[FB Cyn - Ashram] Eveille toi... à la lumière...

Sujet: [FB Cyn - Ashram] Eveille toi... à la lumière... Mer 4 Mar 2015 - 10:22

Je cours, je cours aussi vite que peuvent me porter mes mouvements et devant moi s’étendent des contrées étranges, parsemées d’ombres, de lumière, de couleurs qui reflètent quelque chose que j’ignore. Je l’entends, elle est toute proche… Mon esprit cherche à l’atteindre, à savoir qui elle est. J’étais encore près d’elle il y a si peu de temps. Combien de temps ?

Mais qui peut-elle être ? Jadis, je me vois encore à ses côtés mais je ne sais pas quelle place j’occupe pour elle. Ne ne sais pas si l’ombre dont je suis vecteur n’est pas une part d’elle, un peu de ses souvenirs… de sa fragrance. Devrais-je la nommer Fulgurance ? Je repense à ses légendes, celles qui parlent d’esprits nés de la même source, qui même séparés partagent impressions et sensations, mais se cherchent à jamais entre les mondes. Je cours toujours, perdu dans cette immensité et je ne la vois plus… mon cœur s’emballe, perdu, meurtri…

Et puis un cri, un appel mais je suis impuissant. A quoi ? Ce sentiment m’envahit alors que je cours toujours, de plus belle, sans penser que cet effort sera peut-être mon dernier. Et puis tout s’écroule. Le chemin se dérobe sous moi comme s’il n’avait été que du sable en suspension. Mais quel chemin ? Ce sable ne serait-il pas de la glace ou autre chose… ? Et alors que je tombe, je l’entends prononcer mon nom…

- Ashram…

Je m’éveille brusquement et avant que je n’aie pu vraiment me remémorer tout ce qui vint dans mon rêve, je réalise que je suis dans un lieu que je ne connais pas. Des colonnes de glace, des arbres givrés, un environnement dédié à la glace… et ça me fait penser que je n’ai toujours pas compris comment maitriser cet élément, d’autant qu’il est celui qui influence mon domaine… Serais-je destiné à autre chose ? Aurais-t-on déjà vu un guerrier Divin ne pas être baigné dans l’élément qui caractérise le domaine qu’il doit protéger ?

Une lueur m’interpelle ; elle se fait brusquement plus puissante alors que je cherche à la percer du regard. Mais d’où peut bien provenir cette lumière ? Je perçois une silhouette alors que ma vision se fait moins précise… Suis-je encore dans un de mes rêves ? Je l’entends, elle est là, elle voudrait me parler mais ne peut rien dire. Je ressens sa présence comme dans tous mes rêves, c’est elle, son odeur, ses cheveux blancs, sa peau… Je suis capable de la décrire mais incapable de dessiner son visage. Je ne peux jamais être plus précis que la fois précédente et pourtant… je sais quels détails la rendent unique à mes perceptions. J’avance, je baigne dans la lumière, attiré comme un papillon de nuit mais hélas, ma vision s’obscurcit brusquement. Je réalise que je ne suis toujours pas éveillé, prisonnier d’une vision, encore une… Je ne sais pas si c’est moi qui chute ou si autour de moi tout devient sombre et noir… je crois que la lumière éteint l’ombre que je suis, disperse l'essence même de mon esprit… Et puis plus rien.

Obscurité.

L'ombre s'étend. Lentement, consciencieusement, elle recouvre tout, dissimule tout. Pourtant elle ne semble teintée d'aucune noirceur d'âme. Baignant dans une neutralité que bien peu d'êtres humains serait capable d'attribuer à cette couleur sombre, l'Obscurité n'est ni bonne, ni mauvaise.
Elle occulte ses sens les uns après les autres. La vue, sera la première touchée. Il fait sombre, il fait si sombre... Cependant, nulle angoisse, nulle inquiétude n'enserrent son coeur.
Puis l'odorat. Plus d'odeurs, plus aucune perception du monde qui pourrait l'entourer.
Survient l'ouïe. Le silence opaque. Le silence de plomb. La quiétude de l'apaisement.
Le toucher et la parole semblent se marier en une vague floue, imperceptible, invisible. Son corps n'existe plus. Sa langue refusera de se dénouer.

Seule perdure la conscience de ce qui est, mais surtout, de ce qui n'est pas.
L'âme semble comme happée, comme attrapée par des mains douces et délicates. Il le ressentira au plus profond de son être, ce contact aussi léger que la brise d'un vent tiède. Comme si des paumes à l'épiderme cachée des yeux mortels, le retenaient délicatement, l'empêchant de tomber au coeur de l'abîme.
L'âme parle à l'âme. Le reste n'est que superflus.

« Qui es-tu »

S'insinuant au sein même de son esprit, une voix se distingue tel un murmure porté par l'un de ses songes. Le timbre est familier. Pourtant... il lui sera impossible de mettre un nom, une présence ou une aura, sur ce son de voix.
Elle est là sans l'être. Présente et absente. Claire et obscure. Questionnant et affirmant en même temps. La question semble pourtant attendre une réponse, car à travers ce si simple "Qui es-tu", pourrait-on plutôt envisager ces quelques mots sous la forme d'un "Qui penses-tu être".

Fiche par Narja pour Never-Utopia

Tout a disparu, il n’y a plus rien… rien qui ne soit un repère, une trace de ce que je fus, de ce que je vis… Mon esprit raisonne, claironne encore de cette chute vers les abysses. A l’instar de ceux que j’avais observé une fois, aux côtés de Kilvan, sur les corniches du palais, ils sont insondables, infinis, obscurs…. Impartiale est la profondeur. Tout comme cette couleur… Le noir ne t’apporte rien… Dans cet écrin, tu n’y ressens pas la fatigue, ni les blessures, ni la mort… Est-ce ça ? Comment suis-je mort avant que les portes ne s’ouvrent pour moi et qu’Odin ne vienne me chercher ? Je ne ressens plus rien… Rien ne me traverse… Je suis glacé, perdu, abandonné… Je me suis battu, j’ai souffert, j’ai vécu, j’ai péri. Plus la force de lutter… J’attends pour me réveiller…

Tu m’emportes loin de cette terre, tu n’es pas ombre, tu es néant…

Soudain, je me sens porté, accueilli, emporté, happé. Quelque chose m’a récupéré ; j’aimerai crier son nom, je ne sais pas ce que c’est. Tout ce que je ressens me guide vers quelque chose de rassurant. C’est un rêve, ce n’est qu’un foutu rêve, rien d’autre ! Plonger dans l’abysse, j’aurai pu me réveiller, j’aurai pu m’éveiller du cauchemar quotidien, sortir de ce qui ici n’a aucune consistance. Au lieu de ça… pourquoi suis-je si apaisé ? Pourquoi est-ce que je me sens comme ça tout d’un coup ?

Et alors une voix me demande ce que je suis, qui je suis.

Aussi soudain qu’imprévu, cet appel résonne en moi comme le tonnerre. Trop de questions m’assaillent pour que je puisse répondre aussi clairement que je l’aurai pu. Non, rien n’est clair, rien ne me permet de dire autre chose que ce que je sais exactement, ce qui a toujours été et pour lequel je n’ai jamais eu le moindre doute. Je me souviens, je vois la colonne d’énergie, je vois K’nthaa se sacrifier pour elle, et je suis Ashram, un des protecteurs de cette terre. Nul ne posera sa main, son regard sur la pureté de ce sanctuaire, nul ne mérite son savoir. Trop tard… je suis emporté, je n’ai pas le temps de voir, de comprendre.

Elle n’est pas dans ses souvenirs là, celle qui habite mes rêves et mes pensées.

Non, elle n’appartient pas aux souvenirs que j’ai de ce monde, si elle y était, je n’en ai plus le souvenir. J’ai été emporté lorsque K’nthaa s’est sacrifié, avec l’explosion qui a suivi… J’entends encore le bruit se répandre dans toutes les directions dans un vacarme assourdissant de pierres broyées et d’arbres arrachés. Le chaos était en train de se répandre telle une trace funeste à la surface de notre royaume : Les hommes avaient échoué, nous étions victorieux, mais à quel prix... J’emportais dans ma tombe ce sentiment drapé d’une profonde amertume pour ceux qui marchent debout.

- Je pourrai être tenté d'entretenir ce sentiment… Qui que tu sois… Combien étions-nous de créatures à arpenter notre royaume avant que ne viennent les hommes…

Elle voit quant il est aveugle.
Les prunelles dotées d'iris ne perçoivent plus, tandis que celles qui en sont dépourvues distinguent tout. Curieux paradoxe ? Non.
L'âme voit bien plus loin que l'oeil. L'esprit perçoit bien plus profondément que l'iris. La lumière, l'obscurité, prennent une forme que ne saurait envisager la pupille. Est-ce le pouvoir de l'esprit, le pouvoir de la pensée, le pouvoir... des rêves.

Les souvenirs fugaces passent aussi brièvement que l'on tourne les pages d'un livre. Comme si on ne prenait même pas la peine de lire une seule de ses lignes, les impressions liées à ses souvenirs se succèdent les unes après les autres.

Elle observe.

La glace et le sang. L'ombre et la lumière. Le chemin et l'abandon. La conviction et le doute. Le réconfort et l'appréhension. L'amitié et le sacrifice.
Un sourire s'affiche sur ses lèvres. Les humains sont des êtres incroyables. Les émotions peuvent déferler sur leurs traits de manière si expressive, si rapide, qu'une dizaine saurait se succéder les unes après les autres sans le moindre mal.

Elle observe.

Ses pensées le ramènent en arrière, sans qu'il ne fasse quoi que cela soit pour les endiguer, sans qu'il ne fasse rien pour les provoquer. Des inquiétudes, des incompréhensions, qui remontent bien loin dans le passé. Car... deux ou quatre pattes, humain ou divin, beaucoup d'êtres passent leurs existences à se retourner sur ce qui fut, ce qu'ils ont raté, ce qu'ils n'ont pas compris. Ashram, ne fait pas exception.

« Le sacrifice est nécessaire en ce monde. Il n'est ni bon, ni mauvais. Il renvoie là où toute chose devrait être, il neutralise, il pose une pierre là où il n'y en a plus.
Ainsi ne doit-il engendrer ni mal ni bien, aucune rancune, amertume ou culpabilité.
A été fait ce qui devait être fait. Pour la préservation. Pour la neutralité. Pour le futur. »

L'enveloppe obscure ne baisse pas d'intensité. Mais alors qu'il répond à une question par une question, deux prunelles blanches se matérialisent en face des siennes, à quelques centimètres.
Dénuées de cils et de paupières, elles ressemblent presque à deux amandes diaphanes que les rayons du soleil auraient boudées.

