Prélude : L’espoir d’une illusion
Dès lors que j’en ai eu la possibilité, je me suis mis à écrire mon histoire, mes rêves et le développement de mon monde dans plusieurs carnets, régulièrement actualisés que je garde encore au sein même de mon domaine. Contés entre les poèmes et les partitions, mon passé se dissimule entre ces lignes et je vais vous en faire part. Les éléments qui vont suivre seront les extraits les plus importants de mes recueils afin que vous compreniez comment les Moires m’ont fait devenir ainsi. Avant tout chose, je vais rapidement vous raconter ce qui s’est passé avant même que j’apprenne à écrire.
Cette malédiction, appelée vie, a pris forme une nuit algide de février, dans la ville de Trondheim. Je n’ai que peu de souvenir de cette période mais j’ai toujours en tête cette première image qui s’est dessinée sur ma rétine … celui du regard inquiet et larmoyant de ma mère lorsqu’elle m’a pris dans ses bras. C’est étrange, il me semblait qu’on ne pouvait pas garder en mémoire des événements s’étant déroulé juste après notre naissance et pourtant, je les revois encore, ces yeux rouges plongés vers moi. Ou alors est ce juste une illusion que j’ai créé, peu m’importait car c’était devenu ma réalité.
Je compris rapidement la raison de cette tristesse, je n’aurais jamais du naitre, pas comme ça. Non pas qu’ils n’avaient pas voulu de moi mais ils auraient sans doute préféré un enfant utile qui aurait pu les aider dans les diverses tâches professionnelles. Ils n’eurent pas de chance sur ce coup car je suis né avec de grave complication pulmonaire et une constitution très fragile, absolument rien d’utile pour former un guerrier digne de ce nom.
Mes parents pensaient que j’allais mourir d’ici quelques mois et ne me donnait que le minimum requis pour survivre, sans doute histoire de ne pas se sentir responsable de mon décès à venir. Finalement les premiers années passèrent et je subsistais, non sans difficulté, mais mon souffle ne cédait pas. Les journées se ressemblaient et je ne pouvais voir les faibles lueurs d’Hélios que par l’embouchure de ma fenêtre. Je parvenais à me lever mais l’accès à l’extérieur m’étais interdit, pour des raisons évidentes de santé, alors déjà j’avais tout le temps de me plonger dans mon imagination et d’y construire mon propre monde dans lequel je pourrais vivre et me sentir … aimé…
Chapitre 1 : L'écho de la lyre
3 mars 1741
Une étrange mélodie vient de me tirer des bras de Morphée, dommage j’étais en train de faire un rêve des plus agréables, ce qui arrive bien rarement. Je l’entends toujours alors que j’écris, elle doit venir du village mais je ne peux rien voir par la fenêtre. Mes doigts glissent sur la feuille en suivant le rythme monotone qui régit cette matinée. Quelle sensation agréable, même si c’était redondant et assez éloigné, je ne me lassais pas de l’écouter. J’ai envie de sortir ! Je veux savoir d’où elle vient et qui la produit ! Mais je ne peux pas… mes parents vont être furieux et même moi je ne sais pas ce qui peut m’arriver. Je vais trouver une solution !
24 mars 1741
Beaucoup de choses se sont passées le 3 mars et je n’ai pas pu les raconter plus tôt. Ce jour-là, j’ai finalement décidé de sortir pour la première fois de chez moi. Je me suis complétement enroulé le nez et la bouche avec une écharpe et je suis parti de la maison alors que mes parents dormaient toujours. J’ai suivi cette douce mélodie jusqu’à la place centrale du village, le souffle saccadé, les doigts gelés et les lèvres gercés, je continuais d’avancée sans me rendre compte que ma condition physique se détériorait rapidement. Après des minutes qui me parurent sempiternelles, j’arrivai enfin devant un attroupement d’une trentaine de locaux qui s’agglutinaient autour du musicien. Je ne pouvais toujours pas voir son visage mais ma curiosité musicale était comblée. Aucun regret ne vint interrompre ce moment extraordinaire…
Puis plus rien, je ne sais pas ce qui s’est passé ensuite, enfin je ne l’ai appris que de la bouche de mes parents ce matin même et grâce à un petit mot que j’ai retrouvé au pied de mon lit. J’ai dû perdre connaissance peu de temps après que je sois arrivé sur place, personne s’en ai immédiatement rendu compte et ce n’est que cinq minutes plus tard que le musicien a remarqué ma présence, allongé et immobile sur la neige et qu’il a arrêté sa représentation.
‘’Qu’est ce qui t’as pris de sortir ?! Comme si tu nous posais pas déjà assez problème, maudit moins que rien !’’ Ce sont les seuls propos que j’ai retenu lorsque je me suis levé ce matin. Il semblerait que je sois resté pratiquement trois semaines dans les profondeurs de mon inconscience, sans manger ni m’hydrater. Je n’ai pas directement compris comment je pouvais encore me mouvoir avec ce corps mais lorsque j’ai lu cette lettre, je l’ai réalisé ! Ce mélomane qui m’avait secouru avait rédigé un poème dans lequel il me renseigna sur l’espoir émis par la musique et sur cette douce flamme qui enveloppe notre cœur fatigué pour le revigorer.
Alors que je continuais à relire ces vers, encore et encore, je l’entendis de nouveau, cette douce mélodie… Elle était bien plus proche, juste à côté de la maison. Non sans mal, je me levai et entrouvrit légèrement ma fenêtre ; une douce chaleur envahit alors ma chambre et vint m’étreindre dans une symphonie harmonieuse et emplie d’espoir.
‘’C’est vous ?’’ Demandais-je à voix basse sans même espérer qu’il perçoive mon interrogation.
La mélodie s’arrêta mais ses effets adoucissant persistèrent…
‘’Tu es enfin réveillé ?’’
‘’Ne me dites pas … que vous êtes venus ici tous les matins ?’’
Les vibrations de sa lyre reprirent aussitôt tandis que la brise glaciale s’échappant du hublot commença à contrebalancer le rayonnement apportée par sa mélodie.
‘’Ferme ta fenêtre ! Cela sera plus simple comme ça.’’ Perçus-je bien plus distinctement
Je m’exécutai sans me rendre compte directement que cette voix provenait de derrière moi, avant de m’installer, les jambes pliés, sur ma couette.
‘’Pouvons-nous discuter un peu, mon garçon ? ‘’
*Hein je n’ai pas rêvé ? Cette voix, c’est celle de ce musicien mais comment puis-je l’entendre si clairement avec la fenêtre close ?* Alors que j’observai la pièce, je me rendis compte que le son de sa lyre me paraissait de plus en plus proche et perceptible.
