Hey le sadique! Je suis de retour!

Mourir en devenait presque lassant. Presque car cela restait particulièrement désagréable. A nouveau, il se retrouvait plongé dans le Tartare, et beaucoup plus tôt qu'il ne l'avait espéré. Bon, il fallait bien être honnête. De un, il avait espéré ne jamais y retourner, aussi la notion de "trop tôt" était elle absurde. Ensuite, de deux, il l'avait un peu cherché. Il était clair que, tout titan qu'il fut, ses chances de survie était maigres alors qu'il était entouré par une marée d'ennemi. Toutefois cette mort n'était pas aussi déprimante que la précédente. Tout d'abord, il se retrouvait ici par sa propre décision, en ayant mené son propre combat, et non pas en étant possédé par quelques créatures maléfiques. Ensuite, il n'était pas mort en vain. Les berzerkers se repliaient, et les spectres n'avaient pas de raison de rester. Il avait senti la mort de Mnémosyne face à un berzerker. Si il en voulait toujours à sa sœur de son ignoble trahison (bien qu'il ne soit pas le mieux placé pour ce genre de reproches), elle remontait dans son estime pour lui être venu en aide face à l'envahisseur. Ce passage au Tartare n'avait rien de réellement malheureux donc, mais il représentait un contre-temps de taille. Et il n'avait nullement besoin de contretemps. Il avait une quantité incroyable de choses à faire en ce monde, et il fallait qu'il se retrouve coincé ici! Enumérer la liste des taches qui pesaient sur lui aurait été accablant et n'aurait fait que le faire angoisser encore plus à l'idée du retard qu'il lui faudrait combler à son retour. Il aurait sérieusement fallu qu'il songe à déléguer certaines de ses responsabilités à d'autres titans. La responsabilité du redressement des titans ne pouvait tout de même pas peser que sur lui quand même! Sauf qu'il ne servait à rien de songer à ce genre de choses en ces lieux. Son esprit devait être tourné vers un moyen de sortir de là au plus vite. Sauf qu'il avait peu de chance dy parvenir. Le maitre des lieux n'allait certainement pas le laisser sortir rapidement, et encore moins sans souffrances. Quant à trouver lui même une sortie, il lui faudrait des millénaires pour cela vu l'immensité des lieux, à supposer qu'une véritable sortie existe. Sans compter les paroles qu'il avait tenues à Tartaros qui n'avaient certainement pas été du goût de celui ci. Il n'empêche qu'il comptait bien avoir à nouveau le même type de discussion, une manière de montrer qu'il ne se soumettait pas. Se relevant et observant le paysage aride et désolé qui l'environnait, Océanos choisit une direction au hasard. Peu importe celle qu'il choisirait, cela ne l'aiderait pas beaucoup à sortir. Il pouvait toujours espérer, l'espoir ne faisant à priori pas de mal.

Le lieu où il se trouvait était un véritable supplice. A peine le titan eu il commencé à marcher qu'il se stoppa, comme foudroyé par la chaleur implacable qui régnait en ces lieux déserts et sinistres dont le ciel était un océan de magma. La fournaise brulait son corps et calcinait son esprit, et pourtant il ne pouvait mourir. La volonté du maitre des lieux le maintenant non seulement en vie, mais également conscient, pour qu'il ne puisse rien manquer de son supplice. Il continua à avancer, décidé à quitter cet enfer. Au fur et à mesure que le temps passait- mais combien de temps pouvait bien s'être écouler, des siècles lui disait don corps, mais peu de temps seulement lui disait sa raison- la chaleur empirait, le sol rocailleux se changeant en un sable qui commença à rougeoyer. Une tempête de sable semblable à celle qui avait causé sa mort s'abattit sur lui, le malmenant puis l'ensevelissant sous un poids écrasant. Une voix se fit entendre.

"Alors, Océanos...Ce poids à porter n'est il pas trop pesant? Tirer à bout de bras ce clan abandonné par son Roi... cela n'est il pas trop harassant? Qu'un être comme toi tombe ici , pour défendre un malheureux bout de terre,... voilà une anecdote que je ne suis pas prêt d'oublier! Cela en valait il vraiment le prix à payer?"

