Dieu contre Demi-dieu [Cronos Vs Kazuki]

Je te comprends plus que tu ne le penses Kazuki Silfrid.  Car, ce que tu as vécu, je l’ai déjà connu par le passé. Ton désir de vengeance, je le saisis pleinement car je l’ai ressenti pleinement, il y a fort longtemps. L’infinie tristesse d’avoir perdu des êtres chers hantent encore aujourd’hui mon âme. Et surtout, mon passé est un véritable cauchemar que je vis actuellement et que je ne souhaite absolument personne. C’est pour cette raison que, plus que quiconque en ce monde, je puis me permettre de prononcer ces noms…

Sais-tu pourquoi, depuis le début de notre combat, je n’ai pas lancé une seule technique offensive sur toi ? Sais-tu pourquoi je ne fais que me défendre contre ta rage ?

La raison est toute simple: je ne veux pas avoir à te blesser. Mes paroles ont  du être dures. Sous le coup de la colère, je me suis laissé emporter et j’en ai oublié l’essentiel: faire en sorte d’aider aussi bien les humains que les Divins à ne plus jamais connaître ce que j’avais vécu et ce que j’avais fait naître. J’ai pêché Kazuki Silfrid et je t’ai blessé. Alors, je te demande humblement mon pardon.

Je ne peux pas tout te révéler mais... À moi aussi les Dieux m’ont tout pris. J’ai tué mon père pour sauver ma mère, mes frères et mes sœurs. Je ne savais pas que cet acte me condamnerait à un tourment éternel, préalablement décidé et ordonné à l’avance par les Anciens Dieux. Je n’avais rien demandé à l’époque. Je leur avais demandé de me laisser en paix mais ils ont refusé. Je n’avais rien fait mais je devais payer les agissements de mon père. Et ils m’assurèrent que mes propres enfants paieraient pour l’acte que mon père a commis. Nous n’avions rien demandé, nous avions subi…

Avant que mes enfants naissent… Avant que le  Châtiment Divin ne me détruise à tout jamais, je gouvernais un monde de paix. Que l'homme était heureux sous mon règne avant que la terre fût ouverte en longues routes ! Le pin n'avait point encore bravé l'onde azurée,ni livré une voile déployée au souffle des vents. Dans ses courses vagabondes, cherchant la richesse sur des plages inconnues,le nautonier n'avait point encore fait gémir ses vaisseaux sous le poids des marchandises étrangères. Dans cet âge heureux, le robuste taureau ne portait point le joug ;le coursier ne mordait point le frein d'une bouche domptée ;les maisons étaient sans porte ; une pierre fixée dans les champs ne marquait point la limite certaine des héritages ;les chênes eux-mêmes donnaient du miel ;les brebis venaient offrir leurs mamelles pleines de lait aux bergers sans inquiétude. On ne connaissait ni la colère, ni les armées, ni la guerre. L'art funeste d'un cruel forgeron n'avait pas inventé le glaive. En compagnie de ma famille, marié à la plus belle des femmes que je ne saurais imaginé, j’étais si heureux. J’avais même espéré que ce funeste serment ne soit qu’un rêve. Malheureusement, quand mes enfants naquirent, ce fut le prélude à ma destruction…  

J’ai tué mes enfants. Seul Zeus a pu échappé à cette folie imposée par les Anciens Dieux. Je remercie encore aujourd’hui ma Mère et ma femme de l’avoir sauvé. Qui sait ce qui aurait pu se passer si elles avaient échoués ? Qu’auraient été ce monde ? J’ai tout fait pour essayer d’échapper à cette fatalité mais j’ai échoué. Alors, quand mes autres enfant sont pu être ressuscité, nous nous sommes affrontés et j’ai perdu. Tout… Absolument tout… Mon peuple a été exterminé. Mes rêves le plus enfouis ont été anéantis. Et on m’a enfermé au Tartare pendant très longtemps. En compagnie de ma famille…

J’ai été torturé. On a martyrisé ma famille. Nous avons toutes et tous soufferts à un point que tu ne peux même pas imaginer. Je n’avais rien fait de mal dans le fond: ma seule faute est de n’avoir pas eu la force nécessaire de me rebeller contre cette fatalité. Les cris de douleurs de ma femme, de mes sœurs et de mes frères me tourmentent encore aujourd’hui. J’ai pu accomplir ma vengeance contre certains des Anciens Dieux mais j’ai constaté que cela n’avait servi strictement à rien. Car, indéniablement, tout était de ma faute. La vengeance est une apparence: c’est une voie bien aisée à suivre. Mais il n’y a rien au bout de ce chemin. Pas de pardon, pas d’expiation, pas de rédemption: on pense aller mieux après en tuant ses bourreaux mais rien ne change car, au bout du compte, on reste seule avec sa tristesse. On a ce sentiment de devoir accompli mais ce n‘est qu‘une chimère. Crois moi mon enfant: aussi longtemps qu’on médite sa vengeance, on garde sa blessure ouverte car la satisfaction qu'on tire de la vengeance ne dure qu'un moment : celle que nous donne la clémence est éternelle. J‘en sais quelque chose…

Lorsque j’ai quitté le Tartare, j’ai cherché à faire amende honorable pour expier mes péchés. J’ai longtemps cru que j’y étais parvenu mais ce n’était encore qu’une chimère. Ma femme, que j’aime de toute mon âme, me déteste. Ma famille, auquel je rend grâce à chaque jour, me haït. Mes enfants me maudissent. Je souffre depuis une éternité et il n’y a aucune échappatoire. À cause des Dieux Anciens, j’ai absolument tout perdu et je vis, malgré tout, avec. Mon tourment ne cesse jamais et même mes moments de bonheurs sont tellement rares que je les considère comme inexistant. Nous sommes de la même famille. Tu es le petit fils de Zeus et je suis son père. Voilà pourquoi je te comprends mon jeune enfant. Voilà pourquoi je compatis à ta peine et que je demeure profondément solidaire avec toi. Voilà pourquoi je me refuse à te faire du mal.

Malgré tout, je garde espoir qu’un jour viendra où je pourrais vivre en paix avec ma femme, mes frères, mes sœurs et mes enfants. J’espère que mon cœur sera apaisé, je souhaite ardemment devenir ce que je n’ai pu être toute ma vie: un père, un bon mari, un bon frère… Alors... Je te demande de ne pas harceler cette famille qui m'est si chère et de me permettre d'entretenir ce mince espoir...

C’est fort dommage… C’est même très… Regrettable…