‘’Comprends-tu ? Ce n’est pas tes sens qui perçoivent cette musique mais ton cœur. Peu importe les obstacles et la distance, tant que tu es réceptif, elle t’enveloppera tel les bras du Soleil même.’’ Il apparut devant moi telle une hallucination, serais-je vraiment en train de devenir complètement fou ? Non … au contraire, je me sentais juste apaisé, que ce soit mon esprit ou mon corps, ils me faisaient comprendre que cette mélodie était purement bénéfique. Je ne parvenais pas à voir ses yeux ni quelconque trait de son visage, il était complétement recouvert par un long manteau blanc et seule sa main droite, dans laquelle il tenait son instrument, dépassait de son accoutrement.
‘’Ce n’est pas une lyre …’’ remarquais-je en examinant sa forme.
‘’En effet, c’est ce qu’on appelle une cithare, le son produit est bien différent. Tu n’es pas surpris de me voir apparaitre comme ça juste devant toi ?’’A vrai dire non je n’étais pas du tout surpris et je ne comprenais pas pourquoi. Cette situation me semblait normale étant donné que je passais tout mon temps à créer des personnages et à les faire vivre dans mon monde.
‘’Êtes-vous une illusion ?’’
‘’Une illusion ? A toi de me dire, me considères-tu comme tel ? Une illusion cesse d’en être une dès lors que nous sommes persuadés de son existence. Même si cette forme physique n’est qu’un mensonge, tout ce qui gravite autour est bien réel.’’‘’Vous êtes fort si vous parvenez à créer une illusion aussi réaliste !’’
Une chose me tracassait, mes parents pouvaient-ils entendre cette mélodie ? Cela faisait bien cinq minutes que son écho irradiait toute la résidence pourtant je n’entendais rien d’autres, ni pas, ni cris. Alors que je pensais à cela, la silhouette de mon interlocuteur imaginaire disparut, ne laissant derrière lui que sa cithare aux reflets dorée.
‘’Je te la laisse, tu pourras en jouer à chaque fois que tu te sentiras mal et ne t’inquiètes pas, tes parents ne peuvent pas l’entendre. Ils ne sont guère réceptifs à notre mélancolie… Au fait, je m’appelle Aleksandr, je suis sûr que nous nous reverrons, mon garçon.’’Aleksandr ? Ce nom ne m’était pas inconnu mais je ne parvins pas à me souvenir d’où … J’aurais tout le temps d’y penser lorsque je serai couché, en attendant, je m’approchai de cette pseudo lyre aux effets si réparateurs.
*Est-ce également une illusion ?* Pensais je en tentant de la ramasser.
Plusieurs fois, j’eu l’impression que ma main passa à travers mais après trois ou quatre essais je parvins à la saisir. Elle était plus légère et encore plus éclatante que ce que je pensais. Au centre, une gravure représentant un soleil venait compléter cette vision séraphique. La seule question qui me venait en tête à présent était de savoir si je parviendrais à composer un morceau aussi harmonieux que le sien.
Chapitre 2 : Le royaume de la Fantaisie
Interlude
Au cours de ces dernières années, ma maladie s’est atténuée et j’ai enfin pu profiter du monde extérieur. Je me suis demandé pendant longtemps si cette cithare en était la cause, aujourd’hui je sais que c’est le cas ! Finalement, j’en ai profité pour visiter tout ce que je n’avais pas pu voir durant mes jeunes années, forêts, montagnes, lacs, je suis allé partout, seul, pour trouver de nouvelles sources d’inspiration. Accompagné de mon instrument, de mon carnet et d’une plume, je m’entrainais devant les oreilles attentives de la faune locale. Cette période de développement et de satisfaction fut cependant de courte durée …
12 avril 1744
Cela fait plusieurs jours que je ne dors plus, pourtant les nuits se sont légèrement adoucies mais je ne parvins pas à atteindre le domaine d’Hypnos. Je me contentai d’écrire à la faible lueur de la lune. Séléné était de sorti ce soir et fort heureusement, les nuages n’encombraient pas la voute céleste.
Ce matin, comme à mon habitude, j’ai profité du fait que mes parents dormaient pour sortir faire un petit tour dans la forêt. Récemment, j’ai découvert un lac au cœur de cette futaie, à l’abri de toute intervention humaine. La partie extérieure présentait toujours des signes de gel, derniers vestiges de cet hiver particulièrement rigoureux, mais cela n’empêchait pas les animaux de venir s’y rafraichir. Des cerfs, rennes et autres chevreuils vinrent les uns après les autres s’abreuver tandis que je pinçai les cordes de ma cithare en suivant le rythme de leur pas.
Les animaux se tournèrent furtivement vers moi avant de reprendre leur activité. Les yeux fermés, je me concentrai pour ne pas rater une note et donc interrompre cette harmonie qui s’était emparé des bois. Totalement absorbé par ma mélodie, je ne remarquai pas que la faune commença à s’éloigner de ma position et pour cause …
‘’Qu’est-ce que tu fous là gamin ? ‘’
J’ouvris les yeux, et vis l’environnement vidé de toutes formes de vie, exception faites de ces trois hommes, armés d’arcs et de lances qui venaient de s’inviter dans cette sylve. Je vis d’un rapide coup d’œil que ces indésirables venaient chasser en ces lieux et je repris ma mélodie sans prendre la peine de leur répondre.
‘’Ohé ! Tu ne m’as pas attendu morveux ? Dégage de là ! ‘’
‘’C’est vous qui devriez partir …’’ Leur ordonnais-je en continuant à jouer.
Des hurlements de loups se firent entendre tout autour du lac et les trois intrus commencèrent à s’agiter !
‘’Des … des loups ?! Je croyais qu’il y’en avait pas dans cette forêt …’’
Le bruit se rapprochait et des silhouettes menaçantes surgirent furtivement de derrière les arbres. Ma mélodie continuait à faire effet… Les hommes, s’étant auto-invité dans mon domaine, ne se firent pas prier et partirent en laissant même leurs arc au bord du lac.
‘’Minables ! Comment pouvez-vous vous prétendre chasseur si vous avez peur de devenir la proie … surtout d’une illusion.’’