« Notre identité n'est guère importante. Si tu veux savoir, nous te dirons. Mais plus tard. »

Les iris de perle se plissent légèrement, comme l'expression d'un regard souriant, puis ils se mettent à voleter autour d'Ashram tels deux petits lutins. La question étant... cet étrange regard est-il une projection de son esprit, l'intelligence vivante ayant souvent besoin de matérialiser les choses ? Ou commencerait-il doucement mais sûrement à recouvrir l'un des ses cinq sens ?

« Au commencement ils étaient vingt-sept, chaque Royaume abritant une trinité de gardiens.
Ton ami en faisait partie. Ce que tu as vécu comme une tragédie sacrificielle n'était en réalité qu'une passation de pouvoir.
Certes... nous entendons que le flambeau a été relayé en une occasion des plus sombres et probablement un peu trop abruptement. Mais est-ce ainsi que les évènements ce sont déroulés.
Aujourd'hui, tu vas devoir l'accepter. »

Le regard oscille légèrement, comme si la propriétaire de ses yeux penchait la tête en le dévisageant de côté. Il comprendra oui. Mais acceptera-t-il. Ceci... est une tout autre histoire.

Fiche par Narja pour Never-Utopia

Le silence est retombé. Pendant que l’on a murmuré à mon oreille, il n’était plus, il y avait un profond tumulte en moi... cette voix… m’apaise. Celle qui murmure à l’oreille du Loup sait trouver les mots justes, les termes appropriés alors que moi… Je ne supporte pas ce silence… Peut-être devrais le nommer pour qu’il n’existe plus, l’évoquer pour qu’il ne soit même pas un souffle, pour qu’il soit ailleurs et moi ici. Et voilà qu’elle me parle, cette voix. J’ignore tout de ce qu’elle peut être, j’ignore mais je sais qu’elle n’a rien à voir avec celle de mes rêves. Pourquoi est-elle si apaisante alors… Je viens de parler, de lui répondre avec une once d’amertume, deux doses de colère contenue, un zest de provocation. Je me rends compte de mon erreur mais c’est trop tard, j’ai dit, j’ai ressenti. Quelle pitié je fais…

Elle vient de parler à nouveau, c’était la conclusion à mes souvenirs…

Elle a vu, elle a vu ce qui était dans mes pensées. Comment… Si je pouvais froncer les sourcils, juste un peu. J’aurai pu accepter le sacrifice ? Mais la Faute A Qui si tout s’est passé de la sorte ? Nous n’avons certainement pas voulu cela, détruire pour gagner, sacrifier pour préserver. Et que suis-je à présent ? Le monstre intérieur, celui qui est né de cette incompréhension et de cette tragédie voudra prendre le dessus… Un dieu avisé saurait en tirer profit, le voilà le problème. Je ne veux pas me laisser consumer par ça mais je ne sais pas ce que sera ce futur que je redoute tant. Ce que je pense être ? L’engeance, le grain de sable, l’élément incontrôlable… ce que je redoute être. L’injustice et l’incompréhension sont un terreau fertile.

Pourquoi faudrait-il que j’accepte ce sacrifice ??? Il n’est pas du fait de nos erreurs mais des leurs !

Perdu, je suis perdu… Car nous avons mal fait, quoi qu’on en dise… On ne fait pas le bien en faisant le mal. Je réalise ce qui nous sépare, ma conscience et mon devoir sont à leurs antipodes et moi, je suis là à regarder vers quelle extrémité je pourrai bien aller. Il n’y a plus rien qui ne me permettre de comprendre, je me souviens à peine. Mon initiation, mon parcours, mon devoir… Ce monde rempli de lumière… Ma quête perpétuelle vers l’absolu, ce qu’ici ils nomment 7ème sens… Pourquoi faudrait-il que le monde soit toujours assailli de toutes parts, que nous ne puissions avoir la paix ? Si seulement je pouvais avoir la paix de l’esprit…

En mourant, son essence à fusionné, il a trouvé l’absolu et le 7ème sens…

Devrais-je être rassurée qu’au terme d’une existence voué à son devoir, il ait enfin pu accomplir quelque chose de si personnel que je ne pouvais en comprendre le sens à l’époque ? Il est injuste de penser qu’il fut récompensé de ses efforts, INJUSTE qu’il ait accompli cela au terme de son voyage ! Et puis quoi ? Des gardiens ? Un trio ? …mais qui était le troisième alors ? Mon sang se glace, se fige… une impression s’empare de moi, un refus, un refus de voir l’évidence. Un pan entier de ce qui est si obscur pour moi a été évoqué à l’instant, quelque chose que je n’avais pas, que je ne savais plus. Tout se bouscule, rien n’a de sens, et ma voix se fait alors assez puissante pour exiger avant de ne plus avoir de forces pour le faire…

- Laisse-moi sortir d’ici !!!

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Il est temps.

Le loup et l'homme entrent en profonde dualité. Parfaitement complémentaires jusqu'à présent, l'ignorance qui se dissipe peu à peu laisse apparaître des contours qu'il se refusait à discerner. Le loup sait. L'homme commence à le comprendre, mais cela lui fait peur.

« La crainte fait partie de la vie, Ashram. Elle t'accompagnera parfois, mais jamais elle ne devra te freiner. L'accepter, la comprendre et l'endiguer, restera ton unique porte de sortie. »

Elle a conscience de demander beaucoup, peut être de demander l'impossible. Pourtant elle le fait, car elle a confiance en ses capacités. Il n'a pas été choisi au hasard. Il n'est pas le fruit d'un aléatoire quelconque. Il est là où il se doit d'être. Il est ce qu'il se doit d'être.

Les deux prunelles de nacre poursuivent leur lancinante valse, dansant au coeur de l'obscurité qui règne tout autour d'eux.

« La paix de l'esprit n'existe que pour les ignorants et les sots de ce monde. Tu n'es pas véritablement l'un, et absolument pas l'autre. Ceux qui comprennent, ceux qui savent, possèdent une conscience aigüe de ce qui les entoure. En comprenant le mal, en comprenant le bien, en admettant que le neutre puisse exister, tu éveilles ta conscience. Et cet éveil entraîne des conséquences. »

La colère résonne, s'exprime, se fait violence.
Une fois qu'elle a retentit, c'est le silence. Les prunelles de nacre disparaissent en se fondant dans le néant environnant. La quiétude des lieux semble encore plus opaque, encore plus envahissante. Comme quelque chose qu'il ne serait pas possible de comprendre, mais de ressentir, uniquement de ressentir.

« Nous n'avons pas ce pouvoir. Car tu es ici parce qu'une part de toi le souhaites. Tu es seul maître de rester ou de partir. Cependant... nous pensons que tu ne devrais pas fuir. »

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Pourquoi devrais-je craindre de disparaître ? J'ai déjà disparu, j'ai déjà baigné dans les ombres, le néant, j'en ai le souvenir diffus avant qu'Odin ne m'ouvre ses portes. Pour quelle raison devrais-je avoir peur d'un état qui a été mien... ? La crainte fait partie de la vie ? La crainte de devenir ce que l'on est destiné à être ou ce que l'on redoute d'être ?? La crainte de se voir changer ou de voir son devoir échouer ? Dans tous ses cas, ce n'est que le choix de l'instant qui nous détermine. Ais-je décidé lorsque Athéna était sur le point de disparaître avec son frère Arès ? Oui, j'ai placé ma confiance en ceux qui étaient les plus à même de triompher, en dépit de ma propre existence. Ais-je redouté et craint quelque chose ? Non.

Je ne devrais pas remettre cela sur le tapis en toute occasion. Ce qui est fait est fait...

Et si je ne le fais pas, comment trouver la paix de l'esprit ? Elle me dit qu'elle n'existe pas, que seuls les faibles y croient... Mais comment vouloir la paix, œuvrer pour elle si on n'est pas en paix avec soi-même, si l'intérieur de notre âme n'est qu'un volcan prêt à exploser à tout moment ? Il faut savoir faire silence en soi pour trouver cette voie. Il faut trouver les réponses pour arpenter le chemin. Je ne suis pas un faible, je suis Ashram, et si j'étais gardien ailleurs, dans un monde dont j'ignore tout, c'est que j'avais touché du doigt cet idéal, cet Agartha, ce rêve... Agartha... juste oserait-on effleurer que son mirage s'estomperait.

Ainsi donc je suis libre de quitter ce noir, ce lieu, à mon ordre ?

Je n'en ferai rien... toi qui sait des choses sur moi mais dont j'ignore tout. Tu lis à livre ouvert dans mon esprit, je n'ai pas besoin de te parler pour que tu m'écoutes. Tu entends, tu sais répondre, tu murmures sans étendre ta science et ton savoir... Et je commence à comprendre les réponses qu'il me faut, non, les questions qu'il me faut avancer. Tu voudrais me dire, me montrer la voie ? Tu voudrais m'expliquer pour que je choisisse ? Tant pis pour ce que tu es, qui tu es. Tu veux parler, alors parle. Non attends... laisse-moi commencer, t'expliquer, te dire, te laisser entendre ma plus profonde plaie, blessure, cicatrice...

Dois-je redouter Fenrir...

Suis-je la chaine, suis-je celui qui pourrait l'entraver ? Est-il de mon essence, suis-je une de ses engeances... Non, cela ne se peut, pas après ce qui a été dit. Gardien j'étais, gardien je suis... Faut-il que je retrouve qui j'étais pour savoir qui ils étaient ? Qui est la troisième ? Soeur, amante, aimante, je ne le sais... mes rêves sont si lointains, si dénués de sens... Dois-je m'inquiéter de toutes celles dont l'apparence m'évoque celle qui occupe mes songes ? Il y l'incarnation de la sagesse d'Asgard, il y a Sigrid, il y a aussi une gardienne d'Athéna, il y en a bien d'autres dans ce monde... Et il me semble être à fureter comme pour répondre aux appels qu'elle m'envoie, à cette voix qui m'invite à la retrouver... Pareil à un enfant qui cours après... sa mère, son âme-sœur, son Atalante, sa fulgurance. Si je me suis incarné à nouveau, se pourrait-il qu'elle aussi ?

Le bordel dans mon esprit... tout se bouscule... rien n'a de sens...

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Elle le laissera à sa réflexion sans l'interrompre un instant. Il a compris. Il sait qu'il n'est plus seul, il sait que ses pensées ne sont désormais plus qu'à sa seule connaissance. Et pour autant cela ne semble pas le déranger outre mesure. Perturbant, cela l'est. Mais est-ce pour une cause noble, et cela, l'a-t-il également compris au bout du compte.
Car ce manque d'intimité total qu'il est en train de découvrir, n'est certes pas pour pénétrer ce qui devrait rester caché. Mais bien pour déterrer ce qui ne doit plus rester enfoui.

