature existaient en nombre sur Terre, aucun autre lieu ne donnait le spectacle d'une telle cascade glacée !

C'était une légende vivante en Asgard. Une légende qu'elle aurait aimé voir au moins une fois dans sa vie, de ses propres yeux et non dans les livres.
Etant prédestinée à mourir jeune, Siam comptait bien en profiter tout de suite !

Ainsi, lorsqu'ils arrivèrent non loin d'une ouverture, Siam demanda la halte.
- Je ne sais pas pour toi, Hagën, mais moi, je n'ai jamais vu la cascade. Que dirais-tu d'un détour ? Car après tout, il semble que tu connaisses mieux ces terres que moi, qui n'ai jamais eu l'occasion de les arpenter. Et par pitié, ne me vouvoie plus en privé, sinon je t'attache à un arbre et te chatouille jusqu'à ce que tu en pleures. Et je suis sérieuse !

Disant cela, Hagën remarqua tout de même une petite fossette sur le coin des lèvres de la jeune fille. Celui qui signifiait "je plaisante, mais je te chatouillerai quand même !".

- Je propose que nous sortions à l'air libre, histoire de voir exactement où nous nous trouvons sur le domaine d'Epsilon. Ce serait aussi l'occasion de profiter du soleil, de la lumière naturelle, et surtout du gibier ! Parce que je sais pas toi, mais moi je commence à sérieusement avoir faim !

« Ah bon !! Ben dans ce cas je vais continuer à te vouvoyer…. »

Cette phrase résonna avec joie et déception. Elle aurait aimé être vouvoyée pour le plaquer contre un mur et sentir sa gêne d'être embrassé par une guerrière divine en armure. Au lieu de ça, elle le tutoyait.

Et il continua ensuite en lui parlant de la cascade.
Bon... "amis", se dit-elle.

Elle le suivit dans plusieurs couloirs et ensembles, les asgardiens débouchèrent sur la lumière...et la cascade.
Même d'ici, elle ne trouva pas de mot. C'était la première merveille de la nature qu'elle observait. Cette eau n'avait pas bougé depuis des milliers d'années, elle était aussi pure qu'à l'époque.

Siam resta longtemps, accroupie sur les talons, à graver dans sa mémoire chaque circonvolutions de ce monument naturel.
D'ici, le paysage était sublime et elle se sentait le pouvoir d'embrasser le monde avec ses bras grands ouverts.
... Qu'il était bon de vivre !

Puis elle sentit une douce chaleur s'élever dans son dos, reconnut les crépitements familiers du feu, et ressentit à nouveau dans son ventre les affres familiers de la faim. De son point de vue idéal, en surplomb, elle observa plus attentivement les environs. Il y avait deux petits mammifères en contrebas. Lapins, certainement. Parfait.

Se retournant à demi, elle lança à son compagnon de route :
- J'ai repéré du gibier. Tu n'as rien contre le lapin ?

Siam avait volontairement mis sous silence sa vision de la cascade, car elle ne se sentait pas encore la force de conserver en elle le flot d'émotions qu'elle avait ressenti, et ne voulait pas verser une larme de peur de paraître faible.
Sans vraiment attendre de réponse, puisque les légumes étaient rares et que tous les asgardiens ou presque se nourrissait de viande, elle se détourna et sauta dans le vide, dévalant le flanc de la chte d'eau glacée en quelques bonds précis.

En bas, grâce à la formidable vitesse que lui procurait la maîtrise, même faible, de son cosmos, elle attrapa les deux animaux et leur brisa la nuque avant qu'ils n'aient eu le temps de ressentir le danger et la peur.

Quelques minutes plus tard, elle fut à nouveau au côté de Hagën, rôtissant les lapins à la broche.
Sa flamme de vie exprimait l'attente. Devait-il lui dire quelque chose ? Allait-il lui déclarer sa flamme comme un jeune dandy ? Non, certainement pas. Son corps de seize ans lui jouait des tours avec des pics d'hormones mal venus, voilà tout.

Respectant son silence, elle ne le questionna pas sur ce qu'elle voyait et attendit qu'ils aient mangé.
A la fin du repas, ne repérant pas de loup à moins de 5 kilomètres (ce qu'elle ne jugea pas alors comme une menace), elle se décida à relancer la conversation.

