Visite de courtoisie

"Je comprends ta position. Je ne suis peut-être pas assez ancien pour penser de la même manière que toi et je préfère mettre un terme à ce cycle. Combattre entre hommes d'honneur instaurera, je l'espère, un ordre de respect mutuel entre tous les guerriers de la terre. Malgré les guerres, malgré les alliances, pouvoir respecter son ennemi et être respecté par lui pourrait nous assurer la tranquillité d'une cohabitation. Vivre ensemble dans le même monde... n'est-ce pas le but premier de la création des Hommes ? Suis-je trop idéaliste de penser qu'un jour les choses s'arrangeront ? A guerroyer sans arrêt les uns contre les autres, nous finirons par tous être ennemis de tous. Et lorsque comme des loups nous ne pourront plus faire confiance à personne, au point de soupçonner ses propres alliés, peut-être alors y aura-t-il une rédemption général, un pardon de tout sans distinction de rang. Ce jour-là, nous nous regarderons avec le cœur rongé par l'amertume et nous songerons alors qu'il y avait d'autres manières de concevoir le monde..."

Simbad repensa à Kyrian. Le phénix noir avait une pensée assez proche de ce qu'il venait d'exprimer lui semblait-il. Peut-être en était-il venu à la même conclusion. La guerre ne pouvait pas durer éternellement au risque de détruire tout ce que la Création avait engendré : plantes, animaux, minéraux, vies et choses inanimées. Si tout devenait poussière, à quoi bon vivre encore ? Même les dieux n'auraient plus plaisir à se défier, même les Hommes n'auraient plus plaisir à s'unir pour dominer les autres. L'orgueil des dieux et des mortels les mèneraient tous à leur perte, quels qu'ils soient. Finalement, tout ne serait plus qu'un trou noir, un bigbang inversé, et l'échec de la vie donnerait naissance au vide qu'elle avait comblé.

"L'honneur, le respect et la confiance, sont le fondement des sociétés. Lorsque les civilisations s'entretuent, il n'y a plus rien. Plus rien qui soit digne d'être défendu, plus rien qui soit digne d'être conquis. Il faut se résoudre à simplement être. Réfléchis bien au fond de toi Gastone, serais-tu prêt à seulement vivre ? Sans but, ni foi, ni loi, ni amis, ni possession ? N'être qu'un corps vivant aux dépends des autres ? La paix doit être notre seule guide. La paix et le maintien de l'Empire comme protecteur des océans, de l'équilibre de notre planète. Voilà ce que je pense. Les berserkers et les spectres sont nos ennemis, mais ont eux aussi un rôle à jouer dans cet équilibre. A nous de le leur faire comprendre.

Soupir. Disserter sur la création du monde à 17 ans. Simbad se trouvait vieux tout à coup, vieux d'esprit. Était-ce l'influence de Scylla ? La nymphe avait eu tout le temps d'y réfléchir, elle, enfermée dans son écaille. Peut-être son jugement ressortait dans les propos du jeune général. Lassé, l'enfant de Chalcidique ferma les yeux un instant et fit le vide dans sa tête. Ne s'imposa plus à lui que le bruit des vagues, l'air iodé, la caresse du vent marin, le silence.

"Excuse-moi, frère. Je dois te paraître pessimiste et utopiste à la fois... Mes méditations me font parfois voir bien trouble dans notre monde... N'hésite pas à me dire si mon discours t'ennuie, je sais que j'ai tendance à trop parler lorsque mes convictions sont en jeu. Peut-être exprimer mes idées à voix haute me conforte plus dans mes choix que de les garder pour moi..."

D'un air contrit, Simbad se tut. Il se surprit à trouver un effet positif au combat : jamais il ne se trouvait plus assuré dans ses positions que lorsqu'il avait à les défendre à la force des poings et du cosmos. Il sonda rapidement les alentours. Zeus mettait bien du temps à le rejoindre. Quel sinistre évènement pouvait retenir le dieu si longtemps ? Se jouait-il de lui en lui faisant croire qu'il reviendrait alors que ce ne serait pas le cas ? Non, non, le maître des cieux avait encore le cœur de Kakyo. L'hôte ne pouvait le laisser mal tourner... Il était trop innocent pour cela. Du moins la dernière fois qu'ils s'étaient vus lui et Simbad.

Simbad sentit un pincement au cœur lorsque son ancien maître annonça sans détour que sa vision des choses était naïve. Certes, il en avait déjà évoqué la possibilité lui-même, mais la preuve profonde que l'humanité et les guerriers qui en étaient issus avaient changé s'imposa à lui comme une gifle ferme et sans ménagement. Le temps des valeurs était donc bien révolu.