Elle a confiance, et elle aura eu raison.
Ainsi le loup gardien décide de ne pas quitter ce lieu, quant la possibilité de le faire, une fois révélée, le lui permettait d'un claquement de doigt. Tant de questions... tant de doutes. Ce magma virevoltant au sein de son esprit doit trouver l'apaisement. Est-ce pour cette raison qu'elle est ici.
Car Ashram ne devra pas tomber. Ne devra, sous aucun prétexte, franchir le seuil qui ne lui est pas destiné. Un guide s'avère parfois nécessaire. Et si sa neutralité si chère à son coeur devait en être affectée, prendra-t-elle les devant, prendra-t-elle les armes si cela devait être, pour l'en empêcher.

La question est posée.

Lui succède un silence enveloppant. Un silence qui possède une teinte particulière, un reflet dans lequel il pourrait sans mal se mirer. Un silence qui appuie toute la complexité de cette si simple question posée.

« Chacun se devrait de redouter le puissant Fenrir. Tout comme chacun devrait considérer avec sérieux et respect chaque créature mythologique qui a un jour foulé ces terres mortelles.
Cependant. L'esprit du Grand Loup est pour l'heure enfermée et retenue par un sceau qui ne faiblit... pas encore. Le jour où ce sceau sera détruit, car ce jour arrivera, tu auras à faire le choix le plus difficile de ton existence.
Ce jour là... quand ce jour adviendra... tu seras seul. Et nous devons te préparer à cela à notre manière. Car à jamais t'appartiendra la décision. A jamais tu seras l'unique à pouvoir décider du chemin que tu devras suivre.
Nous te donnerons les clés, tu choisiras d'utiliser celle qui sera la plus à l'unisson avec ton âme »

Comme si ses mots prenaient un sens tout aussi littéral que matériel, une clé de bronze s'extirpe des ombres. N'ayant plus de visibilité sur son propre corps, il aura sans doute du mal à se figurer sa taille réelle. Lui paraîtra-t-elle pour autant aussi grande qu'il le serait s'il pouvait contempler son corps.

« Le choix »

Elle ne l'influencera pas. D'aucune manière que cela soit, non.
Un bref mouvement de l'esprit, et il saisira symboliquement cette clé lévitant gracieusement dans les airs. Il ne sait ce qu'elle contient. Il ne saura ce qui lui sera révélé. Mais une chose interpellera sans doute l'âme du loup, plus que celle de l'humain. Une rune. Une rune qui brille très légèrement au centre de la clé. Cette rune, l'humain sera bien incapable de la déchiffrer, alors que le loup... la comprendra d'un seul regard.

Origine.

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La réponse est sans appel. Elle n’est ni précise, ni floue. Elle est ce qu’elle doit être. Elle donne un sens à tout, celui que j’ai toujours eu en moi. Je ressens cette échéance, mes sentiments, mes impressions ne m’ont pas trompé alors… un choix à faire… une décision à prendre… Je ne serai pas ce que je suis aujourd’hui sans les choix qui ont été miens… Le monde ne serait pas ce qu’il est non plus. Pourquoi ai-je toujours eu et ressenti cette impression depuis toujours ? Qui y’a-t-il entre l’esprit du Grand Loup et moi ? Quel est le lien qui est là, présent, prêt à se révéler ?

Le plus difficile choix que je puisse avoir…

Je me rends compte que la présence de Fenrir a complètement éclipsé mes autres impressions, mes autres questions. Pourtant, je brule savoir qui NOUS étions... Tout cela est un sac de nœuds dont je peine à m’extirper. Hélas, je n’ai pas une vision assez claire pour tout comprendre d’un seul élan. Si jamais je suis lié à Fenrir comme on semble me le dire, à quel point cette vérité pourrait obscurcir toutes les autres ? Si je n’étais pas lié à lui, on ne me dirait pas qu’a l’heure du jugement, il me faudrait choisir… Pourquoi n’ai-je pas dans mes pensées celle qui semble m’aider à avancer… ?

Tu ne sais pas qui elle est, tu ne sais pas ce qu’elle te dit, tu n’as que des impressions…

J’ignore, je ne sais rien, quelques éclaircissements ne donnent pas la route exacte. Le reste, il me faudra l’arpenter seul ? Soit. Quelque en soit le prix alors, je garderai mes valeurs et je ferai front. Et si je chute, alors pardonnez mes erreurs au jour de mon jugement… Cette présence, je sais qu’elle lit en moi en ce moment même, je sais qu’elle aura déjà des réponses… D'ailleurs, si ma route était toute tracée et sans ambiguïté, elle ne serait pas là à me parler. Si je n’avais pas ce choix dont il est question, peut-être serais-je toujours dans les limbes, Odin ne m’aurait pas ramené…

Le choix

Les yeux ont disparu mais autre chose est apparu. Une forme diaphane, légère, diffuse mais de plus en plus précise. J’y pense… suis-je toujours dans un songe ? et si oui, suis-je Loup ou Homme ? Très importante précision mais la réalité, la vérité est que dans ses ténèbres, les âmes quelles qu’elles soient n’ont pas d’apparence… Ni relief, ni signature, ni clivage… toutes unes et indivisibles… Pourtant, devant le juge des morts, je n'étais ni l'un, ni l'autre... J'aimerai être loup... Je fixe mon regard sur ce qui finalement est une Rune. je sais que devant moi se tient la clé de mon esprit, que je suis prêt à le déverrouiller, peut-être de façon irréversible… Suis-je prêt… Dois-je… puis-je… j’approche ma main pour la saisir…

Il me faut savoir

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Il a fait son choix. Le choix de savoir. Le choix d'apprendre, quoi que cela puisse lui coûter. Cependant... il a besoin d'avoir confiance, réellement confiance en ce qu'il verra. Car ce qui va lui apparaître, n'est pas un songe, n'est pas un leurre, mais bien l'Histoire.
Alors pour qu'il n'ait plus le moindre doute. Pour le préparer à ce qu'il va voir. Pour apaiser son âme autant que son coeur. Pour rassurer les doutes qui s'insinuent en lui.

Elle apparaît.

Là sans l'être, plusieurs images successives défilent dans l'esprit de l'homme loup. Des souvenirs, uniquement des souvenirs. Des images qu'il revoit telles les pages d'un livre qu'il tournerait, pour se rappeler. Point d'orgue de ces souvenirs, Cyn.
Leur rencontre dans la salle d'audience du Père. Leurs échanges au coeur de la sombre caverne. Les scènes se succèdent à grande vitesse, alors qu'une seule image le percutera réellement de plein fouet. Car ce souvenir, en est un sans l'être.
Alors qu'il revient dans la salle d'audience et que Cyn s'adresse à Séléné, l'image de la jeune femme au teint de neige se dédouble, comme si elle n'était plus une mais deux. Et cette femme là, tourne le visage pour poser ses prunelles de nacre sur l'esprit qui assiste à ses propres souvenirs. Un délicat sourire naît sur ses lèvres. Un sourire adressé à cette âme qui se souvient... d'une scène qui n'est pourtant jamais arrivée.

La clé disparait dès que son esprit la frôle et tout devient noir. Les souvenirs s'effacent tels des songes au petit matin.
Un éclat de lumière irradie tout autour de l'âme d'Ashram qui se sent comme happé une seconde fois. Si puissante, si forte, la lueur aspire son âme sans pour autant la contraindre, comme si cela était parfaitement naturel. Comme si... ce qui était en train de s'opérer était normal. Pourtant aucune normalité ne réside en ce principe, seul son choix le permet.

Un arbre gigantesque se matérialise doucement à travers la lumière. De plus en plus grand au fur et à mesure que ses contours se précisent, Ashram pourrait se sentir aussi petit qu'une fourmis face à ce monstre de branches, de feuillages, de racines. De lui se dégage une sensation hors du commun. Une sensation bien supérieure à celle des divinités qu'il aura pu rencontrer au cours de son existence.

Comme s'il flottait dans l'immensité qui l'entoure, l'arbre semble hors de la réalité et du temps, telle une entité très ancienne dont peu de mortels aurait connaissance.
Comme une réalité inaccessible, un rêve incontrôlable, une vérité indicible.

« Yggdrasil porte et supporte neuf Royaumes bien distincts. Asgard est l'un d'entre eux. Mais ce n'est pas le royaume qui t'a vu naître »

La voix de Cyn s'insinue de nouveau dans les limbes de l'esprit d'Ashram, alors qu'il se sent entraîné vers le monde qui habite le centre de l'arbre. Enlacé au coeur même de son épais feuillage, de nombreuses branches distordues l'entourent comme les bras d'une mère.
Alors qu'il se rapproche du monde qu'il connait depuis de nombreuses années, l'arbre semble soudain s'élever, à moins que ce ne soit son âme qui ne décline vers ses racines.

« Voici Jötunheim. Le royaume que porte la troisième racine d'Yggdrasil. Le royaume où tu es né »

D'amples forêts touffues, des montagnes à perte de vue, une épaisse neige recouvrant le sol, Jötunheim ne semble finalement pas si différent d'Asgard.
Remontant brusquement vers le nord de la racine, il survole un pic de glace à la pointe acérée. Sur les pans de cette étrange montagne, plusieurs villages et de très nombreuses grottes se dessinent. D'immenses personnages, hauts de plusieurs mètres, se distinguent à travers la poudreuse environnante.

« Le Pic abrite la plus forte concentration de Géants de Givre. Cette terre leur a été offerte par le Père »

Tel l'oiseau étendant ses ailes au-dessus du monde qu'il surplombe, le Pic de Glace s'éloigne alors que l'horizon oscille désormais vers l'Est. Bientôt, se distingue une épaisse forêt qui ne semble pas avoir de fin. Comme si elle s'étendait sur des centaines de kilomètres, comme si aucune plaine ou clairière n'avait pu avoir raison de l'épaisseur de sa toison d'arbres.

« Voici Járnviðr, la Forêt de Fer. Ici résident les Géants... à forme de loups. »

Elle sait.

Oui elle sait.

C'est à ce moment, à ce moment précis, que le silence doit devenir aussi opaque qu'un cristal sans teint, qu'un volet que l'on referme, qu'une vitre que l'on occulte d'un épais rideaux. C'est là, c'est maintenant, qu'il va lui falloir accepter l'évidence.

Alors le voyage cesse. Pour autant n'est-il pas achevé.
Cependant... c'est ici et maintenant qu'Ashram aura besoin de temps. Alors, doucement, délicatement, il sent son âme être enveloppée de nouveau par les paumes de Cyn. Elle n'empêchera aucune réaction. Ne perturbera aucune de ses pensées. Simplement lui permettra-t-elle de regarder. De voir. De sentir, ce qu'il se passe autour de lui. Car en y prêtant attention, il verra. Il verra quelques Géants à forme humaine ou de loup. Il contemplera leur puissance. Il admirera la dextérité des jeunes jouant ensemble. Et il comprendra, pourquoi son lien avec cette communauté animale est si forte.

Discrète, Cyn ne prononce plus le moindre mot, se contentant de supporter l'âme d'Ashram jusqu'à ce qu'elle puisse reprendre la source de son Origine.

