Aarhyel Rôle : S'assurer que les pensées salaces de chacun ne se perdent jamais Messages : 95  |  Sujet: Aarhyel (Amphitrite) Mar 2 Juil 2013 - 23:25 | |
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• NOM ET PRÉNOM ~ Aarhyel
• CAMP ~ Poséidon
• ARMURE ~ °°°°°°
• PERSONNAGE SUR VOTRE AVATAR ~ Katarina de LoL
• CARACTÉRISTIQUE~ Tendre et douce comme la rosée, la colère arrive à la transformer en la plus terrifiante et meurtrière des vagues.
• COMMENT AVEZ-VOUS CONNU LE FORUM ? ~ Irène
• NIVEAU DE RP ~ Je ne sais jamais quoi répondre à cela...
Le frabieux jour…
Bercée par le mouvement des vagues, envoutée par la magnificence du reflet difforme du ciel, l’esprit de cette enveloppe charnelle était engourdi par diverses pensées venues d’ailleurs. Connectée à la mer, la petite tête ensevelie par une rivière de crins rougeoyants pouvait entendre de longs chants, semblables à ceux des baleines, qui résonnaient en elle comme si elle était elle-même submergée.
«Ainsi, nous pourrions a-… Aahryel ?» L’appela une vielle femme, constatent que la susnommée ne l’écoutait plus. « Mademoiselle ? M’écoutez-vous seulement ?» S’amusa la vielle dame en rangeant sa plume.
Interpellée, l’enfant sentit les chants s’éloigner et ce fut bien à regret qu’elle délaissa l’immense fenêtre du bourreau du capitaine pour retourner auprès de sa gouvernante.
« Astride, tu t’occupes de moi depuis ma naissance. Tu m’as nourri, habillée, bordée et soignée lorsque j’étais souffrante… Combien de fois vais-je devoir te répéter de cesser de me vouvoyer» Lui demanda l’enfant, hésitant entre l’amusement et l’exaspération. Combien de fois avaient-elles pu avoir cette discussion ? « Je ne suis ni une reine, ni une princesse et tu es une véritable mère pour moi.»
«Ô, Aarhyel… Vous êtes plus qu’une reine… Tellement plus encore.» Soupira la gouvernante en lui adressant encore et toujours ce regard aimant et plein d’admiration.
«Je sais, je sais…» Grommela l’enfant en croisant les bras. « Arrête de me parler de cette Créature ! Astride, on n’arrête pas de me le répéter. Tous les jours ! Chaque jour de ma vie, on me parle d’elle, mais franchement… SI j’étais bien celle que vous croyez tous, je le saurais. Je veux dire…» S’interrompit la demoiselle en se levant, se dirigeant ensuite vers une immense peinture. « Si j’étais bien cet être, je ne serais pas si... Si… Si moi. Je ne suis qu’une enfant !» S’exclama Aarhyel en dévisageant le portrait d’une déesse qui la suivait partout où on la conduisait.
Silencieuse, la gouvernante se contenta de secouer faiblement la tête. Leur éternel sujet de discussion les amenait toujours à cette conclusion…
« Nous vous avons déjà expliqué pourquoi vous pensiez ainsi…»
« Oui, oui… Mon âme, blablabla. La déesse, blablabla. Une fusion, blablabla… Et il arrive quand votre ‘’elle vécut heureuse et en paix jusqu’à la fin des temps’’ ?» Répondit l’enfant, sans réellement chercher à se montrer impolie, en ayant simplement assez de toujours se faire sortir les mêmes histoires. « Désolée Astride, je…Je ne voulais pas être désagréable» Soupira la jeune demoiselle en posant la pulpe de ses doigts sur le visage ornant la peinture.
«Ne vous en faites pas, mademoiselle, je comprends.» Lui sourit la vieille dame en venant la rejoindre. « Comme vous le dites, je suis à vos côtés depuis votre naissance» Dit-elle ensuite en posant tendrement ses mains bronzées sur les épaules de sa protégée.
Amusée, Aarhyel se tourna vers elle pour lui rendre son sourire : « Alors pourquoi t’obstines-tu à me vou-... OH !» S’interrompit-elle brusquement en se précipitant vers la grande fenêtre. « Ça y est, Astride ! Il recommence ! » S’exclama-t-elle au comble de la joie en rebroussant chemin afin de venir poser un baiser sur la joue ridée de sa nourrice. « Je dois y aller !» Annonça-t-elle gaiement en s’élançant vers le pont. « Capitaine ! Capitaine !!» Appela la jeune fille, la voix chantante, à la seconde où elle avait franchi la porte donnant sur les escaliers menant au pont supérieur.
Les marins la regardèrent courir dans tous les sens, retenant difficilement les bords de sa lourde robe. Pareille à toutes celles qu’on lui faisait porter, sa tenue paraissait bien trop extravagante pour une simple fillette de 10 ans… De son côté, Aarhyel ne les aimait simplement pas parce qu’elles se montraient plus encombrantes qu’autre chose. C’est d’ailleurs après une lutte acharnée avec ses nombreux jupons que la demoiselle retrouva celui qu’elle appelait. L’homme délaissa sa conversation avec le capitaine du navire et alla à la rencontre de leur protégée.
« Oh, capitaine ! Puis-je aller à la vigie ?» S’empressa-t-elle de demander avant même qu’il n’ait le temps de s’arrêter à ses côtés ?
« Mais, mademoiselle, v-»
«Capitaine, s’il vous plait.» Le pria-t-elle en lui offrant le sourire qu’elle savait si bien faire pour obtenir ce qu’elle voulait. Comme toujours, comme à chacun des appels de l’océan, Aarhyel accourait vers lui pour l’implorer de la laisser grimper au sommet du grand mat. « Il m’appelle, s’il vous plait, oh s’il vous plait, je veux le voir. » Et comme à chaque fois, l’homme cédait à ses requêtes.
