Bronko du Phoenix

« Cet homme là est un drôle de numéro. Il connaît bien le coeur des hommes, ça oui, et il en fait à peu près ce qu’il en veut. Savez-vous qu’il a été le propriétaire esclavagiste d’une mine d’or ? A la fin, ses travailleurs ne se rendaient même plus compte de leur degrés d’exploitation. Ils aimaient Bronko comme leur père, leur frère, voire leur mère pour certains. Bronko Zykë parait avoir tout de l’immonde et avide salopard, en vérité c’est un généreux qui aime simplement la vie et une race d’homme en particulier. Les femmes aussi, bien sûr. »

« C’était un sacré farceur le gamin, je m’souviens qu’un jour un gars en cavale était passé par chez nous. La maréchaussée nous avait prévenu et on avait vite fermé les volets vous pensez, mais moi j’ai rien manqué. Lui, le p’tit Bronko, je l’aperçois dans la grand rue et le voilà qu’il indique le chemin au bonhomme avant de rappliquer avec du poivre et du curry qu’il répand sur ses traces. Quand les chiens d’la maréchaussée se sont pointés, ce qu’ils ont pris dans les naseaux mon vieux ! C’était tordant, eh eh sacré p’tit gars. »

« Oui ses parents vivent encore ici, de bonnes gens, un caractère bien trempé la mère, c’est elle qui porte le caleçon y’a pas d’doute. Le jeunot a quitté la ville depuis longtemps, enfin si on peut nommer ça une ville, avec une fille, jolie d’ailleurs, je sais pas du tout où vous pourrez les trouver aujourd’hui. Dites donc, vous leur voulez pas d’mal au moins ?  Sinon oui, il a un frère qui vit à quelques kilomètres d’ici. »

« Mon frère fait ce qu’il a à faire, je fais c’que j’ai à faire. Il sait qu’il peut compter sur moi quand il veut, et réciproquement. Maintenant si vous permettez, j’ai du travail, et puis j’aime pas vot’ton. »

« Bronko ? Me parlez pas de c’type, d’ailleurs n’en parlez à personne ici. Il a foutu l’feu à la grange des Fribourget, Allan, le père, a bien failli y rester. Plus personne ne veut entendre parler de lui et de sa chienne ici. On raconte qu’Allan, qui l’avait employé aussitôt ! avait des vues sur sa belle, moi j’y crois pas une seconde, c’est un bon catholique Allan. Ils se sont carapatés vers le nord d’après c’que j’sais. Vous seriez pas d’la maréchaussée ? »

« Oui je l’connais, lui et sa mignonne étaient des amis à moi. Je les ai vu pour la première fois dans un bal, ils dansaient tous les deux, lui très beau, elle très gracieuse. Ils m’ont tout d’suite tapé dans l’œil. Ils ont longtemps travaillé dans l’vingtième, ouais, mais Bronko avait un sérieux problème avec les patrons, c’était un drôle d’oiseau vous savez, on pouvait pas lui dire d’penser comme on voulait qu’il pense sans recevoir une réplique cinglante. Un jour il s’est battu sur les marchés, une bastonnade mémorable vous auriez vu ça ! »

« C’est bien moi, mais qui l’demande ? Bon, si vous l’dites. On en a vu du pays ensemble, on s’en est raconté des histoires, commis dans la marine marchande on en chiait, c’est sûr, mais aux escales, Bronko c’était l’meilleur partenaire que j’ai connu. Il avait peur de rien ce mec, et il avait ce regard, comme si il était sûr de mourir demain. C’était vraiment un type bien, réglo, pas toujours facile à aborder, mais ce sourire, il savait vous mettre dans la poche, en boîte aussi d’ailleurs… Non vous l’trouverez plus à La Rochelle, il a pas voulu me l’dire, mais j’ai la certitude que c’est une peine de cœur la raison d’son départ. »