"Je vois... Je suppose que tu as raison, le peuple et Poséidon passent avant tout, même s'il faut recourir à des méthodes ignobles et immorales, seule leur survie compte... Toutefois, si des généraux ne peuvent pas changer les choses, qui le peut ? Poséidon, non réincarné ? Zeus, qui veille sur l'équilibre du monde ? Des soldats isolés comme le Phénix noir ou la spectre de l'innocence ? Si les plus puissants combattants, les champions de chaque divinité ne peuvent rien, si les dieux n'agissent pas d'eux-mêmes pour changer les choses, qui rétablira l'ordre du monde ? Nous sommes voués à disparaître : les dieux, les Hommes, la chevalerie. Car d'ici la fin des combats, la Terre ne sera plus que cendres, séismes, raz-de-marées, tornade et tempêtes si nous la détruisons encore et encore. Il y a quelques années, l'idée circulait en France que la monarchie absolue devait cesser, que les paysans devaient se soulever pour créer un régime égalitaire où le peuple serait représenté à sa juste valeur. Je ne sais si c'est encore le cas. Ne pourrait-on pas nous aussi, généraux de tous ordres, agir pour la paix et la cohabitation égale ?"

D'exaspération, Simbad donna un coup de pied dans un caillou qui roula plus loin. Être aussi impuissant face au déroulement des événements le révoltait. Il avait le droit de choisir son destin ! Il avait le droit de faire entendre sa voix et celle des Marinas au milieu des innombrables qui saturaient l'atmosphère ! Du moins, c'était la pensée qui lui vint le plus naturellement. En y réfléchissant un peu, il songeait que les dieux n'avaient que faire de ces voix qu'ils avaient pourtant créées. Leurs luttes de pouvoir et leur orgueil prenaient le pas sur ces choses dérisoires qu'ils appelaient distraction pendant que des gens mourraient chaque jour dans les rues ou sous les sévices. Ils manipulaient leur chair à canon comme pions, fous, cavaliers et tours sur un échiquier.
Excepté Poséidon. Le dieu des mers et océans avait toujours fait preuve de bienveillance à l'égard de Simbad et des autres Marinas, même à l'état d'âme invisible, il veillait sur eux. Le général en avait l'intime conviction. S'il en avait été autrement, le Déluge n'aurait jamais cessé. Deucalion et Pyrrha seraient restés en haut de leur montagne et seraient morts d'inanition malgré les injonctions de Zeus. Poséidon n'aurait pas recueilli et élevés ces mortels, les Marinas, comme ses amis, comme ses enfants. Le dieu avait autrefois créé les Altantes, les avait chéris du plus profond de son être afin qu'ils deviennent la civilisation parfaite, et il y était arrivé. On n'avait jamais connu peuple plus uni et plus prospère...

Peut-être l'Ebranleur de terre serait-il le seul à répondre à bien vouloir donner une solution à ses questions comme il l'avait fait par le passé, mais où pouvait-il être à l'heure actuelle ? Que faisait-il ? Quand reviendrait-il ? Nul ne le savait sinon lui-même sans doute.

*Scylla, étais-je aussi indécis par le passé ? Pourquoi ne puis-je m'empêcher de remettre en question le monde dans lequel je vis ?*
*Oh, tu étais plus conciliant par le passé. Moins scrupuleux mais déjà en quête de droiture et d'honneur. Tes valeurs se sont anoblies mais ta fragilité n'en est que plus grande. Apprends à vivre, simplement, sans te poser de questions sur l'avenir. Tu as un peuple à défendre ? Défends-le. Tu as un dieu à adorer ? Adore-le. Il n'y a pas à voir plus loin parfois.*

(hrp : puisque Gastone tarde, je prends son tour)

Simbad fut interrompu dans ses raisonnements philosophiques par l'arrivée d'un nouveau cosmos en Eges. Désormais capable de ressentir la présence d'autres chevaliers dans tout l'Empire, le mouvement de cet élément inconnu vers eux depuis le domaine central ne lui échappa pas. Il l'intrigua même. Si cet homme était parvenu au cœur d'Eges sans se faire arrêter, c'est qu'il était des leurs, ce que son énergie confirmait à mesure qu'il s'approchait. Bientôt, un jeune enfant traversa le domaine de la sirène aquatique et vint poser genou à terre devant Gastone et lui-même, en se présentant le plus correctement du monde. Le général de Scylla sourit et regarda son ancien maître avec une certaine malice dans le regard, signe qu'il y avait encore des gens bien élevés et respectueux des coutumes dans le monde de la chevalerie.