Des moqueries, encore et toujours. Comment la création avait elle pu faire apparaitre un être aussi cruel? Tartaros sembler surpasser en cruauté Pontos et Ouranos, les deux êtres les plus ignobles que le titan connaissait. Péniblement, il s'extirpa la tête du sable et toussa, la gorge irritée par la chaleur et le sable.

En effet je suis las. Depuis mon retour en ce monde, je n'ai fait que tenter de sauver du naufrage un clan menacé par la destruction. Et je pressens que ce poids s'alourdira encore lorsque je ressusciterais. Mais crois tu vraiment que je puisse renoncer à ce rôle qui est le miens? Le ciel peut il cesser d'être le ciel? Toi même tu as un rôle à jouer en ce monde, bien que j'ignore lequel. Pourrais tu y renoncer si l'envie même t'en venait? De la même manière, je ne puis me soustraire à mon rôle d'ainé des titans qui consiste à veiller sur ma famille et à la préserver du danger, d'autant plus en l'absence de Cronos. Il ne s'agissait pas réellement de défendre des terres, mais plutôt les intérêts et la sécurité de notre peuple. Quant à savoir si cela en valait la peine, cette connaissance ne me viendra que si je ressuscite.

Il faisait de plus en plus chaud, et le titan souffrait de plus en plus. Y'avait il seulement une limite à la température que pouvaient atteindre ces lieux? Un vent brulant se leva, emportant le sable qui lacéra le corps du titan. Celui ci avait l'impression d'halluciner sous l'effet de la chaleur et de la douleur combinée, impression qui se renforça lorsu'il parvint à distinguer une silhouette sombre aux contours indéfinissables. Sauf qu'il savait que se n'était malheureusement pas une hallucination.

"Ta question est intéressante, Titan. Il existe un ordre naturel, et même cosmique, mais cela est une autre histoire qui te dépasserait. Bref. En toute logique, cet ordre universel devrait être respecté, et il l'est par beaucoup. Arès est un bon exemple de ceux qui tiennent leur place en ce monde. Mais d'autres par contre... sont bien plus indisciplinés. Comme ton frère, Cronos."

"Ton... 'Roi' vous a abandonné. Il a décidé que sa place était ailleurs et vous a laissé au profit d'autres. Mais ceci n'est que l'achèvement de sa longue, très longue déviance. Il a tenté de mettre en oeuvre un plan allant contre l'ordre naturel des choses, et le résultat est, comme tu l'as si bien dit, un clan menacé par la destruction. Voilà l'héritage laissé par celui qui s'est opposé à l'ordre naturel."

Qu'est ce que c'était encore que cette histoire? Qu'avait bien pu faire Cronos, son inconscient de frère, pour que Tartaros déclare que celui ci avait tenté de s'opposer à l'ordre universel?

Que dis tu là? Qu'à bien pu faire Cronos pour que tu déclares qu'il ait tenté d'accomplir une chose allant à l'encontre de l'ordre de ce monde? Mon frère est un titan, un des êtres les plus proche de la création après les Primordiaux. Comment aurait il pu mettre sciemment celle ci en péril?

Le cas de Cronos est loin d'être isolé. Chacun peut s'opposer au rôle qui lui incombe en ce monde, mais cela ne va pas sans conséquences. Je pourrais faire comme bon me semble, aller soumettre chacun des membres de ton clan et les ramener à la place qui est la leur, le fin fond du Tartare, et réduire en charpie quiconque se mettrait en travers de mon chemin..... Mais j'ai choisis d'agir autrement. D'agir comme je le dois."

Comme tu l'as si bien dit, refuser son rôle en ce monde amène des conséquences. Tu aurais pu quitter ces lieux, mais à tes risques et périls. Hors de son domaine, un Primordial reste puissant, mais peut être vaincu. Cela est déjà arrivé par le passé après tout.