Fiche par Narja pour Never-Utopia

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Je vois enfin à qui tu ressembles… je connais ton visage… comment ai-je pu oublier…

Tout ce temps tu es restée dans mon esprit à entendre et à écouter ce qui était caché, à espérer que je le fasse ressortir… Tu ne t’es pas présentée et pourtant j’aurai reconnu ta façon de parler entre mille… C’est bien un rêve qui me porte, c’est bien un songe qui me fait voyager… ses mains qui m’emportent, qui m’empêchent de tomber. Combien de temps cela fait-il que je suis ici à contempler le vide mais à avoir tant et tant de souvenirs, ceux qui étaient les plus enfouis… Je ne sais pas exactement. Je suis ivre de secrets, de révélations. Je ne sais si savoir est la solution. Je me sens tomber, chuter, virevolter… je me vois aux pieds d’Asgard, par-delà le palais, au-delà de la ligne d’horizon… changeons-nous de plan ? Sommes-nous derrière l’aurore boréale qui touche le ciel ?

Le voilà… Yggdrasil…

Spoiler:

Peut-on espérer plus magnifique ? Nous sommes à la jonction des mondes, des énergies, le carrefour de tout, l’origine de la fluctuation, du savoir, de la connaissance. Nul ne peut ignorer que ses racines sont comme ses branches, infinies et immuables… Devrais-je passer la porte pour apprendre plus sur moi ? Sur eux ? Sur qui je suis ? Mais pour aller où d’ailleurs ? Le royaume qui m’a vu naitre est-il si loin, si abstrait pour moi que je ne puis jamais l’atteindre en rêve ? Je sens l’angoisse monter, je sens le doute, comme si regrettant mon geste, tout ce que j’avais pu être avant allait être un frein au présent. Et puis… nous passons la porte… Au préalable, c’est le corps, fragile, malléable, qui prend de plein fouet l’impact, le changement de dimension. Puis, l’esprit embrumé en fait de même pour retourner au point des origines…

A travers la porte….

Spoiler:

Je vole, je survole les terres d’un monde qui m’a vu naitre. Je ne sais pas jusqu’où ira ce voyage, jusqu’où mon esprit sera guidé… De quoi pourrais-je avoir peur, celle qui me montre le chemin est gardienne d’Asgard comme je le suis. Elle sait trouver ce qui sommeille en moi… est-elle certaine de le vouloir ? Suis-je seulement réceptacle des questions, le seul instigateur de ce voyage initiatique ? J’ai l’impression de me retrouver sur le fil, celui qui détermine l’aboutissement de la quête, celui qui, s’il te permet d’arriver au terme de ton voyage te permet aussi de tomber plus profond que l’âme n’a pu en revenir. Il y a une différence entre connaitre le chemin et arpenter le chemin…

Et puis… la toupie s’arrête de tourner… dans le silence.

Un flash vient alors percuter mon esprit. J’ai une vision, je vois la forêt vers laquelle nous allons, les lieux que je n’aurai jamais pu revoir, reconnaitre ou appréhender si on ne m’avait éclairé le chemin. Non, ce n’est pas possible… je ne peux pas être destiné à cela. Et je sens alors la main de Cyn m’envelopper comme pour m’aider à avancer dans ce qui reste de mes songes. Tout est figé, tout est comme en suspension, je peux me déplacer librement, regarder… personne ne me voit. Je vois un sous-bois et plus loin une profonde tanière, je crois savoir, je crois renaître une troisième fois mais tout est encore obscur… il y a mes frères ici…

Sans aide, s’il te plait, sans aide d’aucune sorte.

Elle aura sans doute relâché son étreinte, elle aura compris ce qui anime mon esprit. La force de conviction ne tient que si elle arpente seule… Et puis une odeur singulière vient se rappeler à mon souvenir et déclenche encore plus d’images de mon passé. Il s’agit de mon ancienne vie, J’avance dans ce décor qui évolue au fil de mes découvertes et des images qui traversent mon esprit. Je sais qu’avancer encore plus me donnera d’autres réponses… Suis-je prêt à les avoir ? Je passe entre deux frères qui œuvrent tous deux à la construction de quelque chose. J’en vois d’autres qui s’affairent à leur entrainement, ici, des enfants qui jouent, là, un sage prophétisant quelque future lune propice pour la chasse… Il y a de la vie ici, il y a mes semblables… Tous sont physiquement tels que j’étais lors de mon passage aux enfers, tels des loups se tenant comme des hommes…

Comment… comment suis-je devenu gardien… pourquoi ne suis-je pas resté ici… ?

Spoiler:

Je chute, je pose un genou à terre. Le poids de la révélation est tel que je ne sais pas si mon rêve s’éternisera… J’aimerai la savoir près de moi, celle qui vit dans mes rêves… J’aimerai lui dire de rester là, de ne pas me laisser chuter, pas maintenant… Est-ce l’amour que je ressens pour elle qui me permet de tenir aussi fort ? Cette mélancolie que je ressens si souvent est issue de ce lieu que j’ai toujours ressenti au fond de moi sans jamais pouvoir l’exprimer. Car si j’étais des leurs, il est bien arrivé un moment dans ma vie ou j’ai été conduit à aller ailleurs, à devenir ce gardien. Et si c’est le cas, ou est-elle celle qui me murmure depuis tout ce temps ? Toujours le regard vers le lointain, le genou posé sur le sol, je sens une pointe de cristal apparaitre au coin de mon œil, une larme de glace, synthèse du choc que je viens de recevoir en pleine poitrine… une révélation de plus qui comme un cri intérieur déchire mon âme… Je ne serai plus jamais le même mais je voulais comprendre…

Fenrir… mon frère…

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Il n'est d'oubli que ce que l'on occulte à sa propre vision. Il n'est d'égarement que la route que l'on se refuse à découvrir. Il n'est d'appréhension que ce que l'on s'imagine redouter demain.

Elle observe.

Il arpente le sinueux chemin de sa création. La véritable histoire de ses origines. Une forêt qu'il n'est pas aisé de pénétrer impunément. Car ce qu'il se produit aujourd'hui, ce qu'il voit en cette heure songeuse, laissera d'irrémédiables traces.
Cyn le sait. Cyn en a conscience. Mais est-ce là un apprentissage nécessaire pour le Loup Gardien.

Ses paumes relâchent leur étreinte sur son âme, alors que la demande se fait volontaire. Si c'est là ce qu'il souhaite, sera-t-elle là pour le rattraper si d'aventure il venait à s'égarer. Mais cela... ne sera pas. Car aiguisé est l'esprit du loup. Vaillant est son coeur. Troublée est son âme. Pourtant, ce n'est pas cette dernière qui prendra le pas sur les autres.

La larme de glace s'échappe du corps immatériel. Il ressentira alors une déflagration d'une rare violence. Un pouvoir qu'il n'aurait peut être pas soupçonné. Un pouvoir qui l'entraîne loin de ce monde. Le Noir reprend ses droits.

Et elle apparait.

Ses prunelles diaphanes sont telles qu'il les a toujours connues. Cependant, une certaine gravité pare ses traits lisses. Elle se tient face à lui. Et si il y prête une soudaine attention, il constatera que son corps humain lui a été de nouveau confié. Il pourra admirer les sillons ancrés au coeur de ses paumes. Il sentira de nouveau les frissons qui parcourent sa nuque.

Son poing fermé s'élève dans les airs, s'arrêtant face à Ashram. C'est une voix douce teintée d'une certaine fermeté qu'il ne lui connait pas encore, qui s'adresse alors à lui.

« Nous ne devrions pas être surpris par tes facultés. Cependant... Prends garde Ashram... Prends garde à ce que ton pouvoir ne t'échappe »

A ces mots elle saisit son bras de sa main libre, le levant vers elle en écartant ses doigts afin d'en découvrir la paume. Délicatement son poing fermé s'ouvre lentement alors que la larme de cristal chute dans la main d'Ashram.
Il était impensable qu'il y parvienne. N'avait-elle d'ailleurs pas imaginé qu'il en serait capable, que cela se produirait. Et pourtant...

« Nous t'avons conduit à Yggdrasil sans le consentement du Père, bien que nous estimons qu'il ne nous l'aurait pas interdit. Ce que tu as vu était réel, et pourtant il ne s'agissait là que d'une projection de ce qui est. Une projection à travers laquelle tu es passé sans même t'en rendre compte.
Cette larme... Ashram, contient trop de choses. Elle a pris corps en un monde qu'elle n'aurait jamais du pénétrer. Mais nous avons juré de te protéger, alors nous l'avons fait »

Une seconde. Une minuscule seconde de trop et la larme aurait touché le sol, révélant leur présence aux géants loups. Pour la première fois depuis bien longtemps, la Gardienne cru qu'elle ne maîtriserait rien de ce qu'il allait se produire, qu'elle ne pourrait rien empêcher.
Heureusement pour eux, heureusement pour lui, principalement, les réflexes d'une protection millénaire ont de cela de bon qu'ils restent prompts.

Aucune réponse ne fut apportée sur la mystérieuse présence de ses rêves. Aucune réponse ne sera pour l'heure apportée à ce frère qu'il estime être. Rien ne sera dévoilé sur les raisons qui l'ont fait égarer ces lieux de sa mémoire. Pourtant une réponse viendra pour chacune de ses questions. Pour peu que cela soit ce qu'il désire.

Les traits de Cyn se détendent alors que son visage retrouve cette impression sereine qui ne le quitte pour ainsi dire pas.
Retombant légèrement contre son flanc, sa main délaisse celle d'Ashram alors que la larme de glace se met à fondre, pénétrant l'épiderme rosé.

« Tu as choisi d'ouvrir la première porte de bronze. Souhaiteras-tu saisir la clé d'argent... Ashram »

Une nouvelle clé se matérialise dans l'obscurité qui les enveloppe et alors que le corps de Cyn se dissipe dans les ténèbres. Bien plus grande que la clé de bronze, son métal irradie d'une lueur semblable au clair de lune.
Une rune brille en son centre. Et si l'humain n'avait pu déchiffrer la précédente, l'âme ainsi réunie sera parfaitement capable de lire celle-ci.

Lien.

Fiche par Narja pour Never-Utopia

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En fait, je ne m’attendais pas à ce qui est arrivé. Comment prévoir ? Tu places quelqu’un dans une cage d’où il peut sortir à tout moment, tu le places devant des choses qui peuvent lui apporter un profond trouble… Que fait-il ? Il reste dans la cage, il veut savoir. C’est la même chose pour tout. Mais là, il s’est passé quelque chose à laquelle on ne pouvait rien prévoir. Cyn n’a pas pu prévoir la réaction et la conséquence qu’il pouvait y avoir. D’un geste, elle s’empare du cristal ; son attitude a changé. L’angoisse de quelque chose… Elle m’a parlé à maintes reprises de choix, de choses qui étaient liées à mon existence. Ce qui est certain c’est que ce n’est pas anodin pour que elle, qui lit les trames du destin, se trouve désemparée face à un guerrier qui doute de la sorte. Tant est cette crainte que le noir est revenu, que j’ai été soufflé, aspiré par le néant. Tout a disparu et c’est de la façon la plus sobre qu’elle m’explique ce qu’il s’est passé ; est-ce si grave ? Suis-je si perturbant et inquiétant ? Elle parle de mes facultés, mes lesquelles ? A part mon Cosmos, je ne vois pas…

Tu as eu un soubresaut, Cyn. Je te jure que je ne le voulais pas… Qu’est ce qui t’inquiète tant ?