"Bienvenue en ces lieux, capitaine de Glaucos. Voici le général Gastone des Lyumnades, gardien du pilier antarctique, et moi-même je suis le général Simbad de Scylla, gardien du pilier pacifique sud. Tes mots trouvent leur écho en moi. Je suis sûr que nous pourrons nous entendre. Voir de nouveaux visages est un plaisir, plus que jamais en ces temps de troubles, et j'ose croire que l'on t'aura formé aussi bien au combat qu'à la bienséance et au Verbe.
-Espèce d'immonde, ignoble, abject et infâme misérable humain de bas étage ! COMMENT OSES-TU TE PRÉSENTER DEVANT MA RÉINCARNATION SANS T'EXCUSER POUR CE QUE TU M'AS FAIT !!! DEPUIS LES TEMPS MYTHOLOGIQUES TU TE CACHES COMME UN PLEUTRE DERRIÈRE TES PITOYABLES HÔTES ! ASSUME TON CRIME !"

Avant de comprendre tout de suite ce qu'il faisait, Simbad contrôlé par l'esprit de Scylla bondit sur celui-ci et lui asséna un franc coup de poing dans la mâchoire. Il lui attrapa la gorge et serra aussitôt de toutes ses forces, dans l'unique but d'étrangler le pauvre capitaine de Glaucos qui n'avait sans doute pas été mis au courant du lien mythologique qui régnait entre son âme-liée et celle du jeune général. Ce dernier finit par se reprendre et força la nymphe à défaire son emprise et à relâcher son camarade. Une douloureuse migraine lui cingla les tempes tandis qu'il reculait et empêchait ses mains de recommencer leur tentative. Scylla était visiblement furieuse, et il lui fallut quelques minutes afin de réaliser pourquoi.

"Pardonne-moi, Kaius, je crois que tu n'aurais pas dû mentionner le fait que tu étais une réincarnation éveillée à son passé... Mon geste est le fait de l'esprit de Scylla qui séjourne en moi et en mon écaille. Elle est parfois colérique, mais je ne m'attendais pas à un tel débordement fureur, si soudainement."

Simbad recula de quelques pas, instaurant ainsi une distance de sécurité entre le monstre démoniaque qui l'habitait et le demi-dieu qui devait logiquement hanter l'écaille de Glaucos. Il n'était pas habilité à le commander puisque Glaucos faisait partie de la division de Kartar, mais il songeait à lui demander de ne plus l'approcher, du moins pas sans prévenir ou pas quand il était seul. Cela pourrait dégénérer si Glaucos n'accédait à l'ordre, plus que la demande, hurlée par Scylla. Un problème de plus à gérer. De plus, Kaius était un tout jeune homme, une douzaine d'années tout au plus. Si Simbad venait à perdre le contrôle de ses mouvements à long terme, Kaius n'aurait pas la force physique pour lui résister. Gastone était le seul du sanctuaire sous-marin, à bien y réfléchir, qui était capable de le canaliser par la force. Cette réalité qui l'emplissait de fierté auparavant l'effraya tout à coup. Le jour où l'esprit de Simbad cèderait, il était capable de déclencher un véritable carnage parmi ses propres frères d'écailles.

HRP Setesh ma dit de continuer sans attendre Gastone HRP

Une fois sa présentation faite, le capitaine de Glaucos se releva et regarda les deux autres chevaliers. Malgré sa taille ridicule, le petit capitaine essaya de se faire le plus grand possible. Les deux généraux devaient bien être étonnés de voir un gamin d'une douzaine d'années porter une écaille et pas n'importent qu'elle écaille. Le petit portait l'armure d'un des fils de Poséidon, il faisait partie de la légion qui devait garantir la sécurité du dieu lors de son incarnation sur terre. Dans cette légion chaque capitaine portait l'armure d'une divinité marine et leur général -Kartar- portait l'armure d'un cyclope. Créature légendaire géante ne possédant qu'un œil connue par sa férocité sans pareille.