Le capitaine n’eut même pas à ouvrir la bouche, déjà leur protégée à tous détalait comme un lapin maladroit- sa tenue oblige- vers les cordages lui permettant de gravir jusqu’au point d’observation le plus haut perché. Déterminée, la petite ne demanda aucune aide pour grimper, endurant sans broncher les frottements de la corde rêche sur ses paumes. Il lui fallut un certain temps pour atteindre le sommet du mât, mais la vue, même celle entrevue au travers des cordages, en valait tellement la peine.
Une fois en sécurité dans cet endroit exigüe, Aarhyel plus pleinement oublier les douleurs de ses mains, complètement absorbée par la beauté de ce qui l’entourait. Bleue et indomptable, l’eau s’étendait à perte de vue. L’océan était si vaste que la ligne d’horizon se discernait à peine. Le ciel et les eaux calmes se confondaient sous ses yeux et jamais Aarhyel ne s’était sentie aussi bien. Soudain, alors que son regard caressait pour la énième fois le voile mystérieux qu’était la surface de l’océan, la jeune femme discerna une forme.
Une gigantesque ombre sinueuse semblait se diriger vers elle, vers eux, vers le bateau… L’espace d’une seconde, elle crut voir une large masse émerger de l’eau pour aussitôt replonger. Cette chose était énorme… Bien trop énorme pour ne pas représenter une menace pour le navire. Alors qu’elle s’apprêtait à redescendre pour alerter le Capitaine, la jeune fille perçue, ou du moins crue percevoir, un murmure. Jetant un regard derrière elle, en direction du large, elle l’entendit de nouveau. Comme si plus la masse approchait, plus la voix devenait claire. Un puissant frisson la fit trembler lorsqu’elle comprit ce que cette voix lui murmurait…
Amphitrite…
Non, ce n’était pas possible… Bientôt, le murmure devint un appel impossible d’ignorer. La créature était bien trop proche… Aarhyel sortit précipitamment de la vigie et entreprit de redescendre. « CAPITAINE !!!» Entendit-elle crier au niveau du pont. Un autre marin devait avoir vu la masse en approche… Grimaçant sous les écorchures que lui causait l’état du cordage, la jeune fille faisait de son mieux pour demeurer concentrer malgré la voix qui lançait ces appels incessants dans son esprit.
Elle n’était qu’au trois quarts de la distance séparant le pont et la vigie lorsqu’elle comprit que la créature était à portée de canon, car un cri assourdissant lui vrilla les tympans- bien que personne d’autre à bord n’eut l’air d’avoir entendu. Jamais le nom de cette déesse ne lui avait si violemment été présenté. Un impact eut alors lieu, faisant tanguer le bateau et faisant lâcher prise à la demoiselle. Aarhyel atterrit dans les bras du capitaine qui s’empressa de s’éloigner et fuir de l’autre côté du navire. S’éloignant le plus possible de la position connut de leur assaillant.
« Restez ici, mademoiselle !» Lui ordonna-t-il en la reposant, mais à peine l’eut-il lâchée que sa protégée lui retint le bras. « Non ! Ne me laissez pas !!» lui demanda-t-elle alors que le second de l’homme s’amenait en courant.
« Ne vous en faites pas, je reviens. Restez avec monsieur Pleyel, il veillera sur vous. Vous M’entendez ? Restez avec lui.» Répéta-t-il en jetant un regard à son second avant de lui laisser la jeune femme.
Sans prévenir, Aarhyel fut de nouveau assailli par un appel tonitruant, la forçant à se couvrir les oreilles. Le ton de la voix paraissait suppliante, désespérée…Mais la douleur physique que lui causait cette intrusion dans son esprit lui était insupportable.
La dernière chose que l’enfant put voir avant d’être emportée par l’inconscience, fut un immense manteau d’écailles venir l’enserrer.
Enfant à la mer!
« Navire en vue! » S’écria l’homme perché au sommet du mât de la grande voile.
Instantanément, l’attention de tous les hommes à bord se porta vers l’avant du bateau, au-delà de l’imposante sculpture en bois qui ornait la proue. La cible n’était pas encore assez près pour que les hommes sur le pont puissent la distinguer. Cependant, grâce à leurs nombreuses années d’expérience, tous arrivaient à sentir sa présence. Seul un marin aguerri pouvait, d’un seul regard vers l’horizon, débusquer la moindre embarcation. Du plus maigrichon matelot responsable de laver le pont jusqu’au plus valeureux combattant de l’équipage, chacun pouvait pressentir l’excitation des heures à venir. Soudain, la porte des quartiers du capitaine s’ouvrit sur un homme à la carrure imposante. De longs cheveux noueux bruns et une barbe épaisse soulignaient le regard d’acier de l’homme. À ses côtés se tenait une femme à la peau aussi basanée que lui. Plus délicate, mais tout aussi grande, elle dégageait la même prestance et imposait tout autant le respect de celui qu’elle accompagnait. Leurs regards durs percèrent l’horizon et d’étranges sourires naquirent sur leurs visages.
« Toutes voiles dehors! Allons, messieurs, ne laissons pas passer une aussi belle occasion! » S’écria l’homme d’une voix grave et enjouée en s’élançant vers la barre, toujours suivi par cette femme. L’équipage ne se fit pas prier pour obéir, ils savaient tous que leur capitaine ne les mènerait jamais vers autre chose qu’une victoire. Tout le monde s’activait: hisser les voiles, sortir les armes, armer les canons, monter les barils, attacher la cargaison… Il y avait assez à faire pour occuper tout le monde et il ne faisait nul doute que toutes ces tâches faisaient parties de leur quotidien, car leur cible n’était pas encore visible à l’œil nu que tous étaient déjà prêt. Prêt pour passer à l’abordage.
« Tenez-vous prêts messieurs, nous y sommes presque! »
Le capitaine jeta un regard à la femme à ses côtés et sans qu’il n’ait besoin d’en faire plus, celle-ci se précipita sur le pont afin de donner ses premières instructions aux hommes dont elle était responsable. S’ils attendaient trop longtemps pour charger les canons, leurs victimes auraient le temps d’en faire autant et de parer leur attaque… Ils approchaient… Ils continuaient de prendre de la vitesse pour prendre leur cible de court. Leur navire était craint par bon nombre de marins et avec raison : Le Serpent de brume était l’un des navires les plus rapides et des plus lourdement armés. Tout le monde était prêt, mais…
« Elroid! » Appela la seule femme à bord en se retournant vers la barre.