En une phrase, j’inverse la tendance. Elle me parle, elle me guide mais je veux savoir ce qui a pu l’inquiéter à ce point. Certes, elle n’aura rien dit de plus, elle n’aura pas vraiment expliqué ce qui se serait passé si elle n’avait pas retenu le cristal… aurais-je pu prendre conscience de plus encore ? Si ma question est malvenue, je saurai vite. N’étais-je pas protecteur autrefois ? Je marque un point, je prends de l’assurance, j’ai un sourire. Elle ne me laissera pas le présenter assez longtemps hélas. En termes de quêtes initiatiques, il n’y a jamais une seule porte. Combien sont à franchir ? Quelles épreuves encore ? Quelles révélations ? Si pour la première porte je me trouve capable de surprendre Cyn, d’aller au-devant de ses impressions et prévisions… que ferais-je à la prochaine ?… et à la suivante ?

Tu es certaine de vouloir t’exposer ? Je ne suis pas certain que…

Je me soucis toujours autant de mon prochain, quel que soit sa couleur d’armure ou son cosmos... ou divine, comme ça avait été le cas de la fille de Poséidon ; j’avais été inspiré ce jour-là aussi… Et Cyn est Asgardienne, elle est l’égal d’un dieu, de quoi pourrait-elle avoir peur à part des remontrances de notre Père… ? De mon ignorance. Je ne suis pas prêt à lui faire courir le moindre risque ou à ne pas lui témoigner la part de respect que je lui dois. Plus encore, sa dévotion rencontre la mienne ; Elle a juré de veiller sur moi… mais qui veille sur elle… ? J’aimerai qu’elle sache ce qui m’importe autant que la vérité… Je repasse en vitesse tout ce qu’elle a pu me dire avant, pendant et après mes révélations. Prête, elle semble l’être. Est-ce mon cas ? Pourrais-je supporter un échec qui entrainera le sien ? Il n’y a qu’à voir quelle fut ma réaction lorsque Nox a été blessé. Ce n’est que lorsque je vois la seconde clé en argent que je stoppe net mes impressions. La curiosité, ou tout autre chose, prend le pas sur le reste…

Créer le lien entre ici et… ailleurs… Penses-tu que nous irons jusque dans les limbes ?

Une phrase incontrôlée, une phrase comme je sais les donner, avec sa dose de sarcasme. Parfois, ce sont celles qui me font regretter d’avoir eu trop de bravoure et de présomptions. Mais que serais-je sans parfois oser braver plus que de raison ? Brave loup que je suis, n’est-ce pas ? Un crétin oui… car au même instant, j’abaisse ma vigilance, je deviens le garde qui ne prends pas garde ; j’avance et me saisis de la clé en argent… Un choc, une déflagration. J’aimerai pouvoir aller en arrière mais je ne peux pas, je suis comme collé à l’artefact et je tremble de tous mes membres… Mais le pire c’est la douleur qui est en train de naitre dans la main avec laquelle je me suis emparé de la clé et qui se répand partout dans mon corps. Je ne peux émettre aucun son, aucun cri et je comprends alors mon erreur tandis que la douleur devient insoutenable. Il est bien connu que l’argent se comporte de manière étrange au contact de certains loups, répulsive au mieux, agressive au pire… Voilà de quoi me calmer, ravaler ma fierté, me déposer dans le noir le plus complet alors que comme une feuille je tremble et que les ténèbres s’emparent de moi… Je tombe.

Voile noir.

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L'intuition est un bien étrange principe. Mystérieux et accessible en même temps, elle permet à l'être qui en est pourvu de faire, de dire, de sentir des choses que sa conscience elle-même ignore. Un don fabuleux mais tellement aléatoire... qui peut parfois revêtir une forme bien complexe.

« Nous le savons et nous estimons que tu n'as pas à t'en vouloir. Cela était un risque que nous avons couru, mais nous ne pensions pas que cela se produirait. Nous n'avons pas anticipé comme nous l'aurions du »

Alors qu'un sourire se dessine sur les lèvres d'Espilon, la neige se met soudainement à tomber. Alors qu'ils sont toujours au sein de cet écrin obscur, blanchâtre et rayonnante est cette fine neige qui vient de nulle part, pour n'atterrir... nulle part, semblant se fondre avec les ombres environnantes.

« Tu as fait un choix. Et pour respecter ce choix, nous devions te montrer. Et pour te montrer, nous ne devions pas être vus. Tu peux t'échapper de cet endroit quand bon te semble, nous te l'avons déjà dit et cela n'a pas changé. Cependant... saches que si ta volonté suffit à t'extraire d'ici, tu te trouves dans notre monde. Notre dimension. Le voile qui nous recouvre. Celui que nous créons de notre esprit. Le Mystère qui nous entoure. Celui qui nous précède et nous poursuit. Une dimension dans laquelle tu es invité et que tu ne dois pas percer d'aucune manière. Nous avons fait le choix de te montrer ce qui est. Et ce qui est, est ce que tu y as vu. Tu as vu le présent. Tu as vu la vérité des heures actuelles. Mais nous ne devions pas apparaître. Tu ne devais pas être révélé. Pas maintenant. Et ta larme de glace a failli briser cet équilibre. Un équilibre précaire que nous maintenons car nous en avons l'habitude. Une habitude que tu n'as pas et que tu devras apprendre à appréhender chaque fois que tu viendras avec nous. »

Il est fort rare que la Gardienne ne parle aussi longuement et d'une seule traite. Mais quand le besoin s'en fait sentir, elle en est parfaitement capable.
Des réponses doivent être prodiguées en temps et en heure. Il était temps pour celle-ci.

Un sourire paisible recélant peut être les mystères, si ce n'est de ce monde, du moins de son avenir proche, se distingue sur les traits diaphanes de l'être blanc. Elle ne répondra à aucune de ses interrogations. Son sourire rassurera t-il peut être ses angoisses passagères.

Les limbes ? Non. Pour l'heure ce ne sera pas cela qui sera abordé. Ce ne sera pas là qu'elle le conduira.

La souffrance s'empare de son esprit alors qu'elle en devient presque physique. Cyn ne tentera rien pour l'apaiser, car il était prévisible qu'elle se manifeste. Car le pan de son histoire qui s'apprête désormais à être révélé, est l'un des plus douloureux car il le renverra à quelque chose qu'il a parfaitement et totalement oublié depuis toutes les années qu'il estime avoir vécu en ce monde.

« Ouvres les yeux... Ashram »

Une vaste clairière s'étend presque à perte de vue sous ses yeux. Le soleil radieux baigne l'herbe fraîche de ses rayons salvateurs. Aucune autre impression qu'une profonde quiétude ne règne en ces lieux. Un apaisement qu'il reconnaîtra sans mal, puisque cela fait désormais de très longues heures qu'il y baigne presque sans cesse. Un calme et une aura qui lui appartiennent, à elle, à Cyn.

Tu es ici chez moi.

Au centre de la plaine se distingue une source. Fontaine ou lac créé par on ne sait quelle magie, cela semble difficile de l'affirmer. Son eau est aussi claire que la plus pure des eaux qu'il serait possible de trouver sur terre. D'elle se dégage une impression surnaturelle, comme si elle n'était composée d'eau qu'en apparence.

Baignant dans cette source magique, une racine aux dimensions parfaitement édifiantes. La troisième racine qui soutient Jötunheim.
Et au coeur de cette racine, juste au-dessus de l'eau, il apercevra les traits de Cyn fichés à même l'écorce. Comme si... elles avaient toutes deux fusionné. De son corps ne restera que le souvenir qu'il pourrait bien en avoir.

Baignant au sein même du large bassin, une femme repose contre la racine sur laquelle Cyn se tient. Une femme... ou plutôt une géante à en croire sa grande taille. Pourtant elle ne possède pas les traits grossiers que certains de sa race peuvent arborer. Sa longue chevelure châtain disparait dans les eaux, encadrant un visage rond pourvu de deux grands yeux d'un bleu océan.

« Ne redoutes rien... Ashram. Ce que tu vois ici, ce sont nos propres souvenirs. Nul risque ne te guette en ces lieux. Tu peux y exprimer tout ce que tu auras besoin d'exprimer. »

La colère, la tristesse, la joie, l'incompréhension, seront sans doute un aperçu très léger de ce qui l'envahira.
Mais pour l'heure il n'aura pas le temps de se poser plus de questions, car déjà un cri strident brise le silence de la clairière. C'est à cet instant qu'il y prêtera plus attention. C'est à cet instant qu'il comprendra que la géante est en train d'accoucher. Les prunelles diaphanes plantées dans la racine se mettent à briller d'une lumière diffuse qui devient de plus en plus forte. Une aura apaisante se déroule tel un tapis de plume sur la surface ondulante de l'eau.

Puis c'est un flash blanc et une nouvelle scène apparaît.

L'endroit semble le même, si ce n'est que la géante ne se trouve plus dans le bassin mais sur l'herbe fraîche, adossée à la racine qu'habite la Gardienne.
Son visage est serein, souriant, alors qu'un jeune louveteau d'un gris pâle déboule sur la droite en courant à vive allure vers elles.

« Voici ta mère, Ashram. Et ce petit loup... »

Nul besoin d'achever sa phrase. Il comprendra. Il saura.
Un sourire se dessine sur les traits de la Cyn habitant la racine alors que le jeune louveteau saute d'un bond sur les jambes de la géante. La mère pose un regard attendri sur son petit alors qu'elle lui prodigue une caresse enveloppante, sa main recouvrant intégralement le minuscule louveteau. Lorsque sa paume se détache, ne reste plus qu'un petit enfant qui ne doit pas avoir plus de trois ans. Comme s'il pouvait changer de forme quand bon lui semble, le petit se redresse sur ses jambes, tentant d'entourer la vaste racine de ses petits bras, puis repart en courant vers la plaine en redevenant loup.

« Nous n'avons jamais admiré d'enfant capable de changer de forme aussi promptement que tu le faisais. Un jour... avec beaucoup d'entraînement et si tu réussis à recueillir l'enseignement de Nyangvar, tu le pourras à nouveau. »

Nyangvar ? Pour l'instant n'aura-t-il que ce nom, rien de plus. Cela est une autre étape de son évolution... qui n'est pas encore venue.