Des chaines s'abattirent sur lui, en écho aux dernières paroles du seigneur de l'abime. Une chaleur accablante l'entoura, brulant son corps et son âme. Les paroles de Tartaros faisaient mal elles aussi. Même si il savait que cela n'était dit que pour le faire souffrir, il sentait au fond de lui que la divinité avait peut être raison, qu'il s'enchainait lui même à sa famille, se condamnant lui même à devoir la tirer sans cesse de l'abime où elle menaçait de tomber.

Il faut croire que cela est ma malédiction. Pour nous être opposés à un père tyrannique, voila ce à quoi nous avons été condamnés. Ce à quoi j'ai été condamné pour avoir refusé un combat inutile et destructeur. Mais malgré cela ils restent ma famille, et je ne peux les abandonner. C'est une chose que tu ne peux comprendre, toi qui es dépourvu de tout sentiments de compassion et d'amour.

Tu as mal compris mes paroles. Je ne faisais nullement référence au rôle des titans dans la création, bien mince en vérité, mais à notre lien de parenté. Nous sommes les enfants directs d'Ouranos, pour notre malheur d'ailleurs, et nous sommes bien plus proche de la création que les olympiens.

L'être qui se trouvait face à lui était d'une puissance immense. Tartaros prétendait qu'il n'y aurait de périls que pour ceux qui se trouvaient en ce monde si jamais il décidait de se manifester. Bon, visiblement il avait une très haute opinion de lui même, ce qui était surement justifié, mais l'orgueil restait l'orgueil.

Tu es bien orgueilleux dis moi. Je suis conscient de l'immense pouvoir des Primordiaux, mais l'arrogance reste une menace. N'oublie pas que c'est l'orgueil qui a perdu Ouranos.

La main de l'ombre se posa sur son front, étrangement froide. Son cerveau crut que son corps se consumait, tant chacune de ses cellules le faisait souffrir. C'était impensable. Alors même qu'il sentait que son bourreau se retenait, son esprit refusait d'admettre qu'une telle puissance existait. Il sombra dans l'inconscience, son seuil de tolérance à la douleur largement dépassé. Lorsqu'il se réveilla, il eut l'impression que son corps avait fondu. Malgré la fournaise qui l'environnait, en comparaison de la chaleur qui l'avait investi, il avait l'impression d'avoir froid. Il saisit à peine les paroles de la divinité, son esprit terrassé par la souffrance. Il était incapable de former une pensée cohérente. Il tenta de se ressaisir, même si cela signifiait continuer à être pleinement conscient du cauchemar qui allait se poursuivre. Il ne pouvait céder à la douce tentation de l'inconscience. Face à Tartaros, se serait surement inutile de toute manière.

Je sais que vous avez eu du mal avec les êtres que j'ai relâché dernièrement sur terre... tu dois bien savoir de quoi je parle, Océanos, pour avoir été possédé par l'une d'elle. Il aura fallu que Zeus permette à son fils de porter sa Kamui pour venir à bout de Tuurngaq... hors il n'était rien de plus qu'un chien pour moi! Alors je vais éprouver une nouvelle fois ton intelligence, petit. A ton avis, pour quelle raison lui ai je permis de se rendre sur terre pour semer le chaos, le froid et la mort?"

Que signifiait cette question? Pourquoi lui faire une telle demande, et de manière aussi insistante? Qu'il lui rappelle un souvenir aussi pénible n'était pas étonnant, mais pourquoi se montrer aussi sérieux et pressant quant à une telle question. Le titan secoua la tête afin de tenter de s'éclaircir les idées.

Ainsi c'était bien toi qui l'avait libéré. Je l'avais supposé, mais je n'en étais pas sur. N'aurais tu pas par hasard utilisé l'ichor de Cronos? Concernant ta question, je ne peux être sur de comprendre tes motivations. Je ne suis pas capable de me mettre dans l'état d'esprit d'un être aussi radicalement différent de moi que toi. Je suis en revanche certain que cela est en rapport avec ce rôle que tu as à tenir dans cet ordre cosmique que tu as évoqué. Si je devais formuler une hypothèse, je dirais que tu as voulu éprouver le monde et ses dirigeants, afin de voir si ils étaient capable de faire face à une menace du chaos. C'est là mon avis, mais je ne suis sur de rien, loin de là.