« Je sais, je le sens aussi… » Lui répondit le maître du Serpent de brume en fronçant les sourcils.
La poudre, l’huile usée, le bois qui brûle et la fumée… L’odeur qu’avait la bataille en territoire marin. Toutes ces odeurs… Elles ne devraient pas être déjà présentes.
« Capitaine! Capitaine!! » La voix du vigile résonna longtemps, mais tout le monde gardait les yeux rivés sur la silhouette qu’ils commençaient à percevoir. « Quelqu’un nous a devancés, capitaine! » Déclara alors le vigile, bien que plusieurs l’aient déjà compris. Devant l’évidence, tous rangèrent leurs armes et s’approchèrent des bords afin d’avoir une vue sur le spectacle. Le navire se mit à ralentir, on rangeait les voiles. Bientôt tous purent contempler les restent de la cible pour laquelle ils s’étaient hâtés.
D’immenses trous perforaient la coque du bateau qui se remplissait à vue d’œil, les mâts étaient irrécupérables et partout autour du reste de la carcasse flottaient des débris en tous genres. De grosses caisses dont les assaillants avaient jugé le contenu inutile, des moitiés de barils ainsi que des planches et cordages de toutes tailles dérivaient ici et là. Un silence de mort accompagnait l’observation de ce spectacle désolant.
« On remballe! » Déclara alors le capitaine, visiblement déçu de s’être fait prendre une prise aussi facile.
Au vu des dégâts, cette carcasse devait probablement n’être qu’un simple navire de plaisance. Une prise facile qui, bien qu’elle ne rapporte rien ayant une réelle valeur, offrait bien souvent de quoi se ravitailler sans trop d’efforts. C’est pourquoi chacun des membres de l’équipage s’affairait en dégageant la même déception que celle habitant leur meneur. Le navire s’apprêtait à amorcer la manœuvre de demi-tour lorsque :
« Homme à la mer!!!! »
L’un des hommes venait d’apercevoir un corps inconscient qui dérivait sur ce qui devait être un vestige de l’un des mâts. Certains matelots se précipitèrent pour jeter un œil, imitant la seule femme abord, mais le capitaine ne sembla aucunement intéressé. Bien qu’il existe certains « codes d’honneur » au sien de la communauté maritime, l’équipage du Serpent de brume et surtout celui à sa tête ne se sentaient absolument pas concernés. Ils avaient leur propre code et dans le leur, il n’y a aucune obligation de porter secours à un étranger.
« Mais… C’est une enfant! UNE ENFANT!!! Elroid! »
Ce cri poussa le capitaine à gagner l’avant du bateau afin de rejoindre les autres. Le nez retroussé, comme si la situation à laquelle il était confronté lui donnait la nausée, l’homme responsable du navire daigna jeter un œil par-dessus bord. D’un signe de tête, il envoya trois de ses matelots repêcher le corps. Il savait que cette histoire n’augurait rien de bon, il lui suffisait de regarder sa sœur pour ça. La femme ne quittait pas le corps des yeux. Elle avait su se tailler une réputation aussi ignoble que la sienne au fil des années passées à sillonner les mers avec lui, mais à l’instant, jamais quelqu’un n’aurait pu croire qu’elle était La jumelle Akbrar. Non, personne ne pourrait deviner que sous cette inquiétude écœurante, que sous ces traits anxieux, se cachait celle qui n’éprouvait aucun remords à pourfendre et éviscérer tous ceux croisant sa route.
Les bras croisés, Elroid Akbrar, capitaine du Serpent de brume, attendait que l’on fasse remonter ses matelots abord. Lorsqu’ils posèrent le corps inconscient à ses pieds, il comprit qu’ils auraient dû repartir à la seconde où les premiers débris s’étaient fait voir. De longs cheveux de flammes… Une peau de pêche… Il vit sa sœur accourir et dû faire preuve d’une vitesse incroyable pour lui saisir le bras et la retenir.
« Lâche-moi Elroid….Tout de suite. » Le somma sa jumelle en le toisant. Son regard d’acier était tout aussi froid que le sien et il savait ce que cela voulait dire, après tout leur entêtement était un trait de famille.
« Evelyne, ce n’est pas Elle… » Soupira le capitaine en jetant une œillade au corps gisant à leurs pieds.
« Je le sais, mais… » Commença la femme en reprenant possession de son bras avant de s’agenouiller. « Elle aurait à peu près son âge aujourd’hui et…Elle lui ressemble… On ne peut pas la laisser là Elroid. Je refuse. »
« Très bien… Garde-la! Mais trouve-lui une utilité, je ne prends pas de passager de plaisance. » Trancha le capitaine en faisant demi-tour. Aussitôt, sa jumelle ordonna que l’on conduise la petite dans ses appartements.
Un bien curieux prénom.
Evelyne Akbrar contemplait cette jeune fille qui ne devait pas avoir plus de dix ans. Ses interminables cheveux roux donnaient l’étrange impression d’être le reflet des flammes de l’enfer : un rouge si vaste et profond qu’il semble constamment changer de couleur. Son petit corps n’était plus couvert que par de minces pièces de tissus blancs. À la seconde où elle s’était retrouvée seule avec la petite, la sœur du capitaine s’était empressée de lui retirer ses vêtements trempés pour éviter qu’elle ne tombe malade. Seulement, une fois arrivée à l’étape des sous-vêtements son regard s’était accroché au bracelet qui ornait le poignet droit de la petite. Il s’agissait d’une tige d’or qui s’enroulait autour du poignet dont l’une des extrémités descendait de façon sinueuse vers ses doigts tandis que l’autre remontait vers le bras de la même façon. Lorsqu’elle le lui retira, elle remarqua non seulement une très légère démarcation de teint sur la peau de la rescapée, prouvant que la petite ne devait pratiquement jamais retirer ce bracelet, mais aussi les entailles à l’intérieur. Ça ne ressemblait pas aux éraflures qui apparaissent lorsque l’on abime un bijou, ces entailles semblaient avoir été faites délibérément, comme si elles signifiaient quelque chose de précis. Bien que sa curiosité ait été éveillée, la jumelle Akbrar le posa néanmoins sur le meuble près du lit et fini de dévêtir la petite. Elle la sécha des pieds à la tête avant de lui enfiler l’une de ses chemises de nuit pour ensuite la glisser sous les draps.