"Bienvenue en ces lieux, capitaine de Glaucos. Voici le général Gastone des Lyumnades, gardien du pilier antarctique, et moi-même je suis le général Simbad de Scylla, gardien du pilier pacifique sud. Tes mots trouvent leur écho en moi. Je suis sûr que nous pourrons nous entendre. Voir de nouveaux visages est un plaisir, plus que jamais en ces temps de troubles, et j'ose croire que l'on t'aura formé aussi bien au combat qu'à la bienséance et au Verbe. "

Kaius ressentit une impression bizarre quand le général évoqua le nom de Scylla comme si ce nom lui était familier. Qui était cette Scylla et pourquoi le capitaine de Glaucos semblait avoir peur d'elle ? La réponse ne tarda pas...

"Espèce d'immonde, ignoble, abject et infâme misérable humain de bas étage ! COMMENT OSES-TU TE PRÉSENTER DEVANT MA RÉINCARNATION SANS T'EXCUSER POUR CE QUE TU M'AS FAIT !!! DEPUIS LES TEMPS MYTHOLOGIQUES TU TE CACHES COMME UN PLEUTRE DERRIÈRE TES PITOYABLES HÔTES ! ASSUME TON CRIME !"

Le général se jeta sur le pauvre gamin qui reçut un coup de poing dans la mâchoire. Au moment où le pauvre enfant allait s'écrouler au sol, le général repartit à l’assaut en attrapant le cou frêle du jeune homme avec ses mains puissantes. Le jeune homme incapable de respirer et de contre-attaquer restait sans bouger en attendant que le général mette fin à ses jours. Mais Simbad relâcha l'étreinte et recula de quelques mètres, épris d'une migraine effroyable. Kaius avait sombré dans l'inconscience mais il était resté debout comme animé par une puissance étrangère. Son cosmos s'intensifia un court instant et son corps se remit à bouger, quelqu'un ou quelque chose se servait du jeune marina comme d'une marionnette. Une légère couche de glace recouvrit ses pas. Plus il approchait de l'homme plus son cosmos devenait puissant et incontrôlable. Quand il fut assez proche, il frappa le général à l'estomac, le pliant en deux, puis il posa sa main sur la tête du général. Il se servit de sa main comme d'un tremplin et sauta de quelques centimètres pour pouvoir frapper le général avec son genou. Son coup envoyé, le capitaine de Glaucos tomba tout d’un coup en arrière, s’allongeant sur le sol. Kaius reprit connaissance quelques secondes après et se releva doucement, ne comprenant pas ce qui venait de passer. Les deux armures avaient un lien mythologique que Kaius ne soupçonnait pas. Et comme Scylla avait attaqué l’enfant, Glaucos avait agressé l’homme . Kaius, inconscient de ce qui s’était déroulé, regardait Simbad sans comprendre.

L'enfant, bien que chétif, venait de répondre à ses coups. Scylla prit cela comme un signe de la part de Glaucos et se mit plus en colère encore. C'était sa faute si elle avait été changée en monstre marin, sa faute si elle avait perdu sa jeunesse, ses espoirs, sa faute si elle avait tant de haine pour les hommes, leur amour bestiale et prétendue supériorité ! Elle avait refusé sa main à Glaucos et au lieu de se résigner le stupide et naïf être humain était allé voir une sorcière qui avait plus d'une fois fait parler d'elle pour ses frasques et ses amours volages. A la fin, le résultat n'avait satisfait aucun des deux protagonistes : Scylla avait dû se jeter à la mer et nager loin de la Grèce pour un endroit où se cacher et Glaucos avait fini triste et seul comme un pauvre mendiant sur le bord d'une route... Et en dépit de tout cela il osait rendre les coups sans même adresser un mot d'excuse ! La nymphe entra dans une colère noire et prit une nouvelle fois possession de Simbad, plus fort, plus violemment que toutes les fois précédentes. Elle remuait les souvenirs les plus terribles de son hôte pour s'attirer sa sympathie, utiliser sa colère comme sa propre arme.
Ainsi équipée, elle se jeta de nouveau sur Kaius, lui serra la gorge d'une main et le frappa de l'autre, encore et encore, sans ménager sa force. Son estomac, ses côtes, sa mâchoire : elle n'épargna que les organes vitaux du jeune garçon car elle le voulait vivant pour faire abdiquer Glaucos et aussi parce que la volonté de Simbad l'empêchait de faire plus de mal encore à un enfant. L'enfant de Chalcidique n'avait jamais ressenti pareille emprise sur son corps, le pouvoir spirituel de la nymphe, même après des millénaires, était extraordinaire. Les coups de l'antique demi-dieu n'avaient pratiquement pas eu d'effet sur Simbad tant la rage de Scylla était intense en lui. Un filet de sang apparut aux coins des lèvres du jeune enfant et provoqua la montée de larmes de sang aux coins des yeux du gardien du Pacifique sud, impuissant.
Sous le regard abasourdi de Gastone qui ne comprenait plus rien, Simbad se releva, tenant toujours Kaius par la gorge. Scylla lui fit lever le jeune garçon bien haut et lui envoya un nouveau coup de poing qui le fit valser à plusieurs mètres au milieu des coraux. A ce moment-là, une douleur se fit ressentir dans la poitrine de l'Elu d'Atlantide. Simbad cria de douleur et se prit la tête entre les mains, tentant de renverser Scylla avec toute sa force. Témoin de cette lutte dont les motivations étaient contradictoires, l'écaille de Scylla quitta son hôte pour observer plus loin. Simbad avait élevé son cosmos en quantité pour maîtriser la rage qui l'habitait mais qui n'était pas la sienne. Il se calma peu à peu en apparence, essuya les larmes de sang de ses joues et regarda l'écaille d'un air autoritaire. La nymphe n'en ferait pas qu'à sa tête, foi de général ! Son corps se mettait à lui faire mal de toutes parts, du fait de l'opposition de leurs forces à l'intérieur même de lui.