Apparemment le Tartare n'appréciait pas d'être comparé à Ouranos. Certes il ne pouvait nier qu'Ouranos était un être borné et bouffi d'orgueil, qui en avait fini par oublier sa place jusqu'à prétendre être le premier des Primordiaux, mais cette attitude de la part de l'Abime rappelait trop celle des divinités qui se méprisaient entre elles. Ouranos avait beaucoup de défauts, mais Tartaros se considérait comme parfait, ce qui était loin d'être vrai au vu de son comportement. Mieux valait ne pas repartir sur ce débat. Il fut surpris par l'éloge des olympiens. Certes, les olympiens avaient apportés de nombreuses choses en ce monde, concernant pour une bonne part la civilisation. Mais le chaos qui avait été amené avec eux était loin d'être enviable.

Les dieux de l'Olympe ont certes crées de nombreuses choses en comparaison de nous, les titans, mais lorsqu'on compare leur règne au notre, il faut se demander ce qui est préférable? Un règne sans changement majeur mais avec la paix et la prospérité, un âge d'or en somme? Ou un règne avec des changements tels qu'ils bousculent la civilisation, et des guerres entre les dieux et les mortels qui plongent ce monde dans le chaos?

Certes Ouranos était un mauvais exemple. Mieux valait ne pas l'évoquer devant Tartaros. Quant à faire s'effondrer l'univers, le Primordial en serait surement capable, mais quel intérêt? Le dieu le frappa, l'envoyant s'incruster violemment dans un mur de lave et de feu. La chaleur brulait son corps, et la lave, étrangement compacte, le maintenant à l'intérieur pour veiller à ce qu'il continue à souffrir. En entendant la réponse de Tartaros à la question posée, le titan devint plus que livide. Toute trace de couleur s'était ôtée de son visage. Ce qui avait été dit ne pouvait être réel. Il ne pouvait tout simplement pas le concevoir.

Tu dis que tu as libéré une armée de créatures du chaos qui faillit détruire la création toute entière, tout ça pour t'amuser? Mais quelle genre de divinité es tu donc pour tirer ainsi plaisir et amusement de la destruction et de la souffrance?

"Ah oui, l'îchor de Cronos... une simple farce de ma part. Votre monde était trop tranquille, et l'attitude de ton frère à courir après une chimère du passé commençait à m'ennuyer. J'ai jugé donc amusant de jouer avec ce précieux îchor qu'il m'avait généreusement offert en échange de son évasion d'ici... D'ailleurs, serais tu prêt à verser le tien pour obtenir ton billet de sortie si j'ose dire?"

Cette fois en revanche, Océanos commença à rire. Un rire faible et étouffé, certes, mais un rire malgré tout, dans les profondeurs même de l'abime.

Ne sois pas ridicule Tartaros. Je sais que tu me prendras mon ichor, que je le veuille ou non. Après tout, c'est ce que tu as ait la dernière fois. Et je serais près à parier que c'est le droit de sortie que tu appliques à tout les prisonniers. De plus, tu ne sembles pas avoir besoin de l'ichor des divinités pour réveiller d'autres créatures. Je ne suis pas enthousiaste à l'idée de te céder une partie du mien, mais ma famille à besoin de moi, et si, comme tu sembles l'annoncer, d'autres dangers doivent suivre, je me dois d'être présent et de sortir d'ici. Prends donc mon ichor si tu le souhaites, l'important pour moi est que je quitte cet endroit.

Il s'en doutait. Il ne s'était pas vraiment attendu à ce que le primordial le relâche en échange de son ichor, du moins pas dès maintenant. Il se doutait bien qu'il ne s'agissait que d'une ruse cruelle et retorse destinée à lui donner un espoir de délivrance avant de le lui retirer aussitôt, augmentant ses souffrances. Telle était la fonction d'un bourreau, et Tartaros s'en acquittait avec efficacité et enthousiasme. Le primordial eut il voulu avoir une autre vocation qu'il en aurait été sans doute incapable.