Voici un tour que j’ai appris en me baladant dans ces bois ! Un jour, j’ai rencontré plusieurs jeunes de mon village qui m’avaient suivi en partant de chez moi. Alors que je jouais et quand je me suis rendu compte de leur présence, une seule idée m’a traversé l’esprit, celle qu’un ours viennent leur faire un gros câlin avec ses papattes et au vue de leur réaction à ce moment-là, j’ai compris que c’était exactement ce qui s’était passé dans leur esprit. Je me suis ensuite rappelé des propos d’Aleksandr et cette illusion qu’il avait créé puis je suis arrivé à la conclusion que c’était cette cithare qui en avait la capacité.
C’était donc la seconde fois que je m’en servais pour éloigner des malotrus de cette forêt et j’étais bien satisfait du résultat ! Un renne se rapprocha de ma position et vint s’allonger juste à mes côtés.
‘’Tu n’as pas à avoir peur ! Je vous protégerai ! C’est la moindre des choses, ces bois m’apportent tant de quiétude.’’
Je ne vis pas le temps passa mais au vue de la position du soleil, les onze coups devaient être proche. Je devais rentrer à présent ou mes parents allaient encore me prendre la tête pendant des heures et des heures. Je devais être devin dans une vie antérieure car c’est exactement ce qu’il s’est passé même si je n’avais pas prévu l’ampleur que cette engueulade allait prendre…
Je n’eus même pas le temps de franchir le pas de la porte que mon père sortit comme une furie, ne manquant pas de me faire tomber sur l’herbe encore enneigé.
‘’Ou étais-tu encore ?! Je vous jure… si tu as du temps à perdre tu devrais plutôt nous aider à allant couper du bois, et c’est quoi ce truc que tu tiens à la main ?’’
‘’Désolé je suis juste allé marcher et … attend, tu peux le voir ?!’’
Pourquoi … Je croyais que cet instrument était lui-même une illusion et que seul moi, et ceux que je piégeais dans mes illusions, pouvaient voir alors pourquoi ! Sans même que je n’eus le temps de me relever, mon paternel m’arracha l’instrument des mains et me lança un regard des plus glacials.
‘’Tu n’as pas à perdre du temps avec ce genre de chose, rend toi utile pour une fois et va aider ta mère à la maison !’’
‘’Rends la moi …’’ Lui ordonnai-je en me relevant.
‘’Quoi ?’’
‘’Rends la moi !’’ Répétai-je en soutenant son regard.
Cette sensation … elle est identique à celle que je ressens lorsque j’utilise ma cithare pour créer une illusion. Je vais tester un truc ! Si j’imagine que je reste là, immobile devant lui alors qu’en vérité je le contourne pour me placer derrière, que va-t-il se passer ? Pourquoi y penser autant le faire !
‘’Pour qui tu te prends pour me parler sur ce ton, maudit moins que rien !’’ Hurla-t-il en m’assénant un coup de poing dans l’abdomen, du moins c’est ce qu’il pensait.
La réminiscence de ma présence disparut juste après laissant mon père complètement éberlué et me cherchant du regard.
‘’C’était une illusion’’ lui indiquai-je en apparaissant derrière lui.
‘’De … Que … qu’est-ce que tu ? Espèce de monstre !’’ Monstre ? Peut-être… mais au moins j’étais utile à présent, non ? Je ne pouvais certes pas participer aux travaux manuels aussi bien que mon père le souhaitant mais mes compétences pouvaient leur être bénéfique, non ? Alors pourquoi continuaient-ils à me rejeter ? Je profitai de l’effroi de mon géniteur pour lui reprendre mon trésor avant de pénétrer dans la maison. Je ne savais pas ce qu’il allait faire mais une chose était sûre, cette journée allait être déterminante pour la suite ! Sans même prendre le temps de saluer ma mère, je m’enfermai dans ma chambre.
*
Suis-je un monstre ? Pensais-je en regardant ma main tremblotante.
Que je suis réellement ?**Ce n’est pas le genre de question qu’un enfant de 8 ans devrait se poser.* Entendis-je tel un lointain écho avant de le voir apparaitre comme pour la première fois.
*Aleksandr !**Yop ! Ça fait longtemps mon garçon, tu as bien grandi ! *Il était vêtu de la même façon et ne semblait pas du tout avoir changé en quatre ans, mais j’étais vraiment ravi de le revoir même si les circonstances ne s’y prêtaient guère.
*Adiël ! Ouvre cette porte tout de suite* Perçus je dans le couloir, mon père semblait vraiment remonté en présent, c’était qu’une question de seconde avant qu’il ne défonce la porte. Que dois-je faire …
*Tu connais la réponse, mon garçon ! Tu l’as toi-même dit, que tu voulais protéger cette forêt et tous ceux qui y vivaient, n’est-ce pas ?*
Ma voie … est loin d’ici ! Un instant ! Comment peut-il savoir que j’ai dit ça ?
*Tu n’as toujours pas compris hein, mon garçon ? Tu penses vraiment que ton pouvoir vient de cet instrument que je t’ai laissé ?* *Que veux-tu dire ?* Lui quémandai-je alors que mon père cognait de plus en plus fort.
*Ni moi, ni cet instrument ne sommes à l’origine de ton pouvoir, à vrai dire nous n’en sommes que les fruits. Nous sommes tes créations ! Tu t’es demandé pourquoi ton père pouvait voir ta cithare ? Je pense savoir, cela fait des années que tu maintiens cette illusion et que tu te focalises dessus, au point qu’elle s’est matérialisée, c’est devenue une illusion réelle ! *Une illusion réelle … le fruit de mon imagination qui peut désormais être vu et appréhendé par tous ? Que c’est magnifique ! Mais il m’a fallu quatre année pour en arriver là, c’est impossible que je fasse cela consciemment.
*Si tu y crois toi-même alors il n’y a pas de raison, plus ton illusion paraitra réelle, plus tes victimes seront persuadées de leur véracité, plus ils en ressentiront les effets. Alors dis-moi, à quoi penses-tu ? Quelle est la chose que tu souhaites le plus actuellement, Adiël ! * Les voir disparaitre … toutes ces personnes qui m’empêchent de vivre et qui me retiennent entre ces murs. D’ailleurs cette maison je veux aussi la voir s’effondrer, non encore mieux, entièrement consumé par les flammes ! Je continuais à trembler mais ce n’était plus de la peur, non … mais une excitation que je n’avais jamais ressentie auparavant. Je pouvais le sentir, ce parfum de braise et de bois séché, j’imaginais toute la maison enveloppé par une étreinte ardente, mes parents coincés à l’intérieur… criant… hurlant que quelqu’un leur vienne en aide… Quel doux spectacle !