« Ta mère s'appelait Turenior, une géante louve parmi les plus douces et paisibles qu'ait porté ce monde. Ta mère avait une soeur... une soeur du nom d'Angrboda. Angrboda est la mère de Fenrir, de Jörmungand qui sévissait sur les terres du Père il y a peu, et de Hel, l'incarnation de la mort nordique. »

Suivant cette déclaration, Cyn observe de très longues minutes de silence. Comme lorsqu'il avait foulé les terres de sa naissance pour la première fois depuis tant d'années, et alors qu'elle sait qu'il est en train de se souvenir petit à petit, elle lui laisse le temps dont il a besoin. S'approcher s'il le souhaite. Observer, ressentir, contenir ou déborder. Elle libère peu à peu ce qu'elle a enfermé il y a si longtemps... lui en voudra-t-il ? C'est une possibilité à laquelle elle est préparée depuis des années.

Fiche par Narja pour Never-Utopia

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Le noir est resté omniprésent, la douleur s’est finalement arrêtée. Je n’ai pas ressenti de douleur, jamais. Ni avec la bestiole des marais, ni avec la créature des glaces, ni aucune autre. Je ne sais pas ce qui anime mon corps mais je n’ai pas la faculté de voir que je suis en morceaux avant qu’il ne soit définitivement trop tard ; mais là, cette clé, cet argent, tout a ressurgi en un subtil mélange de saveurs et de douleurs que je ne soupçonnais pas. Il va y avoir beaucoup à dire une fois que je serai sorti de ce sommeil. Peu de personnes pourraient avoir ce talent, ce don, ou cette malédiction ; ça dépend du point de vue. Ce qui est certain c’est que je n’ai jamais pu m’expliquer cela. Et là, dans les songes, c’est l’inverse. Lorsqu’enfin j’ai rouvert les yeux, la neige tombe dans le néant. Elle me parle, elle répond en partie à mes interrogations mais pas toutes. Je me laisse bercer par ses mots, par sa voix. Elle rassure mes abus de langage, elle referme les plaies béantes que j’avais pu laisser avec ma façon si détestable parfois de parler…

Lorsqu’enfin elle me demande d’ouvrir les yeux, je m’exécute Elle m’a montré, j’ai vu, j’ai ressenti quelque chose mais… pour l’instant, je reste de marbre. Quelque chose me frappe dans ce moment étrange. J’ai vu, oui, mais je n’ai pas tout compris. J’avance de quelques pas et j’essaye de me remémorer la situation, ce qui s’est révélé devant moi. Le lien ? Mais le lien avec quoi et qui ? J’aimerai arriver à comprendre. J’avance encore pour tenter d’embrasser tout ce qui est devant moi. C’est vrai… le visage de Cyn est gravé dans la racine. C’est donc ici la fontaine de sagesse ? Et ma mère est venue ici ? Mais dans quel but, pour quelles raisons ? J’ai peu de marge de manœuvre mais je reste désespérément froid. Si ce que je vois devant moi est la vérité, alors que fuyait-elle ? Je cherche ce que je suis, certes, je vois d’où je viens mais je n’arrive pas à comprendre. Je me retourne d’un seul mouvement pour regarder Cyn

- Où est ce que tu veux en venir avec tout ça ? Ce sont tes souvenirs !! Mais pourquoi moi, je ne me souviens de rien ??

Le ton était fort et puissant, rempli de colère mais je ne savais pas très bien contre qui à vrai dire. Je me tourne à nouveau en direction de la fontaine, quelque chose émerge de mon esprit. Un sinistre puzzle est en train de se mettre en ordre. Je cherche les raisons, les causes, le pourquoi, et puis les idées deviennent mots. Ma mère a pu fuir pour me protéger mais pourquoi avoir le droit de venir jusqu’ici ? Ce n’est pas un lieu dédié aux mortels de quelque peuple qu’ils soient, il n’y a que quelqu’un d’essence divine qui puisse donner ce droit et encore, ça aurait été pour une très bonne raison. Seul Odin est sensé y avoir bu au prix d’un de ses yeux, je ne sais plus trop la version de l’histoire. Ce qui était clair en tout cas dans ma vision, c’était ma mère qui baignait dedans… Les choses s’imbriquent mais deviennent trop farfelues pour que j’y accorde le moindre crédit, la moindre valeur censée. Tiens, j’ai toujours cru que j’étais l’enfant prodige dédié à un brillant avenir. Je serai donc dans le vrai ? Un sourire se dessine sur mon visage laissant transparaitre que je ne crois pas une seule seconde à ce que j’imagine intérieurement. Elle serait venue ici pour me protéger des autres car je suis promis à une prophétie incroyable… ha ha… Nerveusement je ris, passif et blasé de ce qui vient de se produire. Même la vision de ce que je fus ne me heurte pas plus. Est-ce que je refuse cela ? Je n’en sais tristement rien mais la vérité…

- Tu as laissé cela se produire et tu savais qu’un jour je te demanderai des comptes… Attends, ma mère m’a caché pour ne pas que je sois élevé avec la progéniture de sa sœur ? Et tu vas aussi me dire que je me suis baigné dans la fontaine de sagesse, louveteau que j’étais ?

Et Je me prends la tête dans les mains, je n’arrive pas à croire à ce que je viens de penser mais il faut que j’enfonce le clou encore une fois… Pardon Cyn, pardon pour mes paroles, je ne suis pas si insensible mais le barrage que fait mon esprit me protège…

- Elle t’a demandé asile et toi… tu m’as fait gardien de ton monde… N’est-ce pas ? A moins que ce ne soit un pacte comme il en existe dans toutes les légendes du monde, entre une mortelle et une divine, un pacte dont j’étais l’enjeu ?

Quoi ? Tu ne serais pas en colère si tu avais soudainement l’impression que… tout ce que tu es n’est que le produit des autres, leurs actions et que hormis les choix qu’on te propose tu n’as rien réellement contrôlé de ton existence ? Le temps de me ressaisir et voilà que je pense déjà autrement… Ce que je viens de dire est faux. Tout ce que j’ai fait n’a jamais été de leur fait mais du mien. Rien n’est arrivé par hasard, rien. Il faut que je sache mais une autre part de moi bouillonne encore et avant que je ne reparte dans un cheminement que l’on pourrait qualifier de normal, il me faut encore lui dire un truc, quelque chose de vibrant de poignant… même si ce n'est pas la vérité...

- C’est quand que je vais apprendre que mes rêves ont toujours été l’écho de ta voix… que c’est ton front qui se posait sur le mien lorsque ma mère est reparti pour autre chose ou fauchée par le temps…

Je m’assois. Mes mains viennent toucher le sol, l’herbe, les fleurs… une vision d’un paradis qui était donc le mien il fut un temps. Combien de temps… j’essaye de ressentir, d’entendre parler la terre… Je suis lié à elle depuis si longtemps… Bien sûr, comment n’y ai-je pas pensé plus tôt, ça aussi est lié…

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La question viendra plus tôt qu'elle ne l'aurait pensé. Pourtant... est-ce une intelligence aiguisée qui se trouve près d'elle. Elle le sait parfaitement, elle en a conscience. Il est normal que cette interrogation ne survienne si tôt... finalement. Car pourquoi... oui pourquoi... n'a-t-il aucun souvenir de tout cela. Parce que c'était nécessaire.

Et la colère survient.

« Parce que nous avons fait en sorte que tu oublies, pour un temps »

Elle ressent son trouble comme si elle faisait partie intégrante de son esprit. Les hypothèses s'enchaînent les unes aux autres, comme s'il enfilait les perles de son esprit sur une chaîne bien trop vaste pour qu'il n'en aperçoive la fin.
Chaque pan de sa véritable existence lui est révélé peu à peu. Mais cela ne favorise pas la compréhension pour autant, mais plutôt la perte de ses sens, du sens du discernement, de savoir où est la vérité, où est le mensonge.

« Non. Nous ne te dirons rien de tout cela, car cela n'est pas la vérité. Ta naissance est survenue bien des siècles après celle de Fenrir et bien des siècles après que le loup mythologique n'eut été scellé. Mais nous savions qu'un jour ta colère serait probablement dirigée vers nous, oui. Cela était une hypothèse que nous avons appris à assimiler, depuis le temps.
Le bassin d'Yggdrasil remplit bien des fonctions. Des fonctions dont la grande majorité est inconnue de qui que ce soit, même du Père lui-même. En cette heure, en ce jour, si nous avons autorisé, si nous avons souhaité que Turenior mette au monde son enfant à nos côtés, au coeur même de ces eaux, c'était pour être certain que tout se passerait bien. C'était un privilège que nous lui devions. »

Car s'il n'est pas encore venu le temps des révélations sur la relation qui unissait la géante à la gardienne, les mots de Cyn laissent transparaître un point essentiel. Elle aimait Turenior, elle l'aimait de tout son coeur. Et cette affection se devait de servir à quelque chose. Car Cyn doit beaucoup à cet être hors du commun.

Un délicat sourire se dessine sur son visage alors que ses grands yeux pâles se posent sur lui. Un pacte ? Un prêté pour un rendu ? Certainement pas.

« Absolument pas... Ashram. Nous allons te compter une histoire... »

Délicatement la scène qui se dessinait sous les prunelles du loup se floute pour se fondre dans l'air. De soleil il ne reste plus qu'un pâle ciel grisâtre qui s'étend au-dessus de la 3ème racine. Le paysage semble morne, comme un endroit que chacun aurait oublié, que tout le monde aurait abandonné.
Au centre de la racine... rien. Le néant. Le visage de Cyn a disparu.

« Il y a de cela des millénaires... le peuple des dieux nordiques était scindé en deux clans distincts. Les Ases, dont le Père était le maître, et le terme que la majorité des humains connait aujourd'hui, y compris vous, les Guerriers Divins d'Asgard. Tu connais certains des Ases, ne serait-ce que de nom. Loki, Thor. Ces dieux majeurs vivaient en Asgard, déjà. Les autres étaient les Vanes, habitant le royaume de Vanaheim qui est aujourd'hui un monde pour ainsi dire inaccessible. Freyr et Freya étaient autrefois des Vanes...
Les deux groupes divins passèrent de nombreux siècles à se confronter jusqu'au jour où une terrible bataille eut lieue. Comme aucun des deux n'arrivait réellement à prendre le pas sur l'autre, il fut décidé d'échanger certaines divinités afin de sceller un pacte qui revêtirait la forme d'une prise d'otage, afin que ni l'un ni l'autre ne porte plus les armes contre ses frères.
Hœnir, le frère du Père, et nous même furent offerts en signe de bonne fois. Malheureusement les Vanes estimèrent que l'échange n'était pas équitable et pour un certain nombre de raisons parfaitement injustes, ils nous décapitèrent et renvoyèrent notre tête au Père de tout. »

Cyn fait une pause alors que son visage semble fixer la large racine à quelques mètres d'eux. Cette période n'est certes pas la meilleure de son existence, se faire décapiter n'ayant rien d'attractif ou d'agréable. Cependant... cela ne lui procure aucune peine de le lui narrer ainsi.