Encore une fois, alors qu’elle s’afférait à sécher l’imposante chevelure de l’enfant, la jumelle se perdit dans une contemplation qui lui fit oublier la notion du temps. Ses longs doigts qui furent si souvent couvert de sang caressaient à présent la peau de la rescapée, le tout avec une infinie tendresse. ….
Ce ne fut que le lendemain au soir que la petite ouvrit enfin les yeux. Et quels yeux! Evelyne en demeura bouche bée. Bien qu’il fasse terriblement sombre dans ses quartiers, les yeux qui la fixaient étaient lumineux. Deux immenses perles d’un bleu phosphorescent s’accrochaient à son regard d’acier.
Evelyne s’attendait à être bombardée de questions. « Où suis-je? », « Que s’est-il passé? », « Où sont mes parents? », mais rien ne vint. La petite demeurait silencieuse. Tant et si bien que ce fut la jumelle Akbrar qui brisa le silence.
« Est-ce que tu te souviens de ce qui s’est passé? » Demanda la femme en venant s’asseoir près d’elle sur le lit. L’enfant se contenta de secouer la tête, mais son regard glissa sur ses bras et malgré la noirceur de la pièce, elle perçut une discontinuité sur son poignet. Elle fronça les sourcils en approchant son poignet de son visage, mais ne dit toujours rien. Encore une fois, ce fut l’adulte qui s’adressa à elle.
« Tiens », commença-t-elle en attrapant le bracelet qu’elle lui avait retiré pour le lui rendre. « Tu portais ceci. »
La petite prit possession du bijou et l’examina un moment. Son regard fut également attiré par les entailles se trouvant sur la face intérieure de bracelet, mais contrairement à Evelyne, elle savait exactement de quoi il s’agissait. C’était un mot…
« Les marques à l’intérieur… De quoi s’agit-il? » fut-elle questionnée.
« C’est un prénom… Aarhyel » Répondit simplement la rescapée en laissant ses doigts courir sur les gravures.
La sœur du capitaine regarda l’enfant un moment. Ce bracelet étant le sien, il devait s’agir de son prénom, aussi étrange qu’il puisse être… Évidemment, Evelyne se garda de tout commentaire…
La vie en mer.
Cela faisait maintenant quelques jours qu’Aarhyel avait été repêchée. Dès le premier entretien entre le capitaine, sa sœur et la petite, il était apparu évident que celle-ci n’avait plus le moindre souvenir de ce qu’avait été son existence avant d’être amenée à bord du Serpent de Brume. D’ailleurs, si ça n’avait été du bracelet qu’elle portait, elle n’aurait même pas su quel était son prénom. Ainsi, tout ce qui lui restait de son passé était ce bijou et son étrange langage. À vrai dire, Aarhyel ne parlait pratiquement jamais, mais dans son sommeil, il lui arrivait très souvent de lâcher des mots que personne ne comprenait. Ainsi, si Evelyne l’aimait beaucoup et s’occupait d’elle comme de sa propre fille, le reste de l’équipage gardait ses distances. Le capitaine quant à lui se méfiait, il trouvait étrange qu’une aussi jeune fille parle si peu et n’exprime aucune émotion, comme si elle en était incapable…Mais un jour…
« Un! » Conta un homme avant d’abaisser farouchement le bras, faisant siffler et ensuite claquer l’interminable fouet qu’il tenait. L’instrument de châtiment vint lacérer le dos nu d’un homme ligoté au mât de la grande voile. Le grognement de douleur que ce dernier poussa ne sembla incommoder aucun des spectateurs. En effet, ce châtiment était public. Les matelots formaient un grand cercle sur le pont inférieur autour du bourreau et de la victime tandis que le capitaine et sa sœur assistaient à cette punition depuis le pont supérieur.
« Deux! » Un nouveau coup de fouet, une seconde marque et un second gémissement de douleur. Parmi tous les hommes, une petite tête couleur de sang ne pouvait qu’entrevoir ce qui se passait entre les coudes des marins.
« Trois! » Encore une fois : Le fouet qui siffle et qui claque, une lacération qui vient chevaucher les autres et finalement le cri. Oui, cette fois l’homme n’avait pas su se retenir. À gorge déployée, il venait de partager la douleur qui l’habitait. Si n’importe qui pouvait se retrouver à l’extrémité de ce fouet, celui que l’on avait choisi comme bourreau était reconnu pour arracher des lambeaux de peau à chacune de ses victimes.
« Qua-»
« Arrêtez!!! » Ordonna une voix que l’on entendait que rarement. Le bourreau vit passer un éventail de cheveux enflammés avant de perdre pied. Le fouet venait de lui être arraché avec une telle fougue… « Pourquoi faites-vous cela!? » S’écria la voix accusatrice de la jeune demoiselle.
Aarhyel tourna lentement sur elle-même, défiant quiconque du regard, jusqu’à ce qu’elle fasse face au capitaine et à sa sœur. Elle jeta violemment le fouet à ses pieds et braqua son regard phosphorescent dans les prunelles d’acier du seul maître à bord. C’était la première fois qu’Aarhyel faisait réellement acte de présence. En deux semaines, elle n’avait adressé la parole à personne en dehors de la sœur du capitaine et de ce dernier- et encore, seulement lorsqu’il s’adressait directement à elle. Elroid Akbrar soutint le regard de la nouvelle passagère puis se pencha vers sa sœur et lui murmura quelque chose. Aussitôt, celle si fit signe à Aarhyel de la rejoindre et toutes deux prirent la direction des quartiers de la sœur du capitaine. À peine la porte fut-elle refermée derrière elles que le châtiment reprit…
« Aarhyel… »
« Mais qu’est-ce qui vous prend!? Pourquoi fouettez-vous cet homme? » S’exclama la jeune demoiselle tandis que l’adulte prenait calmement place à son bureau.