*Tu es terrifiant ! Mais je ne suis pas là pour m’opposer à toi, fait le si tu le veux, garçon !*La porte céda enfin devant les coups incessants de mon paternel, mais j’étais prêt à l’accueillir et à lui faire face pour la seule, et dernière fois de son existence. Pendant toutes ces années, j’avais peur de lui, je n’osais le regarder dans les yeux et lui dire que je voulais juste continuer à jouer, à partager ma musique au plus grand nombre, à ceux qui, comme moi, en ont besoin pour continuer à vivre. Il était en train de parler mais je n’entendais rien, je me focalisais juste sur mon imagination, sur cette maison en proie aux flemmes que je voyais … que j’allais créer ! Sa main se rapprochait de moi, que voulait-il faire ? M’étrangler ? Peu importe, ça ne change rien, après tout il m’avait déjà imaginé comme un monstre ! Tout à coup, je vis qu’il s’éloigna de quelque pas avant de commencer à transpirer.
*Tu as chaud ? Regarde tout autour de toi !*
*Je … je ne me ferai pas avoir une deuxième fois, ce n’est qu’une illusion !* Me lança-t-il en se jetant sur moi.
*Vraiment ?* Je la vois ! Cette flamme entre lui et moi. Je parviens même à ressentir cette touffeur. J’y crois alors brule ! Sa main est rouge, son pouls est saccadé, son visage … est terrifié ! Maintenant !
*Ah ! Que… Balbutia-t-il en regardant sa main,
QU’AS-TU FAIT ?!**Tu y crois à présent ? Je suis un monstre ! Alors pourquoi es-tu surpris ? Tu vas périr ici, carbonisé dans cette maison !* *Dis … dis pas n’importe quoi !*
*Tu as peur papa ?* Oui je voyais son corps suer et trembler de toute part, un spectacle si plaisant. Tandis que je pouvais clairement voir les femmes qui envahissaient toute la résidence, pour le coup, c’était une illusion plutôt fidèle, j’étais fier de moi. Et comme Aleksandr me l’avait indiqué, si mes victimes y croient alors ils en subiront les effets. Le problème était que j’y croyais aussi et que je ressentais clairement l’air commencé à se raréfier. Quelle honte pour un illusionniste de se faire prendre dans son propre tour !
*Adieux !* Lui lançais-je en sautant par la fenêtre, en pensant bien entendu à prendre la cithare et un carnet pour écrire. Dès l’instant ou je quittai l’enceinte de la demeure, les flammes se firent encore plus intense
*J’espère que vous n’allez pas souffrir trop longtemps…* Chapitre 3 Le spriggan des terres gelées
Interlude
Plusieurs années s’écoulèrent, durant lesquelles je ne fis que traverser les régions qui se présentaient à moi. Mon voyage continua, toujours plus loin de mon village… depuis mon départ, suite à l’événement tragique avec mes parents, j’avais pris la décision de suivre les courants d’eaux, encore gelés à cette période de l’année, du fleuve Glomma. Traversant les différentes silves encore sauvages, les grands plateaux du centre de la Norvège ou les hautes montagnes des contrées du Nord, je tentai d’oublier complétement tout le temps passé avec mes géniteurs. Mes souvenirs se trouvaient de plus en plus et je n’avais ni la force ni l’envie de me les remémorer, plus rien de me retenait à mon berceau. Mon cordon était définitivement coupé et il était de ma responsabilité de trouver une nouvelle accroche et surtout un but véritable à mon existence pour qu’enfin cette malédiction soit rompue.
Peu importe le lieu où je me trouvais, le constat se trouvait être toujours le même, des grandes villes prospères, protégés par des dynasties dont le nom rayonne au travers toute la Scandinavie, et des villages vides ou seules les cloches d’un lointain beffroi viennent briser la monotonie des lieux. Les habitants peinaient à survivre et les espaces naturels n’étaient même pas entretenus. Je comprenais tout à fait que bois et viande étaient des ressources primordiales en ces temps difficiles mais cela ne devait pas avoir un effet néfaste sur l’environnement ou la faune locale.
Je profitai de la rare hospitalité de ces habitants pour trouver refuge pour les nuits et pour m’alimenter en échange d’un petit spectacle musical, accompagné parfois de tour à l’air de mes illusions. Au début, les portes s’ouvraient facilement lorsque je me présentais devant elle, peut être que mes prestations satisfaisaient mes divers hôtes et que le bouche-à-oreille me donnait une bonne réputation dans les villages que je visitais. Au bout d’un moment la situation changea radicalement à un point tel que dès que je m’approchais d’un petit village, un son digne d’une alarme retentissaient et toutes les portes se claquèrent rapidement. Parfois, j’entendais quelque mots venant des petites maisonnettes … toujours les mêmes et je compris alors qu’un surnom m’avait été affublé ‘’Den Seste Spriggan’’, le dernier spriggan… peut être espérait-il ne plus jamais me revoir après chacun de mes messages alors que pourtant, j’essayais de leur apporter mon soutien à chaque fois.
24 Juin 1748
Je profite d’afin être seul pour écrire ces mots, beaucoup de choses se sont passés hier … et je ne sais même pas comment les expliquer, quelques détails vont sans doute m’échapper mais je vais faire de mon mieux.
Afin d’éviter les rencontres fortuites désagréables, je pris la décision d’arrêter de me déplacer constamment et de me poser dans un petit village au Nord de Vadso. Cela devait faire deux mois que je vivais dans un petit cabanon abandonné, excentré du cœur même de la population et que j’essayais de me comporter comme un habitant lambda. Je ne jouais plus de musique et la seule chose qui pouvait me distinguer du commun des mortels était le fait que je discutais encore souvent avec mon camarade imaginaire. Pour survivre seul, je commençai à entrainer mon corps afin de pouvoir subvenir seul à mes besoins primaires. Lorsque je devais sortir, je m’efforçais de toujours porter une large capuche pour dissimuler mon visage, il manquerait plus que quelqu’un me reconnaisse et que je sois forcé de quitter cet endroit…
Avant-hier, un malheureux événement est venu mettre fin à cette courte durée de quiétude. Alors que Nyx régnait déjà depuis quelques heures, je décidai de prendre un long bâton que j’avais trouvé lors d’une marche dans la forêt voisine et de sortir récupérer ce dont j’avais besoin.