Alors que l'air qui les entoure semble onduler tel le serpent prêt à se fondre dans le sable, le ciel s'éclaire et les traits de Cyn apparaissent de nouveau au sein de la racine.

« Les Vanes ont sous estimé le pouvoir de notre Sagesse et la puissance du Père de tout. Pendant de très nombreux siècles, nous avons habité la 3ème racine d'Yggdrasil et ce n'est que depuis très peu de temps que nous avons recouvert un corps physique. »

Alors qu'elle achève sa phrase, la mère d'Ashram apparaît, comme extirpée des souvenirs de Cyn qui semble en contrôler la moindre parcelle.
Vêtue d'une ample toge de lin blanc, sa poitrine est couverte d'un large plastron de métal doré. Un grand sceptre de bois au creux de sa main, elle se tient droite, le regard acéré et les sens aiguisés, près de la grande racine où Cyn repose.

« Turenior est devenue notre protectrice durant de nombreuses années. Car alors que le Père avait réussi à nous redonner vie, nous n'étions ni assez reposé, ni assez fort pour protéger cet endroit et tout ce qui dépend de lui et nous protéger nous-même. Alors... tandis que nous nous consacrions à renforcer Yggdrasil et à retrouver nos pouvoirs d'antan, ta mère n'a jamais failli et nous a toujours protégé des périls qui nous guettaient. Car s'il est difficile de pénétrer ce lieu, cela n'est certes pas impossible. »

Le doute s'empare de lui alors que la scène se dissipe dans les airs. Elle n'interviendra pas, une fois encore. Le libre arbitre doit être préservé, à tout prix. Cependant il est certain qu'un soulagement agréable gonfle sa poitrine lorsqu'elle l'admire reprenant le dessus sur lui même. Elle acquiescera silencieusement, uniquement cela. Car oui, Ashram. Ce que tu es devenu, ce que tu as fait, n'est nul autre fruit que le tien.

Dans un premier temps elle ne répond pas à sa question, qui n'en est pas vraiment une d'ailleurs... Tout au plus se contente-t-il de poser une question à laquelle il a parfaitement la réponse.
Elle conserve le silence un long moment. Car ce qu'il est en train de s'opérer à cet instant est un pan primordial de son évolution. Le lien. Un lien maternel qu'il n'a pas encore retrouvé, et ne retrouvera peut être jamais. Non... le lien qui est doucement mais sûrement en train de se reformer, c'est son lien avec la terre.

Un délicat sourire se distingue sur son visage alors que déjà, l'obscurité reprend ses droits sur le pays qui l'a vu naître. Le paysage se tord doucement, semblant s'harmoniser parfaitement avec le mouvement pourtant si étrange qu'on lui inculque.

« Nous l'avons fait longtemps, cela est vrai. Pas pour te tracer une quelconque route et influencer ce que tu devais être ou ne pas être. Nous l'avons fait uniquement parce que cette présence t'était nécessaire... dans un premier temps. Puis nous n'avons plus été seul, d'autres nous ont rejoint. »

Yggdrasil disparait une fois encore, laissant pour seul goût les quelques souvenirs que cette fois il conservera. L'Ombre reprend ses droits alors qu'ils se retrouvent de nouveau face à face dans ce néant de quiétude.
Retour à la case départ, encore.

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Faire preuve d’intelligence, c’est avant tout percevoir les choses différemment. Un Ptolémé a dit, comprendre le monde, c’est le faire tourner entre ses mains… Même si j’en suis encore loin, j’arrive à discerner pas mal les choses, je trouve. Inutile d’être pétri de certitudes, non, ce n’est pas le mieux que je puisse faire. Elle me présente, elle me montre, elle me désigne des choses profondément ancrées, encrées ou disparues. A priori, la frontière entre les deux est ténue, infime. Je ne sais pas comment les choses ont pu se passer pour que je ne sache plus rien. En tout cas il y avait bien quelque chose en reste pour que j’aie une trace si prégnante. C’est étrange comme je me sens calme tout d’un coup. J’ai relâché une grande part de mes sentiments, de ma colère dans tout cela mais ce n’est pas assez. Il y a encore une part de moi qui cherche à combattre ce qu’il se passe tout autour, comme si je refusais cette progression à l’intérieur de mon âme.

- Tu dis cela sans plus de justifications, sans qu’il ne soit aisé de comprendre

J’imagine ma mère encore une fois, me donnant la vie dans la fontaine sacrée. Il y a un lien que je ne saisis pas, il y a quelque chose que je ne comprends pas. Hélas, m’enlever mes souvenirs, est-ce cela qui m’a enlevé toute relation avec elle ? Toute compassion pour ce que j’ai vu ? Il me semblait être ailleurs lorsqu’on m’a montré cette scène, en même temps, ce n’était pas mes souvenirs. Voilà donc où s’arrêtent mes sacrés pouvoirs, au bon vouloir des volontés supérieures, comme si le contraire aurait pu être. Pourtant, elle était la gardienne de la 3ème racine de l’arbre sacrée, c’est bien qu’il y avait un lien fort entre elle et le sacré représenté par Odin et son Panthéon. Je n’arrive pas à percevoir encore le lien qui unit Cyn et ma mère. Peut-être est-il encore trop tôt pour le percevoir, pour le voir, pour le comprendre. J’ignore ce lien maternel, je ne peux m’émouvoir de rien.

- Je devais oublier… Alors ne te demande pas pourquoi j’ai l’air si détaché de souvenirs que je n’ai jamais eu depuis mon retour. Je ne blâme pas cela, je te remercie même de tout me dire mais je n’ai pas de comportement émotionnel associé à cela… Peut-être ne pourrais-je jamais ressentir ou avoir idée de ce qu'est l'amour d'une mère. Suis-je insensible pour autant ? Dénué de compassion à l'égard des autres ? Si tu l’as recueillie, c’est qu’elle le méritait, j’imagine. Elle me portait déjà sans doute. Mais tu sous-entends qu’elle avait œuvré pour toi, pour Yggdrasil, que tu lui devais ça suite à son dévouement. Elle était gardienne avant ou après ma naissance… ?

Attends, ma mère était gardienne de l’une des racines d’Yggdrasil ? Je n’y aurais pas cru si on ne m’avait pas dit. Faut dire aussi qu’en ces temps reculés, si ça se trouve, les armures n’existaient pas. Regarde, il y a 8 guerriers divins, pour 9 racines ? Non, ça ne colle pas. Au contraire même. Elle a parlé d’un trio de gardiens pour chaque monde, pour chaque racine donc. Il se pourrait alors que mes souvenirs soient issus de cette période, celle où nous avons disparus avec K’ntha pour la protection de la colonne de lumière. Trop tôt pour lui demander ? Je ne sais pas, si elle avait voulu en parler dans son récit, ça aurait été fait. En même temps, je l’imagine mal me parler de toute cette histoire depuis l’aube des temps sans faire une pause régulièrement… pour arriver finalement à l’époque où j’étais autre… ouais, et puis passer par je ne sais combien de clés et de portes diverses et variées.

- En même temps, tu ne réponds pas vraiment à mes questions, tu acquiesces sans dire plus comme si tu voulais t’économiser pour autre chose. Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas dans tout ce que tu as dit.

Je suis on ne peut plus calme, peut-être trop, peut-être que je ne suis pas fait pour des moments aussi cérémoniels. En fait si, j’ai toujours eu cette part, cette liaison à la terre qui me rend toujours profondément mélancolique sans savoir pourquoi. Aujourd’hui, dans ce rêve, je suis en passe de trouver, de découvrir certaines de ces raisons. Suis-je prêt ? Si je ne demande pas aujourd’hui, autant me taire à jamais.

- Alors… c’était toi la voix… tout ce temps ? C’était toi qui me parlait ? Je n’en suis pas certain C’était ton front contre le mien ? d’où me viennent ses sensations, ses sentiments ? Ça ne se peut, ce n’est pas possible… Tu es l’incarnation de Mimir… tu es homme si je ne m’abuse… Alors quoi, comment aurais-tu…

Pourtant, c’est son visage dans la racine mais ce n’est qu’un rêve… Est-ce que ce n’est pas moi qui idéalise tout ça ? Sa présence ? Complètement fou, mon coup de sang est retombé. J’avais trop d’émotions d’un coup, trop sans doute pour y voir clair et y remettre de l’ordre. Il va bien falloir relever ce qu’elle vient de dire pourtant… je me redresse, je suis dans le noir, encore ? Pourtant, j’étais en contact avec la terre et autant que je me souvienne, il n’y avait que dans mes rêves ou encore dans le monde des morts que j’avais à revêtir cette apparence. Je ne sais pas si c’est mon contact avec la terre, cette communion qui est responsable de tout ça mais tel un lycan, je me redresse pour chercher les traces des yeux de Cyn où qu’ils puissent se trouver…

- Et ensuite, d’autres sont arrivés ? J’ai dans mes souvenirs cet aigle majestueux qui m’a enseigné tout ce que je devais savoir… il n’y avait plus ma mère dans ces souvenirs mais il n’y avait pas non plus de troisième gardien… A moins que…

La compréhension n'est pas chose aisée. Quand les souvenirs s'échappent par une porte que l'on n'a pas soi même ouverte. Lorsque les pensées se chevauchent sans parvenir à trouver un semblant de cohérence. Tout cela... est si difficile, que d'être aux prises avec une vérité qu'il n'avait pas imaginée, pas envisagée.

Un sourire pour toute réponse.
Les questions vont et viennent. Elles ne trouveront peut être jamais d'issue, jamais de fin ou de conclusion. Trop de choses à digérer. Trop d'éléments dont il faut désormais tenir compte. Et avec les révélations, survient un long chapelet d'interrogations.

« Il n'y a pas d'insensibilité. Juste des sentiments oubliés. Des souvenirs perdus. Des évènements de ta vie qu'il te faudra assimiler. Cela viendra... peu à peu. Bientôt tu réagiras. Avec plus de force, sans doute avec violence. Cela viendra. »

Lentement le visage de Cyn oscille de droite et de gauche en signe de négation. Un pale sourire se dessine sur son visage.

« Ta mère nous protégeait bien avant ta naissance. Bien avant que ta venue sur ce monde ne soit décidée. »

Décidée ? Le sous entendu est lourd. Et pourtant, les mots ne peuvent et ne doivent être ignorés. Car la Gardienne ne prononce aucun mot au hasard. Tout ce qui s'extirpe de sa poitrine est réfléchi, est pensé, est mûrement consulté avant d'être promulgué.

Alors que le noir les recouvre une fois encore, de nouvelles questions s'échappent des lèvres pâles du Loup Gardien. Des interrogations qui engendreront une réaction qu'il ne verra pourtant pas, mais que, peut être, il pourra ressentir.

L'amusement.

La situation ne se prête-t-elle pas vraiment à ce sentiment. Et pourtant, ses questions amusent la jeune femme au teint de perle. Tellement humain... bien plus humain qu'il ne le pense ou n'estime l'être, probablement.