- Merci pour la cascade, dit-elle maladroitement.
Rougissant bêtement de son manque de classe, elle se maudit intérieurement et tenta de se reprendre.
- Je ne regrette pas cet arrêt. Ce que tu m'as offert à voir n'a pas de prix.
Cherchant à s'intéresser à lui, elle avisa qu'elle ne connaissait toujours rien de lui.
- Dis-moi, qu'elle était ta vie avant que tu ne rencontre Thor ?

Thor ne souhaitais pas parler de son passé, c'était son droit. Il argumenta que sa parole avait été donné et Siam n'en fut que plus respectueuse de son silence : un homme qui brise la parole qu'il a donné ne vaut pas plus qu'un vulgaire brigand sans foi.

Puis il enchaîna rapidement sur ses deux points.
Pas une malédiction ?
Orion, un chevalier d'Athéna ?
Sa mère ???

Dans le quart de seconde qui suivit ces révélations, elle fut sur ses jambes, regardant vers l'horizon en direction du Palais d'Odin. Elle voulait s'y rendre au plus vite, rencontrer la prêtresse, consulter la bibliothèque du Palais pour en apprendre plus sur cet "Orion" et demander à partir pour le Sanctuaire d'Athéna. Au plus vite !
Et si Thor/Hagën devait aussi se rendre au Palais, elle aurait l'occasion de le revoir lorsque celui-ci aurait retrouver les souvenirs dans sa mémoire.

D'une voix blanche, masquant avec difficulté la nervosité qui l'avait soudainement enveloppée, elle dit :
- Hagën, pourrait-on reprendre la route dès à présent ? Je souhaiterais faire mon rapport à Dame Séléné au plus vite. Et, je suppose que tu le comprends très bien, tes révélations, enfin celle du seigneur Thor, me poussent à faire certaines recherches.

Se retournant vers lui, elle se souvint de l'aveu qu'il lui avait fait et qui semblait lui avoir causé à nouveau une certaine gêne.
- Je ne prends pas mal ton silence, il est tout à fait louable et je le respecte. Mais ne perds pas l'idée que tu partages ton esprit avec celui d'un dieu. Peut-être a-t-il eu vent de ton histoire.
Et sur ce, se forçant à retrouver un visage avenant, elle lui décocha un clin d'oeil.

- Alors Hagën, pouvons-nous y aller ? Thor pourra-t-il t'aider à accélérer l'allure ? Ne t'en fais pas, quel que soit mon empressement, je ne vais pas te lâcher de sitôt. Il serait dommage que tu te fasses dévorer par quelques loups n'est-ce pas ?

Et comme si elle avait compris et s'était sentit piquée au vif, les asgardiens entendirent hurler Luna, leur compagnon louve.
"Qu'est-ce que c'est encore... ?"

Luna avait hurlée au ciel, Hagën avait laissé entendre qu'elle pourrait partir toute seule.
Mais le retour de son vouvoiement ne lui donnait qu'une envie : lui sauter au cou, le plaquer contre la glace avec sauvagerie, opérer un petit fauchage et l'embrasser sauvagement.

Peut-être qu'en le prenant par surprise, j'aurai mes chances avec d'endurer une réaction de Thor ? pensa-t-elle. D'un autre côté, c'est Hagën que j'embrasse, Thor n'aurait pas à s'en mêler, ce n'est pas un chien de garde...

Réfléchissant à la meilleur façon de s'y prendre pour arriver à ses fins, elle n'écoutait plus que d'une oreille distraite les dires du jeune homme.

Puis tout bascula.
En une fraction de seconde, le temps sembla se transformer, une puissance faramineuse envahit les environs, enveloppa les trois compagnons de route, et Siam sentit un éclair - autant naturel que fait de cosmos - tomber du ciel et les frapper de plein fouet.

*Je vais mourir !*

Alors qu'elle s'attendait à ressentir une vive douleur, frappée par un dieu vengeur, elle se retrouva en un tout autre lieu, deux hommes à genoux lui faisant face.
Déboussolée, ne sachant pas où elle se trouvait, elle fut un temps complètement ailleurs, son esprit dansant encore sur la cascade glacée, virevoltant entre désir et retenue pour le jeune homme.

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