*Tu comprends maintenant que la chasse est quelque chose de nécessaire, mon garçon.* Aleksandr avait vraiment le don de m’interrompre dans les pires moments. Comme quoi ce n’est pas parce-que tu créés quelque chose qu’elle va faire ce que tu as envie qu’elle fasse. Je me permis alors de ne pas lui répondre et de sortir promptement du village, non sans croiser un couple avec un enfant qui passèrent juste à côté de moi.
*Adiël ?* Si il comptait encore me faire une autre remarque sur la chasse il pouvait rêver pour que je lui réponde …
*Ce n’est pas sur ça Adiël mais ce garçon…*
*Quoi ce garçon ? Celui qu’on vient de croiser avec ses parents ? Qu’est-ce qu’il y’a ? **Tu n’as rien ressenti ?*Je m’arrêtai un instant et tournai mon regard vers les trois protagonistes de notre conversation intérieure qui s’éloignaient de plus en plus de mon champ de vision.
*Non, Pensai-je avant de reprendre la marche,
Pourquoi ? *Celui-ci ne me répondit pas ce qui eut le don de fortement m’irriter … Que ce soit moi qui fasse la sourde oreille c’est une chose mais l’inverse n’est pas permit !
*Alec !* Il s’agit d’un petit surnom que je lui avais donné et que j’utilisais principalement lorsque nos opinions divergées sur un point.
*Laisse tomber Adiël…* En voilà une discussion purement stérile ! Juste bonne à perdre du temps et à ralentir ma cadence de marche.
*Tu as perdu de vue l’essentiel, Adiël !* *Tu comptes jouer aux devinettes encore longtemps ? Si tu as quelque chose à dire dis le moi !* *Tu as changé ! Ton cœur s’est considérablement endurci depuis ton départ et cette rumeur, qui s’est propagé à ton égard, a juste empiré les choses. Tu pensais trouver un but véritable à ton existence en parcourant la Scandinavie mais tu t’es juste perdu d’avantage et lorsque Kairos se présente à toi, tu ne penses même pas à le saisir.* *Je suis fatigué de faire des efforts pour rien … Tu as raison sur un point, je n’ai toujours pas trouvé de sens à ma vie…* Lui dis-je en écoutant les murmures de la forêt à la recherche d’une proie mais rien … je ne percevais aucun bruit du tout si ce n’est un sifflement aigu bien désagréable.
Mon souffle devint court et saccadé et ma vue se brouilla en quelque seconde, je sentais des gouttes de sueur coulaient sur le front … non sur tout mon corps qui s’engourdissait rapidement.
*Qu’est-ce que …* Pensais-je avant de littéralement m’effondrer sur un tapis de neige, tout jute conscient. Je n’avais même pas froid … je ne ressentais plus rien si ce n’est le vide qui s’emparait de mon être.
* Alec…* Non … même lui je ne l’entendais pas. Quelqu’un … pourquoi il y’aurait-il quelqu’un ici ? Non personne n’était là … j’étais seul au milieu de ces bois et j’allais sans doute servir de gouter à une meute de loup … quelle ironie ! Oh que oui c’était drôle
*Ha … Ha* Peut être que le fait de rire avant de mourir me donnera une meilleure mine en enfer…
A quoi ressemble l’enfer ? S’il s’agit d’un monde de glace éternelle, je ne devrais pas me sentir trop paysagé … alors pourquoi je ne ressens toujours rien alors que j’arrive à former des pensées rationnelles. Ou suis-je … et que suis-je … J’ai faim ! Est-ce possible d’avoir faim dans le royaume d’Hadès ? Je n’ai pas hâte de le découvrir.
Combien de temps s’est écoulé ? Pourquoi suis-je encore vivant ? Pourquoi je me pose tant de question alors que je sais que je n’aurais pas de réponse ? Mais tais-toi Adiël arrête de penser !
*Vient nous aider Elias !* Qui est-ce ? Une femme… Allais-je me faire accueillir directement dans les bras de Perséphone ? En voilà une douce façon d’atterrir en enfer. Quoi que … la fille de Déméter ne devait pas aussi douce que les textes ne le présagent, j’espère pouvoir la rencontrer une fois passé dans l’autre monde.
*Au fait, comment va-t-il ?*
Encore, ce n’était pas un rêve. Mon corps refuse de bouger. Mes yeux restent clos contre ma volonté mais je parviens à entendre des voix, sans doute car c’est le sens que j’ai le plus développé durant mon enfance. Tiens, je commençais à ressentir une douce chaleur autour de moi, je n’étais plus dehors c’était sur ou alors …
*Toujours pas réveillé, maman.*
Une voix de jeune garçon cette fois-ci, ce lieu n’était définitivement pas l’enfer ou alors ils recrutaient vraiment des juges de plus en plus jeune.
*Qu… qui…* parvins-je à prononcer du bout des lèvres tandis qu’une légère lumière commença à pénétrer mon iris.
*Oh ! Tu es enfin éveillé !*
Cette situation me semblait étrangement familière …
*Aleksandr tu es là ?* … Pourquoi ?! Pourquoi ne me répond-il pas !! Je parvenais à ouvrir les yeux mais impossible pour moi de tourner la tête, je ne pouvais donc pas voir qui était-en train de parler mais la moindre des choses était de lui répondre.
*Je … qui es-tu ?*
Je l’aperçu alors, se penchant légèrement vers moi et plongeant son regard dans le mien, encore vitreux. Ce visage, c’était ce garçon que j’avais vu en compagnie de ses parents en rentrant dans la forêt et dont Aleksandr m’avait dit si je n’avais pas remarqué quelque chose à son sujet. Bon sang ou étais tu Alec ! Qu’est-ce que ce garçon pouvait bien avoir, il me semblait tout à fait normal, des cheveux bruns, assez court et des pupilles d’un noir profond. Il ne devait pas être des environs, peut-être est-il né dans le sud de l’Europe.
*Elias ! Enchanté* Me répondit-il avec un sourire des plus innocents.
Je sentis mon cœur faire un petit bond, je ne ressentais aucune animosité, aucun mal en lui, contrairement à tous ceux que j’avais croisé jusqu’à présent. A vu d’œil il devait avoir mon âge mais pourtant … il avait suivi un chemin totalement différent du mien.
*Maman, il s’est réveillé*
Je tentais de me redresser comme je le pouvais pour ne pas accueillir la maîtresse des lieux telle une larve tout juste sorti de terre. Trouver mon équilibre était fort ardu et ma tête me faisait encore souffrir mais par respect pour ceux qui m’avait apparemment sauvé, je fis de mon mieux pour ne pas m’écrouler de nouveau. Une charmante femme qui paraissait avoir la trentaine rentra dans la pièce, de longs cheveux ébène et un magnifique collier d’un bleu azur qui attira fortement mon attention, mais je ne le laissai pas paraître.