"Décidément, tu n'as véritablement rien saisis de la réalité dans laquelle tu vis. Tu sembles visiblement croire en un monde de paix, croire qu'une telle ère est propice à l'univers. Comme tu te trompes... non pardon, comme VOUS vous trompez? Il paraît clair désormais que la bêtise de Cronos n'est pas seulement la sienne, mais peut être celle de tout votre camp. Ce que vous recherchez n'est qu'une chimère qui n'a pas de raisons d'être. L'univers lui même été créé dans un chaos violent, dans une bataille dantesque comme vous n'en connaîtrez jamais! La paix... n'apporte rien de bon dans l'ordre universel que je défend, dans l'ordre qui est, qui doit être, et qui sera à jamais. La seule manière d'abolir cette loi inévitable serait de le détruire... Mais qu'importe, tout cela n'est pas à la portée de ta faible compréhension."

Ces paroles ressemblent trop à mon goût à celles qu'Arès pourrait tenir. A se demander si il est un descendant d'Ouranos et pas de toi. En quoi des guerres sans fin pourraient elles être propices à ce monde? Ce serait un chaos innommable. Te complairais tu dans une telle destruction? Comme tu l'as dit, ma compréhension est trop limitée pour saisir cela. Mais à l'inverse, je doutes que tu sois toi même capable de te figurer ce qu'apporterai la paix.

Le primordial claqua des mains, et brusquement, il se retrouva plongé dans l'eau. Il remonta à la surface, et resta un instant ébahi devant la vision qui s'étalait devant lui. Un monde possédant un écosystème complet, semblable à la Terre, mais qui dégageait un sentiment d'harmonie. Il y'avait même des humains. Et pas de guerres. Ce monde était en paix, totalement. Il s'agissait d'une utopie, un paradis perdu. Océanos avait l'impression de voir face à lui une résurgence de l'âge d'or qu'avait connu le monde lors de leur règne, du temps où Cronos n'avait pas encore sombré dans la folie. Mais c'était impossible. Il se trouvait au Tartare, il ne devait pas l'oublier. Il était de toute évidence piégé dans ce monde-pour combien de temps il l'ignorait- sans aucun espoir de le quitter par lui même. Tartaros devait certainement l'épier.

Je n'ignore pas que je me trouve encore dans ton domaine, Tartaros. La vision des humains faisant de toi un lieu est très réductrice. Je doutes que quiconque hormis les primordiaux puisse comprendre la nature de cette endroit. Il semblerait que tu sois capable de matérialiser tes propres pensées afinde modifier ces lieux. Surprenant. Je dois dire que je ne m'attendais pas à ce que ton esprit sois capable de concevoir un tel paradis. Mais si tu espères me montrer mes torts en me plongeant ici, je ne comprends pas ta démarche.

Rien, aucune voix sarcastique ne répondait à ses paroles pour le narguer et le tourmenter. Il était piégé dans cet Eden, invisible, incapable d'intervenir, condamné à observer, impuissant, ce qui se déroulait sous ses yeux. Ce monde était dans la paix la plus complète, seules des créatures pacifiques y vivaient, aucune catastrophe, maladie, ou mort prématurée de quelque sorte que ce soit n'atteignaient les habitants de ce monde. Très vite, le problème se manifesta. Les humains, ne pouvaient mourir que de vieillesse, mais continuait à se reproduire, suivant les pulsions irrésistibles de la nature. Les humains se multiplièrent à grande vitesse, devenant des milliards, puis une multitude telle que le titan n'en avait jamais conçu dans son esprit. La terre fut surpeuplée et ses ressources, incapables de nourrir les masses affamées qui la parcouraient. Une éternité s'écoula, et Océanos assista au dépérissement de ce paradis de paix, de ce nouvel âge d'or. La paix absolue empêchaient les humains de s'entretuer et la population ne baissait pas, continuant au contraire d'augmenter. La terre finit par mourir, devenant un désert totalement vide de vie, tout les êtres vivants de ce monde ayant péri jusqu'au dernier. Tout cela sous les yeux d'Océanos, terrassé par cette vision qui faisaient s'effondrer ses croyances les plus profondes. C'était ridicule, ce bourreau ne comptait tout de même pas lui faire croire que la guerre et les massacres étaient nécessaires à la survie du monde, alors qu'elles le mettaient au contraire en permanence au bord de la ruine. Il ne savait plus que penser, incapable de croire que la paix pouvait mener à un tel désastre, et pourtant incapable également de nier ce qui venait de se produire sous ses yeux. Non, il devait s'agir d'un mirage engendré par l'esprit retors et cruel de Tartaros. Un tel être ne pouvait comprendre ce que pouvait apporter la paix, ne pouvait comprendre que les êtres vivants aspiraient au plus profond d'eux même à la paix. C'était là la seule possibilité.