« On le punit, c’est tout. Il a désobéi, alors on le punit. Il sait qu’il mérite chacun des coups qu’il recevra. »
« Il mérite?! » S’emporta la petite en répétant les mots utilisés par son ainée. « Comment peut-on mériter une violence pareil?! »
« Calme-toi Aarhyel… Tu sais, la vie en mer… C’est comme ça. Nous avons des règles et quand on les enfreint, nous sommes punis. »Lui expliqua Evelyne en essayant de trouver le meilleur moyen d’expliquer à une enfant la dureté de la vie sur un bateau tel que le leur.
Le serpent de brume n’était ni un navire de plaisance, ni un navire marchand. Elle ne savait pas comment définir exactement ce qu’il était. Certains parlent de brigand, d’autres pilleurs et d’autres encore de « pirates ». C’était peut-être vrai… Ils avaient tous raison. Mais l’équipage préférait se qualifier de « nomade des mers ». Bien que c’était très loin de ce qu’ils avaient dit à Aarhyel. En fait, aucun mensonge ne lui avait été raconté puisqu’il était inutile de lui cacher la vérité. Comment réagirait-elle lors de la prochaine attaque? Elle savait très bien à quoi s’attendre pour ce qui était des relations entre le Serpent de brume et les autres navires, c’était plutôt au niveau de la vie au sien du Serpent que ça posait problème.
« Alors si je fais une bêtise, vous me fouetterez? » Questionna l’enfant devant l’explication fournie.
« Ça dépend de la bêtise que tu feras. »
Cette réponse eut l’effet d’un violent coup au visage. Profitant de son silence, Evelyne se mit à lui expliquer en quoi consistait la vie à bord du Serpent de brume. Des responsabilités de chacun des membres de l’équipage jusqu’aux droits et privilèges de chacun en passant par le code d’honneur régissant chacune de leur action. Était-ce parce qu’elle était jeune qu’elle trouvait toute cette violence complètement injustifiée et ses justifications complètement ridicules? Comment pouvait-on accepter de vivre en mer en ayant connaissance de tout cela?
Le temps passait et la place d’Aarhyel au sien du navire n’était toujours pas « justifiée ». Le capitaine avait prévenu sa sœur, il ne prenait aucun passager de plaisance sur son navire. Chacun avait ses responsabilités qu’il assumait pleinement afin de mériter leur couche et leur potence. Un homme qui ne sert à rien, ou en l’occurrence une femme, n’est pas un homme pour lequel on prend des risques. Alors, si le problème « Aarhyel » ne se réglait pas au plus vite, elle ne serait très certainement plus à bord après la prochaine attaque. Evelyne avait bien dit à son frère que c’était plus facile à dire qu’à faire, personne ne voulait d’elle dans son groupe. Qui s’encombrerait d’une fillette? Aucun homme à bord de ce bateau n’accepterait… Heureusement, un soir, Aarhyel fournit d’elle-même la solution…
Alors que tous les hommes finissaient de manger en buvant des litres d’alcool entre chaque bouchée, Evelyne préféra retourner à ses appartements et lire en compagnie de l’autre représentante du sexe féminin à bord. Lorsqu’elle ouvrit la porte cependant, elle demeura figée sur le seuil.
♫« Entrez, venez… Prenez-place, écoutez… L’océan murmure, il chante l’histoire….Que lui confient les vagues le soir! Ohooo Ohooo»♫
Assise dans son hamac, près du hublot, la jeune fille laissait son bras se balancer dans le vite au rythme des vagues. Les yeux à demi clos, elle chantait les mots qui défilaient dans son esprit. Ce n’était pas la première fois que ça lui arrivait, mais c’était la première fois où quelqu’un en était témoin.
♫« Entrez, venez… Prenez-place, écoutez…. Faites preuve de patience… Vous aussi, bientôt, serez dans la confidence… Ohooo Ohooo…. Prenez-gardes aux pièges et colères…De Posséidon le Dieu des mers… »♫
Lentement, la sœur du seul maître à bord pénétra dans ses quartiers et referma derrière elle. Elle ne faisait aucun bruit, car elle ne voulait pas qu’Aarhyel s’arrête. Sa voix était tout simplement merveilleuse. Lorsqu’elle parlait, la jeune demoiselle avait une voix douce et posée et même lorsqu’elle s’emportait elle ne montait jamais d’une seule octave, tout le contraire de ce qui se passait présentement. Lorsqu’elle chantait, Aarhyel avait la voix bien plus claire, comme si c’était celle de quelqu’un d’autre…
« Aarhyel » L’appela finalement la sœur du capitaine, faisant connaitre sa présence. « Je sais quel rôle tu auras à bord du Serpent. »
Ce fut la dernière nuit qu’Aarhyel passa à l’écart, loin des autres membres de l’équipage. La dernière où elle seule profitait de ses chansons…
Croisons le fer et versons du sang?
Par une journée particulièrement chaude, où les hommes avaient eu la permission de se reposer, Aarhyel flânait sur le pont inférieur, les yeux rivés sur le ciel bleu si brillant qu’il en donnait la migraine. Elle pouvait très clairement entendre les conversations des hommes vautrés ici et là, entrecoupées de respirations lentes et difficiles. Certains matelots ne semblaient pas tenir la chaleur aussi bien que les autres et les odeurs se faisaient de plus en plus incommodantes.
Perdue dans la contemplation du grand mat et de ses voiles attachées avec le plus grand soin, Aarhyel ne perçut qu’à la dernière seconde l’imposante masse de muscles qui apparut devant elle. Freinant ses mouvements du mieux qu’elle put, elle évita à son visage de percuter le torse luisant de sueur de l’obstacle. «Je crois qu’il est temps que l’on t’apprenne à te défendre, petite.» Déclara la voix rauque de l’un des combattants les plus aguerris du navire en lui attrapant le coude.
