Perséphone, Déesse des Ténèbres

Je me suis toujours demandée ce que les mortels et divinités savaient réellement de ce qu'ils nomment tous ma "sombre histoire". Les contes et légendes narrent bon nombre de choses... mais pensez-vous réellement que tout ne soit que pure vérité ?
Un seul être en ce monde connait la véritable histoire de Perséphone. Un seul. Et ça n'est pas vous.

De tous temps à jamais, je fus et suis souvent encore considérée comme la pauvre déesse qui du accepter sa destinée sans jamais pouvoir lutter contre elle. Être la fille de Déméter impliquait de lourdes taches. Accompagner le retour du printemps, veiller à ce qu'il reprenne ses droits en terre des hommes, toujours à la même période, toujours pour le même temps. Tous m'enviaient cette faveur.

Le printemps est symbole d'espoir pour beaucoup en ce monde. La neige fond, la froideur s'estompe, le vent glacial devient plus doux, plus clément envers ceux qu'il fouette sans relâche. La végétation repousse, la nature se pare de couleurs chatoyantes qui réconfortent l'âme autant que le cœur de ces pauvres mortels... mais aussi ceux des dieux.
Et pourtant... cette tache que l'on me confia, m'apparaissait comme un devoir ennuyeux, rébarbatif, sans le moindre intérêt. Faire fleurir la nature est bien joli, relève de bien agréables sentiments, mais cela ne durait que peu de temps. Le reste de l'année s'écoulait dans une monotonie affligeante.

Jusqu'au jour où je fis "sa" rencontre.
Il est dit dans les livres et autres contes mythologiques, que le sombre Hadès m'emporta de force. L'on y conte que la pauvre Perséphone sans défense se fit happer par les ténèbres qui entouraient le seigneur noir et qu'elle fut entraînée dans les limbes de l'enfer à son plus grand désarrois. Sottises que tout cela.
Les esprits sont si fragiles... si facilement manipulables... que j'en viens parfois à me dire qu'Eris doit passer son éternelle existence à rire de la bêtise des autres.

Cela fait plus d'un millénaire et pourtant, je me souviens de ce jour avec une grande clarté. C'était au bois d'Enna, un jour où le printemps tirait à sa fin et où l'été était en passe de reprendre ses droits sur le monde.
Je m'étais éloignée des babillages incessants de ma mère et des Océanides qui ne nous quittaient que rarement à cette période. C'est là, que je le rencontrais pour la première fois.

Il était... impressionnant. Quel autre qualificatif scierait mieux au maître des enfers.
Impressionnant il l'est encore aujourd'hui et il le sera toujours à mes yeux. Il est le dieu le plus puissant de ce monde. Et cette divinité peu commune entre toutes, est à la fois mon oncle et mon époux.
Devrais-je en être choquée ? Si j'étais mortelle cela se pourrait. Mais je ne le suis pas et ne l'ai jamais été. Si vous pouviez imaginer, ne serait-ce qu'une seule seconde, l'étendue de toutes les insanités dont les dieux sont capables, vous comprendriez bien vite qu'un tel mariage n'est que broutille face à toute leur perversité.
Mais revenons en à cette rencontre qui scella un tournant majeur dans ma vie.

Hadès est venu me trouver ce jour là. Et la seule véritable vérité que prônent les livres, c'est bien que je ne m'y attendais pas le moins du monde. Je savais, bien évidemment, qu'Hadès existait et ce qu'il représentait. Mais il était en quelques sortes si loin de ma réalité... que je ne me préoccupais pas outre mesure de son existence et pensais même ne jamais le rencontrer. Ma mère éprouvait une telle amertume à son égard, que cette situation semblait pour le moins improbable. Et pourtant...