*Tu nous as fait peur tu sais ! Tu as eu de la chance qu’on est remarqué que ton cosmos s’était fortement affaibli et que nous ayons fait marche arrière pour te récupérer sinon tu serais déjà mort congelé voir dévoré.**Mon … cosmos ?*De quoi pouvait-elle parler ? Elias venait de s’installer au coin du lit et continuait de me regarder avec des yeux pouvant faire craquer n’importe qui en quelque seconde. Ma migraine commençait à se calmer et mes mouvements devenaient plus fluides.
*Ton énergie si tu préfères, j’espère qu’à ton âge tu n’es pas déjà un de ses guerriers divins dont j’ai entendu parler, enfin peu importe, nous ne pouvions pas laisser un si jeune garçon périr comme ça.* Guerrier divin ? Mais qu’est-ce qu’elle était en train de me raconter là.
*Je ne sais vraiment pas de quoi vous parlez mais ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous déranger bien longtemps* Lui affirmai-je en retirant la couverture avant de poser mes pieds sur le parquet de la chambre.
*Tu n’y penses pas ! Tu es encore extrêmement faible tu devrais te reposer, mais avant dis-moi ce que tu faisais seul, en pleine nuit dans la forêt.* Elias m’aida à me recoucher tandis que sa mère ouvrit la fenêtre pour venir illuminer un peu cette pièce pourtant bien protégé du froid. Mais la saison était passé et les journées se trouvaient être plutôt agréable ces temps-ci. Mes yeux rivés sur le plafond, je réfléchissais pour savoir comment j’allais pouvoir lui expliquer ma situation sans qu’elle se doute de quelque chose. Mais finalement, ils avaient déjà vu mon visage et n’avais pas réagis alors peu importe que je leur dise la vérité ou pas, ils ne devraient pas me reconnaitre.
*Je suis juste allé chercher de quoi me réchauffer et manger dans cette forêt mais je ne sais pas pourquoi je me suis tout à coup senti faible et j’ai perdu connaissance… Je vous remercie vraiment de m’avoir secouru, je pensais vraiment que le moment était venu pour moi de rejoindre mes parents. *Merde ! Pourquoi je venais de parler de mes parents ? Je ne souhaitais absolument pas parler d’eux, surtout pas devant des inconnus. Mais bon, la gaffe était faite et je ne pouvais qu’espérer qu’ils ne viennent pas remettre une couche sur mes propos. Alors que j’étais en train de me traiter de tous les noms pour ne pas avoir su garder ma langer, j’entendis que mon interlocutrice demanda à son fils de sortir de la pièce et de se rendre dans la cuisine. Dès lors que ce dernier se trouva assez loin de nous, elle reprit la conversation d’un ton plus grave.
*Tes parents sont morts et tu vis désormais seul ? Cela ne doit pas être simple. Tu peux rester ici autant de temps que tu le voudras et puis ça devrait faire plaisir à mon fils que d’avoir de la compagnie …* Ses derniers mots furent marqués par une mélancolie notable mais sa proposition me faisait chaud au cœur. Aleksandr m’aurait sans doute dit de saisir l’opportunité ! Et je comptais bien le faire mais avant ça j’avais besoin d’en savoir plus à leur sujet.
*Vous n’êtes pas d’ici n’est-ce pas ?*
*En effet, nous venons de Chypre mais on a décidé de venir à Norvège il y’a quelque mois parce-que…*
Elle semblait hésiter à en parler, contrairement à moi, elle réfléchissait avant de mentionner n’importe quoi ! Je ne souhaitais pas la forcer mais j’étais bien trop intrigué pour ne pas chercher à en savoir d’avantage.
*Madame ?* Tentai-je pour lui faire cracher le morceau.
La maitresse de maison observa un tableau accroché au mur, représentant son fils, son mari que j’avais aperçu hier et qui ne semblait pas être à la maison aujourd’hui, et leur fils avec quelque année de moins. Du coin du lit, je pouvais voir une larme coulait sur sa joue et je m’en voulais de lui avoir remémoré des souvenirs qui semblaient la faire souffrir, je tentai de me rattraper comme je le pouvais.
*Navré, je n’aurais peut-être pas du vous poser cette question*
*Non, ne t’inquiète pas, nous sommes venus ici car c’était le dernier souhait de notre fils.**Son dernier souhait ?* Répétai-je en espérant avoir mal compris ses propos.
*Oui ! Il ne lui reste que peu de temps à vivre et il voulait absolument voir ce pays depuis des années, alors nous avons déménagé ici et nous essayons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour qu’il profite au maximum de ses derniers moments.*
Quoi ? Ce jeune garçon allait mourir et il le savait ? Il semblait pourtant être si joyeux et souriant et … C’était pour ça !! C’était pour cette raison qu’Aleksandr m’avait demandé de remarquer quelque chose, Elias se trouve dans la même situation que moi quelque années auparavant. Mais contrairement à moi il le vit plutôt bien et semble être prêt à l’accepter. Il n’a aucune haine en lui, et au contraire même continue d’aider les autres alors qu’il se sait condamné. Je me devais de l’aider ! Peut-être que le fait que je sois tombé inconscient pile après les avoir rencontré et qu’ils m’aient ramené ici n’était pas un coup de malchance mais bien la volonté des Dieux !
*Peut être que je peux l’aider.* Lui dis-je en utilisant le peu d’énergie qui me restait pour faire apparaître ma cithare. Cela faisait au moins quatre mois que je n’avais pas eu d’instrument entre les mains et la retrouver me faisait chaud au cœur, surtout en sachant les bienfaits qu’elle allait apporter.
*Comment ? Cria-t-elle en se tournant vers moi,
c’est quoi cet instrument ?* *Vous savez… lui dis-je en débutant la mélodie que je jouais à chaque fois que j’avais besoin de me requinquer, je me trouvais dans la même situation que votre fils il y’a peu de temps et quelqu’un est venu, jour après jour, près de chez moi pour jouer cette mélodie. Désormais, toute trace de ma maladie infantile a disparu et je le dois à cet instrument. Je vous assure que je ferais tout ce que je peux pour aider Elias, après tout c’est grâce à vous que je suis toujours de ce monde, n’est-ce pas normal ?* Je me sentais tellement léger, mon cœur était apaisé et rien que le fait de composer cet air m’aider moi-même à me réchauffer de l’intérieur.