«Je ne veux pas me battre… La violence ne m-…»
«Arrête de faire l’enfant, on ne peut pas toujours te tenir par la main pour te protéger.» L’interrompit l’homme en la trainant jusqu’à l’avant du pont. « Flynn!» Beugla-t-il.« Passe-lui ton arme!» Ordonna-t-il ensuite en déguainant la sienne.
Lorsque les perles bleutées de la jeune femme glissèrent le long de la lame que tenait son vis-à-vis, une douleur naquit au niveau de sa gorge. Allait-elle vraiment devoir l’affronter? Se mettre à la merci de cette arme ayant déjà volée plus de vie qu’elle ne pourrait jamais en compter? «Mais qu’est-ce que tu attends, fillette? Prends ton arme!» L’invita son futur adversaire, la faisant sursauter avant de s’emparer promptement l’épée qu’on lui tendait. On venait de lui répondre… oui, elle allait devoir croiser le fer avec la plus fine lame du navire, après le capitaine…
«Aller, attaque-moi! » Lança son adversaire en présentant son arme.
« Jordan….Je ne crois pas que le cap-»
«Ne te mêle pas de ça le nabot! Si on ne lui montre pas à se défendre, elle mourra de toute façon, alors… Mais allez!» S’énerva ledit Jordan devant le manque de mouvement de la jeune femme.
Perdant patience, il fit un pas vers elle et entame une attaque évidente. Surprise, Aahryel se contenta de l’éviter pour ensuite prendre la fuite, répétant qu’elle ne le voulait pas. Jordan s’élança à sa suite, forçant les autres à demeurer à l’écart. «Ne tourne jamais le dos à ton adversaire!» S’écria-t-il en brandissant son arme vers elle, cherchant à l’atteindre pour lui donner une leçon. Mais la jeune fille l’évita à la dernière seconde en s’abaissant brusquement, poussant un cri de surprise.
«Mais tu es fou!?» S’exclama-t-elle en se redressant pour lui faire face. C’est alors qu’elle vit que l’homme ne comptait pas s’arrêter là, son arme s’approchait de nouveau dangereusement d’elle. N’ayant pas le temps d’éviter l’attaque, Aarhyel brandit maladroitement son arme et vint barrer la route de la lame de son adversaire. Un bruit de métal malmené lui fit grincer des dents et ses bras se mirent à trembler sous la force exagérément déployée contre elle. Elle ne tiendrait jamais plus longtemps…
«Ne te laisse pas avoir par la panique, réfléchit petite idiote!» Lui conseilla si gentiment son professeur en appuyant davantage sur sa lame.
Gémissant d’effort, la jeune femme poussa de toutes ses forces en levant les bras, ayant empoigné le manche de son arme avec les deux mains, puis pivota rapidement pour se dégager de l’impasse. La lame de Jordan alla fendre le bois où se tenaient jadis les pieds de la plus jeune membre de l’équipage. Un bref sourire et la plus fine lame à bord se lança de nouveau à la poursuite de son élève.
«Écarte les pieds, tu seras plus stable pour combattre.» Lui conseilla-t-il vaguement lorsqu’il l’eut rattrapée et qu’il se retrouvait de nouveau face à elle. À chaque pas qu’il faisait, la jeune femme en faisait un pour le tenir à distance, elle était plus que douée à ce jeu… S’impatientant, l’homme la chargea de front et enchaîna les coups d’épée, s’amusant à chaque fois que la lame de la demoiselle rencontrait la sienne pour la parée.
Bientôt, ils se retrouvèrent de nouveau en situation de lutte ou seule la force était en jeu. Lame contre lame, opposant la force de leurs bras, les deux protagonistes se dévisageaient. Tremblant sous l’effort, Aarhyel savait qu’elle ne pourrait pas réussir à le déjouer une seconde fois… Elle était perdue si Jordan ne perdait pas patience…
Comme si le ciel l’avait entendue, l’homme grogna et fit glisser son arme le long de la sienne et Aarhyel en profit pour se dérober de sa portée, profitant de la rapidité que lui conférait sa petite taille. Les bras endoloris, elle ne parvint pas à relever son arme suffisamment vite lorsque son adversaire revint à l’attaque. Sous les regards surpris et impliqués de tous, Aahryel se tenait contre le mat, une main sur le visage, légèrement repliée sur elle-même et regardait d’épaisses gouttes de sang éclatées contre le bois du pont.
Mon sang…
Encore prisonnière de son affrontement, Aahryel s’empressa de se redresser, tentant de ne pas laisser son œil gauche ouvert, espérant que le sang de s’y glisserait pas… Brandissant de nouveau son arme, la jeune femme crut lire de l’hésitation dans le regard de son si charmant professeur, mais ce fut de courte durée. Assourdi par les battements de son cœur, se déchaînant entre ses tempes et sur son visage, elle sentit quelque chose vibrer en elle. Comme si toute la crainte que lui inspirait le fait d’avoir une arme entre les mains venait de s’envoler. N’osant toujours pas attaquée, Aarhyel fut néanmoins plus prête que jamais lorsque Jordan revint à l’attaque. Son corps ne l’écoutait plus, préférant agir de son propre geste, comme s’il savait plus qu’elle comment réagir. De son seul œil encore ouvert, la jeune femme fit maintes et maintes fois la pointe de l’épée ennemie passer devant elle. Une étrange sensation de picotements parcourut son échine lorsqu’elle vit son adversaire prolonger son attaque trop longtemps et d’un geste vif, la demoiselle pivota sur elle-même et envoya la base de son manche heurter violemment la tempe de son assaillant.
«Lâche ton arme!» S’empressa-t-elle d’exiger en voyant le corps de Jordan s’affaler sur le pont et sa tête rebondir sur le bois. «Lâche là!» Répéta-t-elle avec plus de conviction en s’approchant du bras qui s’accrochait encore à l’épée. «Ne m’oblige pas à faire ça….» Lui demanda-t-elle ensuite.
L’homme grogna en cherchant à reprendre ses esprits et lorsqu’il rouvrit les yeux, sa poigne se raffermit. Fronçant les sourcils d’énervement, la jeune femme leva son épée et à une vitesse dont on ne l’aurait jamais soupçonnée, l’abaissa avec force sous les hoquets étrangler des spectateurs.