De nouveau l'ombre était de retour pour le torturer, mettre à mal ses convictions. Cette voix paternaliste était encore plus insupportable que la précédente. Ces propos, absurdes. La guerre et le conflit n'était pas la même chose. Un conflit était une dispute entre plusieurs personnes, mais ne menait pas forcément à un désastre. Un conflit pouvait toujours être résolu autrement que par la violence, telle était son opinion. Les guerres, elles, amenaient un carnage et un chaos sans nom. Quant aux prédateurs, ils auraient leur place dans un monde de paix. Ils faisaient bien parti de la nature après tout. Les humains étaient un cas particulier.

Si tu veux parler des mortels, tu aurais mieux fait de t'adresser à Prométhée. Je ne suis pas particulièrement attaché aux humains, je ne les protège qu'en même temps que le reste de la création, car ils en font parti au même titre que les autres êtres vivants. J'estime que si il sont convenablement guidés avec sagesse, ils peuvent vivre en harmonie avec ce monde. Le règne des olympiens n'y semble toutefois pas propice.

Une vision apparu d'Athéna faisant forger les premières cloths. Il se souvenait que cela avait eu lieu lors de la première guerre sainte contre son héritier, Poséidon. La première d'une longue série.

Athéna défendrait sa position mieux que moi. Toutefois sache que chacun de ses guerriers à fait consciemment le choix de mettre sa vie en jeu pour défendre l'humanité. Chacun d'eux se bat et se sacrifie volontiers dans l'espoir de protéger le reste de l'humanité. Si des guerres sont sans cesse déclenchées, c'est parce que Arès, Hadès et les autres dieux sont incapables de renoncer à leurs ambitions. Je me demande d'ailleurs si ils ont jamais tenté de résoudre leurs divergences d'opinion par les mots plutôt que par les armes. Hadès notamment. Mais je crois que non.

La création de l'univers apparu alors dans son esprit qui se déchira sous la douleur. Une guerre au delà du dantesque, qui faisait passer la titanomachie pour un jeu. Des silhouettes d'ombres se levaient contre des formes gigantesques et inconcevables. Tout cela lui procurait un effroi indescriptible. Une explosion retentit et il sombra une fois de plus dans l'inconscience. Lorsqu'il se réveilla, il était allongé sur un sable rougeoyant et brulant.

Visiblement, ton esprit est trop fragile pour prendre conscience de certaines choses, de certaines vérités qui remettent ton monde en question. J'ose espérer que tu as toutefois pris conscience que la "guerre" fait partit intégrante de l'univers, une composante essentielle même, mais aussi que la paix, cette paix que vous recherchez tant toi et les tiens n'existe que parce que la Guerre existe. Cela est et sera toujours une vérité absolue!"

La guerre existe, c'est indéniable. Ma présence ici en est bien la preuve. Ce monde a été crée par la guerre, mais pourquoi en aurait il besoin pour subsister? Pourquoi cela serait il une fatalité? La guerre met sans cesse ce monde au bord du chaos, comment pourrait elle être nécessaire à l'équilibre. C'est totalement absurde.