Puis la lumière naît.

Douce et légère, elle agit comme les rayons d'un soleil levant. Délicate, elle effleure la joue d'Ashram presque comme une caresse alors que les deux prunelles diaphanes apparaissent face à lui.

« Les dieux sont bien souvent masculin tout autant que féminin. Souvent nous avons arboré l'allure d'un être mâle. Mais notre esprit reste parfaitement neutre et détaché de tout cela. Aujourd'hui de divin nous n'avons plus rien. Notre rôle reste pourtant le même. Et si nous avons choisi une enveloppe féminine, nous aurions aussi bien pu décider d'habiter le corps d'un homme. »

Egale au sentiment général qui se dégage d'elle, Cyn ne répond rien aux nombreuses questions qui se sont exprimées à travers lui. Pourtant la réponse semble se présenter une fois encore sous la forme d'une large clé d'or.
Le chemin est encore long avant d'arriver aux ultimes révélations. Et cette fois, la rune qui habite le sein de la clé aux courbes délicates brille d'une lueur dont émane une grande puissance.

Gardien.

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Insensibilité, ce mot résonne dans ma tête l’espace d’un instant. Pourtant, je suis dans un rêve qui ne m’appartient pas. Je suis dans un lieu qui ne correspond pas à mes attentes. Le noir favorise l’intériorisation, la réflexion. Il me prive de mes sens les uns après les autres pour me tourner vers la vérité, une des vérités, non pas la seule mais celle qui me fera passer du statut de simple mortel à celui d’être maitrisant le 7ème sens. Non content d’avoir déjà connu cette sensation, j’ai soudainement l’impression qu’on veut me pousser à me révéler encore plus. Et si c’était ça le secret en définitive ? Cyn est peut-être celle qui est dans mon esprit depuis tant de temps… et en même temps j’ai vraiment des visions qui paraissent si réelles qu’elles ne peuvent être issues de rêves, mais de souvenirs.

- Ce sont des sentiments oubliés tu dis ? Mais s’il n’y pas de sentiment, il n’y a pas d’émotions. Je n’ai pas pu développer quoi que ce soit avec mon imagination, ce serait stupide. Je n’ai aucun souvenir de ma mère telle que tu me l’as montré. Par contre celle qui est dans mon esprit ressemble à ceci… et je peine de ne savoir de qui il s’agit, même si aujourd’hui, bien des éons plus tard elle n’est certainement plus de ce monde

Je me concentre, je regarde les yeux voltigeant et virevoltants, je l’invite à plonger dans mon esprit pour y trouver la trace de celle qui posait son front contre le mien. Est-elle consciente que je suis tel un aveugle qui marche à tâtons, que le loup recherche la trace de celle qui hante ses pensées ? Quel nom puis-je lui donner ? Quel rôle ? Elle n’en a pas à mes yeux… et c’est tout cela qui me hante.

- Je n’ai toujours pas compris pourquoi il fallait, pourquoi il était nécessaire que j’oublie. Sérieusement, tu as dit avoir détruit une part de mes souvenirs car c’était nécessaire… mais tu ne m’as pas donné une raison…

Mon ton change, ma voix se fait plus insistante et j’essaye par tous les moyens de me retenir afin qu’un souffle puissant ne s’échappe de ma bouche…

- Tu savais qu’en m’enlevant cela, je me détacherai de tout ce qui y est lié, à ma mère, à tout ce que je n’ai pas encore vu. Mais tu ne m’as pas parlé de cette nécessité ! Tout juste as-tu prononcé une phrase tel un couperet et pour me dissuader de savoir… Mais quel est ce droit qui me demande d’entendre et d’accepter tel que c’est ?

Si je pouvais me tourner, je l’aurai fait. Si j’avais pu regarder vers le lointain je l’aurai fait. Ne… Ne cherche pas toutes les réponses… Le chemin se forme en posant une pierre à la fois… Et en même temps la frustration de ne pas savoir s’expose et prend sa place dans mon esprit, comme si j’étais un gosse devant une assiette vide attendant d’être servi… La vérité… je ne cherche que la vérité. Comment pourrais-je continuer à boire à cette source si mes premières gorgées ne me rassasient pas comme je le souhaiterai ?

- Et si ma venue était décidée, je me doute bien quel dessein j’étais amené à servir. J’ai des souvenirs très précis de cette période, bien que je n’aie pas gardé trace du troisième gardien…

Soupir. Je sais que le chemin va encore être long… la sensation d’être bercé dans le noir s’estompe peu à peu. Au contraire, privé de mes sens, je perçois à nouveau cette force au fond de moi grandir et il me parait de plus en plus évident de la laisser grandir encore. Parce que la vérité à laquelle j’appartiens lui est profondément liée, parce que lorsque mon 7ème sens prend la forme d’un loup géant… La clé en Or est là, devant moi… mais pour le moment, faisant le vide, ayant ciblé mes interrogations, je n’ai pas encore décidé de la prendre.

- Je ne me contenterai pas d'une réponse énigmatique, ni superficielle, Cyn. Après tout tu m'as oblitéré un pan entier de mon être, toi seule a les réponses... Et... Et puisque tu as commencé à me laisser ouvrir les portes... Tu devrais me laisser entrer pour de bon... A moins que tu n'aies peur qu'un pan des secrets qui concernent ton être ne soient aussi révélés...

Si je pouvais la regarder fixement, si je pouvais lui montrer ma détermination...

De trop nombreuses questions hantent mes perceptions, mes sens, ma volonté. Il faudra sans doute encore beaucoup de temps avant que je ne saches vraiment où regarder sans me noyer dans toutes ces évidences ; et tout ce que j’ai pu encaisser en si peu de temps. Certes, ce rêve me révèle bien des choses, peut-être bien plus que tout ce qu’aucun humain ne pourrait encaisser, mais j’ai également eu mon lot d’épreuves terrestres. Sauver des dieux d’une mort certaine, braver les interdits pour rencontrer une entité au-delà de tout, détruire un dieu et sa monture, ensevelir un être de l’ancien monde, croiser dans d’autres mondes ce qui ne peut être défini pour y ramener Odin… Comment pourrais-je en supporter davantage ? J’avais besoin de clairvoyance, de repos, de paix intérieure…

Autant de mots qui sonnent et résonnent dans ma tête. Tout autour de moi, je ressens déjà le froid mordant d’Asgard. Je ne me souviens plus où, ni quand. Non, Tout ce que je sais c’est que je me suis écroulé dans la neige de retour d’Angleterre… J’aimerai que Cyn comprenne, elle l’a déjà compris… Je suis usé d’avoir combattu, fatigué d’avoir encaissé et fourbu d’avoir vu et reçu tant et tant. Sans doute le sait-elle déjà d’ailleurs.

- Quelque chose nous a unis, Cyn. Soit, je ne chercherai pas à en savoir plus pour le moment, vois-tu, j’ai trop bu tes paroles, trop encaissé ses derniers temps sans me demander pourquoi. Et surtout, je ne veux pas que tu me dises la vérité ; pas aujourd’hui… Donne-moi du temps, laisse-moi encore accomplir de grandes choses et alors, lorsque j’estimerai être digne de ta parole, je reviendrai te demander. Je dois apprendre tout ce que j’ai oublié et j’ai peur que le choc ne m’entraine à commettre des erreurs fatales… Ce serait le comble pour quelqu’un qui a déjà sauvé le monde…

J’avais prononcé cette dernière phrase par dépit mais en ultime geste j’avais adressé un sourire à Cyn, confiant en l’avenir de la retrouver lorsque mon temps serait venu, celui de savoir et de poser les questions les plus pertinentes. Car je ne suis pas homme de peu de foi, je suis Loup.
Lorsque je m’éveille enfin, libéré de l’étreinte de Cyn, tel qu’elle me l’avait évoqué, me revoilà dans la plaine de Gamma… Ah oui, j’arrive d’Angleterre… Vite… il me faut réagir, me remettre en route… !

FB mis en pause ! Reprise bientôt, lorsque d'autres événements Rp auront émaillé le parcours d'Ashram !

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Un délicat sourire se dessine sur les lèvres de celle qui ressemble à une poupée de porcelaine hors du temps, parfois même hors de l'espace. Les humains ont toujours eu cette soif, ce besoin irrépressible de savoir. En tant que Gardienne de l'Intelligence, il serait fort mal à propos qu'elle le leur reproche, la curiosité et l'intelligence allant souvent de pair.
Non... ce qui est le plus difficile avec l'humanité, ce n'est pas cette nécessité de savoir, mais cette impatience qui la caractérise et lui fait parfois commettre bien des erreurs.

« Tu n'as pas compris car nous ne t'avons pas encore expliqué pourquoi. Nous comprenons l'impatience qui enserre ta poitrine, mais chaque chose doit être faite en temps et en heure, tout comme chaque mot à sa place au moment qui lui convient le mieux. »

Sans se départir du délicat sourire qui flotte sur ses lèvres, comme si elle acceptait tout autant qu'elle comprenait les attentes et les exaspérations du Loup, la douce voix de Cyn s'élève à nouveau dans l'espace obscur qui les a recouverts une fois encore.

« Oui... nous le savions. De droits, tu les as tous. Entendre ou non. Accepter ou non. Patienter ou non. Rester ou partir. Nous te le répétons, tu es libre de tes choix. Nous n'imposons rien. »

Les paupières d'albâtre se froissent en un mouvement imperceptible, le corps de Cyn s'étant complètement dématérialisé, tout du moins ayant parfaitement disparu de la vue d'Ashram. Il refuse de saisir la clé d'or.
Soit... savait-elle que plus il avancerait et plus il deviendrait difficile d'aborder le sentier de la vérité suivant. Sans doute devait-elle se réjouir qu'il soit allé aussi loin dès la première fois. Etait-ce d'ailleurs le sentiment principal qui semble enserrer son esprit à cet instant. Semble... car une pointe de déception subsiste malgré tout.

« As-tu déjà tenté de franchir plusieurs portes en un même mouvement, alors qu'elles sont séparées de plusieurs dizaines de mètres, Ashram ? Cela n'est pas possible. Il en va de même pour ce que tu vis aujourd'hui, ici, maintenant. Ces clés ne sont pas là par hasard, tout comme il n'est de hasard qu'il en existe plusieurs. »

Il s'échappe, fuit la réalité dont il ne souhaite plus entendre parler. Son âme persistera encore quelques brèves minutes aux côtés du loup, alors que déjà le blizzard d'Asgard ébouriffe les cheveux sombres du guerrier. Elle écoute sans prononcer le moindre mot. Les phrases sont blessantes. Cela n'est pas grave. Sans doute était-ce trop. Trop. Oui... Nous verrons, se dit-elle. Nous verrons s'il continuera de fuir ou s'il affrontera ce qui doit être affronté.

Fiche par Narja pour Never-Utopia

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