"Ô Poséidon, si tu m'entends et me protèges en ce moment, dis-moi comment remettre les esprits contrariés à leur place, je t'en conjure ! Cela pourrait conserver la vie de l'un de tes fils !"

L'écaille se mit à résonner, comme un écho aux paroles de Simbad. Elle avait beau représenter la nymphe, elle avait elle aussi sa part de volonté propre et acquiesçait aux propos sages qu'il adressait à leur seigneur. Il était grand temps que le fantôme sache retourner à l'humilité ou connaisse le repos éternel quelque part en Elysion, elle qui n'avait commis d'autre crime que d'être destituée de sa vie humaine bien trop tôt pour en jouir comme chaque jeune fille et chaque jeune homme de son époque y était promis.

Au moment où l'écaille de Scylla se mit à résonner, réagissant aux paroles du jeune marina victime des esprits anciens qui cohabitait jusqu'alors en lui et en ce Kaius, l'esprit de Simbad vacilla. Il ne sombra pas vraiment dans l'inconscience ou l'oubli, non, en réalité il fut comme submergé par une vague de colère, un déluge de ressentiments et de rage. Son esprit, son âme même, semblait comme pris de tremblements, et ses pensées allaient de Scylla à Glaucos et de Glaucos à Scylla. Il était outré par les exactions dont ils venaient de se rendre coupable devant lui, outré de voir que ses entités millénaires osaient s'accaparer les corps de leurs hôtes respectifs afin de régler leurs comptes. Mais cela, ils allaient le payer, ce n'était pas le genre d'affront que celui qui venait de s'éveiller par l'appel de l'écaille dorée laissait impuni. Leur impudence était telle que l'esprit de Simbad disparu en un instant après avoir constater la déchéance de Scylla et de Glaucos.... il disparu oui, pour ne laisser parler que la force. Une force millénaire et destructrice comme le monde n'en avait pas connu depuis des siècles et des siècles... Une aura à la puissance torrentielle surgit du corps du jeune homme, une aura prenant les traits d'un puissant et redoutable colosse, à la musculature tout aussi impressionnante que l'intensité du cosmos qui émanait de la "chose".



Sa barbe aussi blanche que l'écume de la mer était magnifique et faisait penser aux vents furieux des tempêtes tandis que ses yeux étaient tels des éclairs intenses et terribles! D'un coup de trident féroce, il frappa l'esprit de Scylla qui, transpercée, était désormais inerte. Puis d'un geste tout aussi violent, elle fut projetée au sein même de l'écaille qui la représentait, puis d'un regard, fit trembler l'écaille de Glaucos, remettant l'esprit du descendant du Souverain des mers à sa place. Un silence solennel s'était installer au moment où la force qui habitait Simbad était apparue pour mettre au pas Scylla et Glaucos. La silhouette agressive et colérique finit par disparaître lentement... mais ce n'était pas pour autant que le général reprit conscience. Enfin... le jeune homme avait changé. Désormais, il n'était plus ce marina, il n'était plus ce jeune homme prêt à se sacrifier pour son royaume. Il était autre chose. Il était tellement plus que cela désormais!

Ses yeux étaient clos, mais il connaissait le domaine comme si c'était une extension de lui même. Il tourna les talons aux marinas présents, et commença à marcher. Sans poser davantage de questions, les marinas le suivirent sans tarder et sans prononcer le moindre mot...