Il a été d'une limpide clairvoyance, ce dès ses premiers mots.
Je n'avais rien à faire aux côtés de ma mère. Ma vie n'était qu'ennui. Je gâchais un potentiel divin auquel aucun autre être ne pouvait ainsi prétendre. Flatteries que tout cela ? Peut être. Mais peut être pas. Car depuis ce jour je suis et je reste sa seule épouse. Hadès n'en a jamais pris d'autre et, croyez-moi, il m'appartient pour l'éternité comme jamais je n'appartiendrai à nulle autre divinité que lui...
Il me proposa de le suivre dans son royaume souterrain et de devenir sa reine. Cela était aussi simple que les mots qui sont prononcés à cette minute. Vous les mortels, avez toujours tendance à tout compliquer. Cela n'avance à rien, ne sert à rien, c'est une perte de temps.

Hadès me promettait un avenir meilleur, quelque chose de plus attrayant, de plus excitant, de plus vibrant... que l'existence que je menais aux côtés de ma mère trop protectrice.
Nous avons donc élaboré un plan, car il était improbable que Déméter accepte un tel mariage. Il a fallu faire vite. Ce fut la première fois que je réalisais à quel point il avait plusieurs longueurs d'avance sur les autres. Il avait déjà tout prévu et son plan me parut... infaillible.

Tout ce qu'il dit se matérialisa quelques semaines plus tard. Ma mère me chercha aux quatre coins du globe et du royaume des dieux, sans succès. Une langue déliée finit par la mettre sur la piste des enfers. Elle somma mon tendre époux de lui rendre sa fille, ce qu'Hadès refusa. La famine s'abattit sur le monde des hommes. Zeus, grand pleutre parmi les pleutres, ne souhaitant pas contrarier son frère ni sa soeur et ne pouvant accorder pleinement de droits sur moi ni à l'un ni à l'autre, convoqua le tribunal divin.
Il fut décidé que je passerais la moitié de l'année avec mon époux en enfers et que l'autre moitié serait dédiée à mes taches habituelles auprès de ma mère.

Je n'étais pas vraiment satisfaite de ce dénouement. Mais les ténèbres de mon roi me rassuraient. Cela ne durera qu'un temps ma chère... me répétait-il quand il sentait ma patience atteindre ses limites.
Et, une fois encore, il eut raison. Je me rendis auprès de ma mère, après environ 500 ans de ce régime de vie pénible. Je pleurais à chaudes larmes. Je lui expliquais à quel point les enfers étaient mal gérés, le degré de mauvais état de la sombre armée d'Hadès. J'appuyais avec fermeté sur les douleurs infligées inutilement aux âmes qui y séjournaient de manière permanente ou temporaire.
Ma mère... eut foi en mes paroles et son coeur en fut touché. Elle crut tout ce que je lui contais et ne put rester indifférente face à la détresse de mon coeur. Elle m'accorda de rester auprès d'Hadès de manière permanente.
Elle me pensait capable de redresser cette terrible situation. En un sens... elle n'avait pas tort.

Maintenant que vous connaissez ma véritable histoire, et non celles qui se racontent au coin du feu les soirs d'hiver où vous n'avez rien de mieux à faire... laissez moi vous conter mes jours et mes nuits, ma vie au royaume des ténèbres, mon existence aux côtés d'un être qui surpasse de loin votre entendement.

Commençons par les trois juges des enfers.
Ils sont et ont toujours représenté les entités guerrières et dirigeantes les plus proches d'Hadès, si l'on excepte les dieux jumeaux, mais là n'est pas encore le sujet.
Kazuki, Alessio et Setesh, ont toute la confiance de mon cher époux et ils savent parfaitement qu'il ne leur faudra jamais faillir. Nous détestons la faiblesse tout comme l'échec. Contrairement à certaines maximes prônées par Athéna, la faiblesse dessert plus qu'elle ne contribue à faire avancer les choses. L'erreur doit être impardonnable. On apprend de ses erreurs, cela est une réalité. Cependant... nous ne la tolérerons jamais. Et ces trois guerriers en ont parfaitement conscience.

Je peux leur faire confiance en toutes occasions. Je sais qu'ils ne failliront pas. Ils sont les trois guerriers les plus puissants du royaume des enfers, et chacun devrait le savoir de part le monde.
Force est de constater que ces trois juges ont des personnalités pour le moins affirmées. Alessio est celui que je connais le moins. Kazuki est souvent pris entre deux feux, la violence ou la douceur, l'amabilité ou l'agressivité. C'est un être particulier... dont la force n'est plus à prouver depuis fort longtemps.