C'était reparti. Qu'est ce que le tartare souhaitait à la fin? Lui faire admettre la sottise comme quoi la guerre serait indispensable à ce monde? Ridicule. Ces principes fondamentaux évoqués n'étaient qu'une chimère sortie de l'esprit malade de la divinité de l'abime. Des principes fondamentaux existaient, il n'en doutait pas, mais le Tartare ne lui donnait pas les bons. Il tiqua à la mention de leur rôle dans l'univers, mais ricana intérieurement aux paroles qui suivirent. Les éduquer, non mais il se prenait pour qui à la fin. Il se définissait lui même comme le bourreau des dieux, et maintenant il prétendait être un éducateur. Voila qui ne l'encourageait pas spécialement à prêter grande attention aux propos du Primordial. L'ombre disparu, le laissant de nouveau seul. Le titan soupira, de soulagement et de lassitude. De soulagement car le Primordial ne le tourmenterait plus pendant quelques temps, et de lassitude car il perdait encore plus de temps dans cet endroit. Maudit soit Setesh, ce misérable spectre qui l'avait lâchement abattu pour des raisons stupides! Le titan se leva et marcha un peu pour s'assoir un peu plus loin sur une surface plus solide et moins brulante.

Le titan profita de sa solitude pour réfléchir. Il devait à tout prix trouver un moyen de sortir d'ici, pour autant, pas question de ramper devant son tortionnaire. Et certaines des paroles prononcées l'intriguaient. Même si il ne percevait pas la présence de son bourreau, il se doutait que celui ci le guettait. Il n'avait pas grand espoir, mais il était prêt à se raccrocher à presque n'importe quel espoir pour quitter cet enfer.

Tartaros! Quelques unes de tes paroles m'ont intriguées. Tu as dit que nous, les titans, ne faisions pas ce pour quoi nous existions. Mais j'ignore pour ma part quel est mon rôle à présent. Si tu acceptais d'éclairer ma lanterne, peut être pourrais je...reconnaitre certains torts que tu sembles me reprocher.

Son ton indiquait clairement qu'il n'y accordait pas trop de foi. Mais cela pourrait néanmoins être intéressant, et lui ouvrir une porte de sortie.

Aie, le Primordial ne semblait vraiment pas disposé à la discussion. Il était évident qu'il ne pourrait jamais s'en sortir si son bourreau lui faisait la sourde oreille et le laissait croupir à jamais dans sa geôle. Il ne se sentait que peu atteint par la déception de Tartaros. En quoi cela lui importait? Il trouvait quelque peu exagéré que son bourreau lui annonce avoir été clément et généreux, d'un autre côté ce n'était pas tout à fait faux. Il aurait pu endurer bien plus de souffrances que cela avait été le cas, son tourment avait été essentiellement psychologique. Il estimait l'esprit de son interlocuteur malade, certes, mais inutile de le dire à haute voix. Une main le saisit à la gorge tandis que l'Abime prenait la parole.

"Vous êtes sensés être des forces de la Nature. En tant que tel, seul le fonctionnement correct du monde doit vous importer. Cela passe par la paix, certes, mais également par la guerre. Que ne comprenais tu pas quand je te disais que l'un ne pouvait exister sans l'autre?"

Il aurait bien souhaité répondre, mais la main du dieu broyait sa gorge, étranglant les paroles qu'il souhaitait prononcer. Il fut jeté au sol violemment alors que Tartaros reprenait la parole.

"Ton nom est Océanos. En tant que tel, tu es les Océans, tu es les mers, tu es une force naturelle gouvernant au monde, insensible et immuable. En tant que tel, tu es sensé veiller sur les océans et ses créatures. Pourquoi alors te soucier des guerres et de la paix? Est ce là la tâche des Océans? Ne doivent ils pas être aussi neutres qu'impitoyables lorsque leur colère gronde?"

Chacun des mots le tourmentait, physiquement cette fois ci, le malmenant de toute part. Il n'était pas certain de pouvoir rester conscient jusqu'à ce que l'Abime ait fini de parler et ne lui accorde la parole. Mais sans doute son bourreau veillerait il à ce qu'il saisisse tout ce qui était dit.