*Toi… Je vois !* m’annonça-t-elle en fermant les yeux et en posant ses deux mains sur sa poitrine, côté cœur.
* Nous ne nous sommes pas rencontré par hasard ! Nos prières ont été entendues et le Seigneur Odin a fait en sorte que nos destins se croisent. Ta musique, je ressens moi-même son effet, j’espère vraiment que tu arriveras à l’aider et puis même si tu ne parviens pas à le guérir, je sais qu’il sera heureux que d’avoir de la compagnie telle que toi à ses côtés. Au fait tu peux m’appeler Eleanor.*Etais-je vraiment digne d’une pareille confiance ? Même si elle me disait qu’elle ne m’en voudrait pas si je ne parvenais pas à le sauver, au fond de moi je savais que je ne pourrais pas le supporter. Non je ne devais pas y penser, j’allais réussir c’était sûr ! Oui, c’était mon objectif !
*Vous pouvez compter sur moi ! Je ne sais pas si les Nornes sont derrière tout ça mais je les remercie vraiment pour nous avoir donné la chance de nous rencontrer. Et enchanté Madame, je suis Adiël.* *C’est moi qui devrais les remercier, Adiël. Arrête ta mélodie pour le moment, tu n’as pas assez de cosmos pour la maintenir plus longtemps, ou tu vas encore perdre connaissance. Repose toi, Elias viendra te réveiller pour le repas.*Elle replaça la couverture correctement sur moi et me remercia une autre fois en s’inclinant légèrement avant de quitter la pièce. Pour ma part, je me sentais si bien, certes mes membres répondaient encore difficilement à mes commandes mais je me sentais fier ! Fier de pouvoir payer ma dette et de rendre le sourire à une famille entière, l’échec n’était pas une option.
*Tu vois que tu es parvenu à trouver ta vois mon garçon.*
*Alec ? Ou étais-tu passé bon sang ?*
*Ton cosmos était trop faible, n’oublie pas que je ne suis qu’une illusion, tu étais bien trop fatigué pour qu’on puisse communiquer, mais en tout cas sache que je suis de tout cœur avec toi Adiël. Ce garçon peut t’apporter autant que ce que tu peux lui donner alors fait de ton mieux et surtout profite de ces moments passés. Ton cœur peut contribuer autant à sa guérison que ta cithare ! * Chapitre 4 : Frère de cœur, larmes de sang (avant-dernier)
Interlude
Enfin j’avais l’impression de vivre comme quelqu’un de mon âge, avec une véritable famille aimante. Que ce soit Eleanor ou Léon, son mari, il m’avait accueilli comme un de leur propre enfant et me considérait quasiment comme tel. Du coup, nous nous étions pris au jeu avec Elias en nous considérant vraiment comme des frères. A vrai dire, j’ai toujours voulu avoir un petit frère mais j’ai dû décourager mes parents de procréer à nouveau, en même temps, après une première tentative aussi peu fructueuse je pouvais les comprendre.
Jour après jour et des heures durant, nous nous enfermions dans la chambre d’amis que j’occupai désormais, Elias et moi, pour une séance musicale. Alec me donnait des conseils pour faire en sorte que mon cosmos enveloppe son corps et accélère sa guérison. Sans me vante, je commençai à devenir doué et j’espérais vraiment que ça lui faisait du bien au fond de lui, étant donné qu’il était le genre de garçon a toujours être de bonne humeur, c’était délicat de savoir si ma mélodie procurait l’effet escomptée ou pas. Dans tous les cas on s’amusait vraiment bien ensemble et ses parents étaient plus qu’enchantés de cette complicité. C’était sans aucun doute les meilleurs jours de mon existence !
8 juillet 1948
Ce matin, alors que nous venions tout juste de finir le petit-déjeuner préparé avec soin par Eleanor, Léon nous demandé, à Elias et moi-même de l’accompagner au cœur du village pour aller faire voir le forgeron. Il avait commandé une épée pour son fils car celui-ci lui avait demandé de lui apprendre les bases du combat. Je l’avais questionné à ce propos en lui demandant pourquoi, à présent que sa santé s’était améliorée, il voulait apprendre à se battre pour la mettre de nouveau en jeu. A mon plus grand étonnement, il m’avait indiqué que c’était car il voulait protéger son nouveau grand-frère qui lui n’aimait pas les conflits. Je l’aimais … Nous nous connaissions depuis peu et pourtant, je ressentais déjà un profond amour fraternel à son égard. Désormais, chacune de nos séances se terminait par un enlacement, je comprenais le sens des propos d’Aleksandr comme quoi mon cœur pouvait-être un outil encore plus efficace que ma lyre pour aider mon ‘’petit frère’’ dans sa guérison.
J’avais bien indiqué à mes hôtes de ne parler à personne de mes capacités, surtout pas aux gens du village. Ils étaient bien compréhensifs à ce sujet, peut-être se doutaient-ils de quelque chose en fin de compte… Afin de ne pas éveiller les soupçons, j’avais remis mon manteau à capuche pour m’y rendre, alors même que le temps était plutôt agréable. Elias m’avait prêté plusieurs affaires notamment une écharpe mais je ne supportais pas en porter, j’avais l’impression qu’on essayait de m’étrangler avec.
Lorsque nous arrivâmes à destination, Elias semblait tout excité alors que moi, je baissais la tête pour ne pas croiser le regard de quelqu’un que j’aurai pu croiser auparavant.
*Tu sembles perdu, frérot.* Me sortit Elias en sautillant dans ma direction.
*Et toi bien trop émoustillé pour une épée.* Alors que Léon discutait avec le forgeron, mon frère et moi nous étions assis sur les marches menant à son atelier, discutant de tout et de rien en attendant.
*Et si on allait marcher près du littoral cet après-midi ?* Lui proposai-je afin qu’on puisse passer du temps juste tous les deux en dehors de la maison.
*Oh oui avec plaisir, je n’ai jamais eu l’occasion de m’y rendre.*
Sur le chemin du retour, et alors que Elias observait son nouveau joujou sous tous les angles, un groupe de plusieurs hommes s’approcha de nous par derrière et engagea la conversation.
*Hé Léon, tu n’as pas l’impression d’avoir oublié quelque chose.*
Notre petit groupe se retourna tandis que le patriarche nous demanda de reculer d’un rapide geste du bras. Ils devaient être une dizaine à vue d’œil mais nous ignorions, mon frère et moi, que les tragédies allaient s’enchainer à partir de ce moment.