Les yeux exorbités de la plus fine lame du navire dévisagèrent le visage de la jeune femme, son regard aussi profond que la mer ne l’avait pas quitté une seule seconde malgré son mouvement. L’esprit confondu de l’homme lui fit tourner la tête et ses yeux ne purent que s’agrandir davantage. Là, tout près de sa main, la lame de son élève pourfendait le bois. «Merci…» L’entendit-il murmurer en voyant son petit pied frapper violemment l’arme qu’il avait lâchée sous l’effet de la peur. Celle-ci glissa bien trop loin de lui…
Délogeant son arme des lattes du pont, Aarhyel se traina les pieds jusqu’à son véritable propriétaire et la lui rendit, impatiente d’enlever tout le sang qui continuait de lui couler sur le visage.
Tout va bien…
Cela devait faire près de cinq ans qu’Aarhyel vivait à bord du Serpent de brume. Elle connaissait chacune de ses règles, le nom de chacun de ses habitants, chacun de ses recoins et chacune des armes s’y trouvant. Elle avait fini par apprendre à supporter chacun des aspects de la vie en mer, enfin, presque. Elle avait toujours un ressentiment infini vis-à-vis des châtiments corporels, elle n’arrivait d’ailleurs toujours pas à y assister. À chaque fois, elle se réfugiait au fond de la cale et plaquait ses mains sur ses oreilles en chantant. Parfois, cela marchait… D’autres fois… Elle en faisait d’horribles cauchemars. Aarhyel avait assisté à d’innombrables attaques visant d’autres navires, mais à chaque fois elle était demeurée à bord du Serpent. On lui avait bien enseigné comment se servir d’une arme, la demoiselle s’était d’ailleurs montrée étonnamment douée dans le maniement des armes blanches, mais elle se refusait toujours d’attaquer et de prendre la vie d’un homme. L’équipage avait beau la contraindre de s’entrainer avec eux, elle refusait toujours de prendre part aux assauts perpétrés contre les navires croisés en mer. Répétant sans cesse qu’ils lui avaient appris à se défendre et que c’était amplement suffisant. On ne la comprenait pas, mais ils avaient fini par concevoir que la demoiselle ne supportait simplement pas la violence. C’était sans doute pour ça, se disait-elle, que même si les autres avaient fini par l’accepter en tant que membre part entière de l’équipage, elle ne se sentait pas à sa place. Quand Aarhyel les regardait, elle se sentait différente. Tellement différente…
La façon dont ils mangeaient, dormaient, riaient… La façon dont ils se mettaient en colère, dont ils se battaient. Elle n’arrivait pas à trouver de ressemblances. Où était-ce simplement son apparence qui lui rappelait constamment qu’elle était différente? Tout le monde possédait une carrure imposante ainsi qu’une peau hâlée, alors qu’elle… Aarhyel avait tout conservé de sa jeunesse, mis à part quelques centimètres en plus et l’apparition de sa poitrine, elle ressemblait toujours à l’étrangère qu’ils avaient recueillie. Elle semblait intemporelle...
Alors qu’elle arpentait le pont inférieur pour la millième fois de la journée, Aarhyel entendit l’une des phrases qu’elle détestait le plus au monde…
« Navire en vue!!!! »
Il n’en fallut pas plus pour que le pont sans vie se remplisse en une fraction de seconde. Tout le monde se bousculait sur le pont pour attendre que le capitaine les rejoigne. Aarhyel se dit alors qu’avec un peu de chance, le capitaine déciderait de ne pas passer à l’attaque cette fois pour une raison quelconque, mais la demoiselle était réaliste… Ce fut donc sans trop de surprise et avec beaucoup d’exaspération qu’elle entendit une autre phrase qu’elle détestait plus que tout….
« Toutes voiles dehors! » S’écria la voix du capitaine, excessivement de bonne humeur…
La jeune femme ne perdit pas une seconde pour se diriger vers la cale. Ce ne fut pas chose facile, car tout l’équipage s’affairait en courant d’une proue à l’autre pour que le navire soit prêt au combat. C’était comme être dans la peau d’un saumon qui remonte le courant. Sauf que là, le courant à d’immenses pieds et des coudes aussi doux que de la rocaille. Ce ne fut pas chose facile, mais Aarhyel parvint à se mettre à l’abri avant le début des hostilités.
L’attente fut insoutenable. Assise entre d’énormes caisses de vivres solidement attachées, la demoiselle put entendre le premier coup de canon. C’était commencé… Les mains plaquées sur les oreilles, Aarhyel attendrait que le navire entame la manœuvre de demi-tour pour remonter, comme à chaque fois… De par la durée de l’attaque, la jeune demoiselle comprit qu’il ne s’agissait pas de simple marchand le combat avait duré bien trop longtemps pour ça… Et en voyant que la manœuvre de demi-tour mettait du temps à arriver, elle comprit que la prise du jour avait été très bonne puisque le chargement prenait une éternité…
Lorsqu’elle fut de retour sur le pont, elle fit le décompte. Cette attaque avait coûté deux hommes à l’équipage du Serpent de brume. Deux… L’autre navire devait avoir eu en son bord de très bons combattants. Elle vit défiler les gros bras de l’équipage qui descendaient le plus gros des nouvelles acquisitions à la cale, plus tard, ce serait à elle de descendre le reste. Elle avait trouvé cet arrangement avec le capitaine, elle ne prendrait pas les armes sur d’autres navires, mais s’occuperait de l’entreposage du butin et de son entretien. Elle aurait donc beaucoup de travail aujourd’hui…
Rapidement, pratiquement toutes les caisses avaient été fouillées, leur contenu trié et réorganisé. Si ça n’avait été qu’une question d’une heure pour l’ensemble des caisses s’était bien plus compliqué pour les coffres, car contrairement aux immenses boites, leur contenu était beaucoup plus diversifié. Ainsi, elle pouvait mettre plus d’une heure pour un seul coffre. Ce ne fut qu’en s’attaquant au quatrième qu’elle se mit à fredonner, étant trop concentré sur les trois premiers pour, ne serait-ce que penser à le faire. Au début, tout allait bien. Puis un bruit étouffé titilla son oreille, quelque chose s’agitait dans un immense coffre… Curieuse, Aarhyel s’en approcha et l’ouvrit. La jeune femme eu juste le temps de plaquer ses mains contre ses lèvres dans l’espoir de retenir son cri. L’impensable s’était produit…
Là, devant elle, recroquevillée dans un coin de l’imposant coffre, tremblait de tous ses membres… Une femme. Une femme maigre, à la peau noire et aux longs cheveux tressés. À peine plus âgée qu’elle… Un étrange sentiment s’empara aussitôt de la demoiselle, une chaleur intense enflamma sa poitrine. L’inconnue semblait terrorisée et la jeune femme ne put s’empêcher de tendre la main vers elle et lui caresser les cheveux. L’inconnu sursauta et demanda qu’on ait pitié d’elle…
«Shhht, je ne te ferai pas de mal…Tout ira bien…» Voulu la rassurer Aarhyel en passant doucement sa main dans le dos de l’inconnu. «Viens, sors de ce coffre.» Lui dit-elle gentiment en lui prenant le coude pour l’aider, mais à peine l’inconnue fut-elle levée qu’un son étrange mourut dans la gorge de la rouquine. Là, devant-elle, l’inconnu peinait à tenir sur ses jambes, mais surtout… Surtout… Elle était enceinte. Son ventre, immense et rond, paraissait irréel, mais il était impossible de douter de son existence.