"Pourquoi continuez vous de courir après un Âge d'Or révolu dont l'essence s'oppose complètement au bon déroulement de l'ordre universel? Tu as dit que j'étais cruel et fou? Mais qui l'est vraiment? Tu te permets de juger sans rien savoir, sans t'imaginer une seconde que je reste ici afin de maintenir votre monde en état, le préservant d'une destruction certaine. Mes buts te sont obscurs et ils le resteront, tu n'es pas digne d'en savoir plus."

Le poing de Tartaros se serra et ses entrailles commencèrent à le bruler alors qu'il était sommé de répondre. Il ne fut guère surpris d'apprendre que Tartaros pouvait lire dans son esprit. Cela n'avait finalement pas grand chose de surprenant.

Je vais te répondre. Tout d'abord je n'ai jamais nié l'existence de la guerre et des conflits. J'ai simplement dit qu'il devait être possible de limiter la guère au maximum. Il y'aura toujours des conflits, cela je ne l'ignore pas. Par ailleurs, si la paix ne peut exister que tant qu'existe la guerre, l'inverse doit aussi être valable. Tu dis que nous les titans incarnons les forces de la nature. Cela est il encore vrai à présent que nous avons été détrônés? Les olympiens semblent en tout cas tout faire pour le nier. Mais sans doute ce statu ne nous a t'il pas été enlevé, du moins pas entièrement.

Il y'a trois raisons qui me poussent à me battre. Je me soucie des guerres à grande échelle qui mettent l'équilibre du monde en danger, ce qui inclus forcément les océans. Pour le reste, je souhaite offrir de nouveau une place à notre peuple au soleil, après quoi il devront surement s'habituer à vivre avec plus d'autonomie. Je désire également protéger les autres titans. Pour l'âge d'or, je ne saurais te répondre. Cronos courait après cet idéal, mais je ne penses pas que l'âge d'or pourrait être réinstauré en ce monde, même si nous le voulions. Il ne s'agit en vérité surement que d'une utopie, irréalisable donc par nature.

Il voulait bien reconnaitre s'être mépris sur certains points de la discussion, mais là ça faisait un peu beaucoup. L'univers avait été issus du chaos, mais de là à dire qu'il était apparu grâce au chaos, c'était autre chose. Pareil en ce qui concernait le fait que le chaos ait décidé leur chute. Comment une entité telle que le chaos pouvait elle décider quoi que ce soit? Il lui semblait voir dans la pensée de Tartaros une conception égyptienne du monde: Maât, l'ordre et l'Isfet, le chaos, en lutte perpétuelle, chacun s'équilibrant. Le bien et le mal nécessaires pour l'équilibre de Maât. Etrange qu'une divinité grecque ait des pensées se rapprochant des mythes égyptiens, mais après tout, pourquoi pas? Les propos sur Cronos confirmait sa propre pensée: son frère s'était égaré. Vouloir guider ce monde vers l'ordre était une bonne chose. Mais l'âge d'or était révolu et ne pouvait, ne devait, pas revenir, ou du moins pas sous la même forme. L'idée méritait d'être creusée. Lui même n'avait pas adhéré à cette utopie, où du moins pas entièrement, mais modifiée, peut être serait elle convenable. Il ne jugea pas utile d'évoquer cette idée à l'Abime. Un feu commença à le consumer intérieurement, le réduisant à l'état de cendre.


"N'oublie pas mes paroles, ni ce que je t'ai appris. Si tu tiens à ton peuple et à ton camp, tu suivras la voie que je t'ai tracée, une voie où la fierté des titans n'est plus un souvenir. N'oublie pas que tout est dans l'équilibre entre la guerre et la paix et que parfois, pour faire revivre une terre, il faut qu'elle soit brûlée... "

Rétablir la fierté des titans était un bon objectif. Toutefois, il n'irait pas volontairement déclencher une guerre. Encore que, l'assaut sur Ithaque appelait à la revanche. Il lui faudrait en discuter avec les autres titans. Mais quoi qu'en dises Tartaros, au final, c'était lui qui déciderais du chemin qu'il prendrait. Et il espérait bien ne jamais retourner ici. Il acheva de se réduire en cendre, son esprit quittant enfin ces lieux maudits.