*Adiël, retourne à la maison avec Elias, je vous rejoins dès que j’en ai terminé ici.* Qu’espérait-il faire seul contre un pareil groupement ? C’était une pure folie mais mon petit frère semblait plus confiant que moi et me tira par la manche avec un de ses sourires qui ne pouvait que me convaincre.
*Ne t’inquiète pas pour lui frérot, Papa est quelqu’un de fort ! Rentrons !*
Quelqu’un de fort, mais à quel point ? A vrai dire, je voulais rester pour voir comment les choses allaient se dérouler mais Elias ne me laissa pas le choix et continua à me tirer dans la direction opposée. Il ne fallut pas longtemps pour qu’un autre groupe surgisse vers nous et nous encercle complétement. Tout en prenant la main de mon jeune frère adoptif, je sentais la peur parcourir son échine, lui qui venait d’acheter une arme pour me protéger comme il l’avait dit, n’était clairement pas prêt à ce genre d’affrontement.
*Reste derrière moi.* Lui dis-je en foudroyant du regard ceux qui venaient de nous barrer la route.
*Non ! Laisse-moi t’aider.* M’hurla-t-il en ayant même du mal à sortir sa nouvelle épée de son fourreau.
*Ne fait pas l’idiot Elias, tu n’es pas prêt pour ça, ces imbéciles ne méritent pas que tu mettes ta vie en jeu, laisse-moi faire d’accord ?*
Je ne voulais pas risquer de perdre ma seule accroche à ce monde. C’était mon devoir de grand-frère de lui permettre de rentrer sain-et-sauf… même si j’avais peur d’utiliser de nouveau mes illusions. Alors que mes doutes grandissaient et s’emparaient de moi, je sentis les bras de mon petit frère m’envelopper au niveau de la poitrine, me serrant tout contre lui.
*Je n’ai pas peur ! Même si je meurs ici, je n’ai pas peur ! Je suis vraiment content d’avoir pu partager tous ces moments avec toi, frérot.* Ce n’était pas la peine de me mentir, il avait beau dire ça je sentais bien qu’il désirait vivre à présent. Dans le cas contraire, j’aurais été très déçu de ne pas lui avoir redonné ce gout et cette volonté de survivre pour qu’on puisse encore voir de nouveaux environnements et qu’on puisse passer du temps … ensemble. Quel con je suis ! Comment puis-je avoir peur d’utiliser mes capacités alors que lui me dit clairement ne pas craindre sa fin. Que lâche ! Je suis juste un lâche !
*Elias, Adiël, vous allez bien ?* Cria Léon avant de recevoir un violent coup de poing dans l’estomac.
*PAPA !* Que … que devais-je faire ? Mais merde arrête de réfléchir et agis bon sang !
*Fonce Adiël ! Ne crains pas tes pouvoirs, si tu veux que les autres l’acceptent tu dois déjà toi-même l’approuver. Montre leur que le titre de Dernier Spriggan ne t’a pas été donné à la légère.*Oui, Aleksandr avait raison, si je m’en sers pas pour protéger la seule personne qui compte à mes yeux alors ma mélodie n’aura jamais la force de réaliser un miracle.
*Je vais vous donner une vraie raison de me craindre… Affirmai-je en retirant ma capuche,
moi le Spriggan des Terres gelées !* Je ne pris même pas le temps de regarder si certains de ces hommes me reconnaissaient ou non, pinçant doucement la première corde de mon instrument, mon requiem les portera jusqu’au porte du purgatoire.
-Kryogen Threnody !
- Thème:
Je ne pouvais absolument rien accomplir en me contentant de combine chimérique. Du coup, durant les quatre mois passés dans ma petite maisonnette, j’ai voulu développer d’avantage mes compétences musicales et je suis parvenu à composer deux nouvelles mélopées aux effets bien distincts. La première, que j’ai désigné sous la douce appellation ‘’Stellar Aubade’’ qui était celle que j’exécutais tous les jours en présence de mon petit frère afin d’apaiser son âme et pour permettre à son corps de guérir plus rapidement. Et Celle-ci …
*Ne vous faites pas avoir ! Ce n’est qu’une … il………lu……………………….*
Raté ! Que cela est délicat de comprendre ce qui nous arrive quand nos sens se ferment les uns après les autres, n’est-ce pas ? Que vous perceviez cette situation comme une illusion ou pas importe peu, même si cela en était une, votre esprit est bien trop faible pour espérer vous y dérober. Cette mélopée est tout ce qu’il y’a de plus réel, quel dommage que vous ne puissiez même plus la percevoir.
La compréhension de la scène était bien différente selon la situation des protagonistes. Pour ceux qui observaient la scène, les corps de tous ces nuisibles paraissaient être complétement figé dans le temps, comme si une des sœurs gorgones venait tout juste de visiter notre petit village.
*Qu-as-tu fais frérot ?**Les as-tu tués ?* Surenchérit Léon en se levant, la main posée contre sa poitrine.
Etait-ce vraiment une question ou un jugement dissimulé ?
*Ils ne sont pas morts, ne vous inquiétez pas, tous leurs signes vitaux ont juste été stoppé. Cette mélodie brouille les transmissions synaptiques et empêche le cerveau de donner des instructions à tous les autres membres et organes. Pour eux, c’est comme si leur corps se trouvait gelé mais qu’ils en étaient conscient. Dès que ce son ne leur parviendra plus, ils se réveilleront de ce qu’ils pensent être un sommeil cryogénique, mais ils seront incapables de se mouvoir pendant quelques minutes, j’en profiterai alors pour partir du village. Léon, Elias, je vous remercie pour tout ce que vous avez fait, ces deux semaines passés dans votre famille ont vraiment été les plus belles de ma vie…* *Ne dis pas n’importe quoi, viens avec nous !* M’ordonna Elias.
*Je vais vous laisser le temps de partir alors allez-y ! *
*Pas question.* S’écria Léon avant de nous saisir, mon petit frère et moi et de courir vers leur résidence.
*C’est à cause de moi que nous sommes dans cette situation alors ne pense même pas que nous allons t’abandonner ici. Nous trouverons une solution ensemble.*
… Je n’étais plus en mesure de poursuivre mon aria dans ces conditions, mais nous avions le temps de parcourir une bonne distance avant que nos poursuivants soient en mesure de reprendre le contrôle total de leurs corps. Il ne nous fallut même pas deux minutes pour atteindre la maison mais ce n’était que le prologue de cette tragédie et aucun d’entre nous n’était prêt pour le climax qui s’annonçait.
En cours