« Pourquoi ? Qui vous êtes ? Ca fait cinq ans maintenant et j’arrive à moins y penser, et vous vous venez ressasser tout ça. Vous lui voulait quoi hein ? Laissez-moi tranquille, Bronko Zykë est un homme seul qui finira seul. Caltez d’chez moi ! »

« Tout à fait, on l’a gardé un moment ici, et c’est comme on vous a dit, il a pas fini de purger sa peine. C’est certain, on lui mettra l’grappin dessus un jour, c’est certain, il doit faire le malin je n’sais où, mais un jour il commettra une erreur et on lui mettra l’grappin dessus. On n’échappe pas à la justice, qui qu’vous soyez, aussi malin qu’vous soyez, c’est certain. »

« Ouais, j’en ai fait un satané bon trappeur, c’était un agile, il avait l’œil du lynx hein, une façon de bouger, un drôle de gus le Bronko. J’peux vous l’dire, sans lui j’serais six pieds sous terre, j’ai jamais croisé quelqu’un avec le cuir aussi épais que c’garçon, il pouvait résister à des températures qui vous tueraient un ours et sans lui dans cette foutue tempête de neige, bah j’serais crevé, voilà c’que j’serais, crevé, raide ! Mais il parlait avec les morts Bronko, je risquais rien flanqué de c’genre de chuchoteur là, ouais il avait son côté mystique le garçon, et j’crois que je l’croyais à la fin, qu’il parlait avec les morts. Savez quoi j’sais pas pourquoi j’vous dis tout ça, vous m’avez un drôle d’air. Ouais, c’est ça, en tous cas m’oubliez pas, parce moi j’vous oublierai pas, et si vous m’avez menti, si c’est pour du moche que vous cherchez mon homme, je l’saurai, parole de Ketchum, retenez bien mon nom ! »

« Un tueur, ouais j’en ai fait des ronds en misant sur ses poings, j’avais jamais vu un gauche pareil. Ca fait un sacré bout qu’on l’a plus revu, il a pris le ferry pour l’Angleterre à c’qu’on dit. »

« Oui c’est moi. Le Gauche Céleste, eh eh, c’est comme ça que tout l’monde l’appelait ici. Vous savez Bronko avait des prédispositions pas croyables, j’ai surtout travaillé son souffle et son droit, tout le reste, il l’avait déjà. Oui bien entendu, j’étais là quand son poing gauche a brillé pour la première fois, contre Jack Slack, qui n’montera plus jamais sur le ring d’après moi. Bien sûr ça a fait beaucoup d’bruit, un type dont l’bras éclaire les gradins d’une lumière flamboyante et pas naturelle ça fait poser des questions. Il a même cogné devant le prince, qui voulait voir ça avant de s’en remettre aux curetons. Un peu après ça, le champion n’était plus à Londres, et personne ne pourra vous dire où il est aujourd’hui. Moi j’dis qu’il a fait l’bon choix mon fiston, l’Eglise ça vous met des diableries sur le dos en moins de rien quand elle pige pas ce qui s’passe. »

« En effet j’étais son maître. Bronko est de pure race guerrière, son cosmos ardent vous cuit comme une cuisse de sanglier. Il posait peu de questions et préférait perdre du temps à soigner ses blessures plutôt que de me demander conseil. Mais il apprenait vite, et je plaçais beaucoup d’espoir en lui. J’ai bien fait, aujourd’hui il est chevalier de bronze et même si tout le monde ne l’apprécie pas au temple, moi je l’estime beaucoup.

« J’ai mené toutes mes missions de préparation avec lui à l’époque où j’étais en formation. Un bon partenaire, mais un peu trop indépendant et fantaisiste pour moi. Cela dit on a passé de grands moments ensemble, c’est avec lui que j’ai découvert toute l’étendu de mon pouvoir et je pense pouvoir dire que sans moi, son existence aurait pris fin avant qu’il ne reçoive son armure. »