Quant à Setesh... s'il vogue dans l'armée noire depuis de très nombreuses années, ce n'est que récemment qu'il a obtenu le rang de juge. Son passé est aussi nébuleux que chaotique, d'après les quelques récits que me conta Hadès. Parfois j'ai le sentiment qu'il a une envie dévorante de m'envoyer balader. Pour l'instant il s'en est toujours abstenu et c'est une bonne chose, pour lui cela va sans dire. Sa violence nous est indispensable. Nous verrons si son instabilité ne nous portera pas préjudice dans l'avenir.

Hypnos et Thanatos semblent tout acquis au sombre monarque.
Je n'ai jamais vraiment douté d'eux, mais je les sais parfois un peu solitaires. Leurs comportements me plongent parfois dans un état de perplexité assez prononcé. Il est difficile de vraiment savoir ce qu'ils font. Hadès semble ne pas s'en inquiéter.
Même après plusieurs siècles, même si nous nous côtoyons plus que régulièrement, je ne sais jamais vraiment ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent ou ce à quoi ils aspirent. Ce sont des dieux très secrets, à l'image de leur mère la nuit.
Je ne me confie que rarement à eux et cela reste toujours en des termes assez basiques. Mes véritables secrets sont entièrement acquis à mon époux et à nul autre.

Une vie en enfers est tout sauf ce que son nom renvoie comme image aux mortels. La mort, la souffrance, y règnent, cela est un fait. Et alors ? Ne seriez-vous pas satisfait d'apprendre que l'assassin de votre famille pourrit dans le royaume des morts et ne trouvera jamais le repos ? Vous ferez comme n'importe qui de normalement constitué, cela vous fera du bien. Alors en ce cas... pourquoi se lamenter sur l'horreur qui règne dans notre royaume quand vous la savez parfaitement nécessaire ?
Ce sont les actes des humains, leurs mauvaises pensées, leurs trahisons, leurs mensonges, qui remplissent si bien nos prisons. Il ne faut pas se plaindre d'une fatalité que vous provoquez vous mêmes par vos agissements inconsidérés...

Mon époux est un dieu clairvoyant, qui peut être aussi doux qu'il sait être violent.
Tremblez... pauvres mortels, dieux, guerriers, ou qui que vous soyez, si vous avez à affronter ses foudres. Hadès oeuvre pour que la quiétude recouvre la terre. La mort est une délicieuse délivrance... Demandez donc son avis sur ce point à Thanatos.
Vous ne comprenez rien et n'avez jamais rien entendu au message de celui que vous nommez le sombre monarque. Pourtant, la terre doit être lavée de ses péchés... et il y en a bien trop pour qu'une frappe chirurgicale soit envisageable. Un nettoyage complet s'impose, et croyez bien que nous nous y employons et que, bientôt, vous en verrez les premiers fruits, tout comme ceux que je fis pousser au printemps jadis....

Le bien ou le mal ? Quelle drôle de question... Que voilà des mots bien humains, ou infantiles, ou peut être que...
Seriez-vous proche d'Athéna pour poser une interrogation aussi ridicule ? Il n'y a que cette déesse, aux concepts si manichéens, pour penser de telles sottises. Le bien contre le mal, elle contre Hadès, et la liste serait longue si j'avais plus de temps à perdre avec vous.
Si je vous posais la question en retour, que répondriez-vous ?

Le bien et le mal sont des notions qui diffèrent selon chaque individu. Ce qui est bien pour l'un, ne l'est pas forcément pour l'autre. Cela ne vous apparait-il pas évident ?
Si l'on reste sur ce principe. Vous êtes éperdument amoureux d'un homme, un dieu, de qui vous voulez, cela importe peu. Cet homme vous quitte parce qu'il en aime une autre. Ce qui fait du bien à l'un, ne fait pas forcément de bien à l'autre.
Alors avant de poser des questions qui me font perdre mon temps, réfléchissez-y un peu plus avant la prochaine fois.