«S’il vous plait…Aidez-moi…» L’implora l’inconnue en passant ses bras autour de son ventre, comme si elle cherchait à le protéger de tous les maux du monde.
Le cœur de la jeune femme se débattait, battant si fort entre ses tempes qu’il était impossible de penser à quoi que ce soit d’autre…
«Je…J…»
C’est à cet instant que l’on fit sonner l’énorme cloche accrochée sur le pont supérieur. Il était si tard? En s’occupant des acquisitions de la journée, elle n’avait pas vu le temps passer. C’était déjà l’heure de manger! Manger?
« Oh… Tu dois avoir faim… » Supposa Aarhyel avant de fouiller dans le tablier qu’elle portait. La demoiselle mit la main sur un pain et le tendit sans hésiter à l’inconnu qui s’en empara rapidement pour y mordre à pleine dents. « Désolée… C’est tout ce que j’ai pour le moment… Je… Reste cachée ici, je reviendrai plus tard te donner autre chose. D’accord?» Lui proposa la jeune femme en l’entrainant plus loin encore dans la cale. De ses simples forces, Aarhyel déplace quelques caisses et tonneaux afin de créer un abri temporaire à la nouvelle passagère du Serpent. «Je..Ce n’est surement pas très confortable… Mais…»
«Merci…Merci…» Répéta la future mère , avalant difficilement la nourriture qu’Aarhyel lui avait donné.
Puis, avec l’aide de celle-ci, elle se glissa derrière les caisses et disparue. Aarhyel s’éloigna d’abord en
regardant les caisses derrières lesquels l’inconnue se cachait, puis fila en vitesse sur le pont. Il ne fallait surtout pas que quelqu’un descende pour la chercher… Si on découvrait on la découvrait…
À peine eut-elle le temps d’atteindre le pont, qu’on servait le repas. En regardant le menu de ce soir, elle savait que l’inconnue aurait quelque chose de plus consistant pour se nourrir…
« Une histoire! Une histoire! » Une histoire! » Se mirent à scander les membres de l’équipage.
Aarhyel savait que temps qu’elle n’aurait pas diverti son public, elle ne pourrait pas descendre à la cale et donc elle ne pourrait pas nourrir sa protégée… C’est donc après un bref regard vers Evelyne, bien installée sur le pont supérieur en compagnie de son frère-le capitaine et elle ne mangeait pas avec l’équipage le soir, mais il demeurait dans les parages pour profiter du spectacle- que la demoiselle sortie du cercle que formaient les hommes pour manger et boire.
Un regard vers le ciel suffit à lui donner de l’inspiration…
♫ « Ce soir, il est de mon devoir
De vous raconter cette histoire…
Par une nuit sans lune, où les vagues faisaient rage
Le vigile hurla « Regardez! Regardez, au-dessus des vagues»
Une Force aux yeux noirs voguait,
Une Force aux yeux noirs approchait.
Le capitaine hurla : toutes voiles dehors!
Jamais Il ne doit monter à bord!
Se croyant plus rapide que le vent et plus fort que les marées
Marins craints de tous et pilleurs inégalés
Ils se croyaient libre de tout voler…
Mais cette Force les a rattrapés…
De son trident ils avaient voulut s’emparer…
Mais c’étaient fait démasqués…
Sur le pont le capitaine l’aperçut…
Armé de son Trident, il venait réclamer son dû…
Ne vous mettez jamais au travers
Des dessins du Grand Dieu des Mers
Poséidon, pour se venger
De ces mortels qui voulurent l’affronter…
Punira tous les voyageurs
Qui sans remord pillent et volent pour l’honneur..
Méfiez-vous, Il rôde surement dans les parages
Car cette nuit est sans lune et sans nuages… »♫
L’équipage applaudit la chanteuse de bon cœur. Aarhyel ne les accompagnait pas au combat, mais elle était toujours là pour les divertir et elle leur présentait toujours, toujours! Quelque chose de nouveau. Ils ne se le cacheraient pas, ils auraient préféré tomber sur une rescapée tout aussi adepte des bagarres et de sang qu’eux…. Mais l’idée de perdre la petite et retrouver leurs soirées d’avant ne les enchantait pas du tout…
La concernée, à l’abri des pensées des autres, s’empressait de prendre possession de son repas et de filer. N’en déplaise à son public, elle préférait la compagnie de la clandestine à la leur.
En revenant avec le repas, Aarhyel ne retrouva pas l’inconnue là où elle l’avait laissée. Elle commença à fouiller dans la cale, mais cette inconnue était très douée pour se cacher. Ou alors était-ce le fait que le bateau tanguait énormément à cause de l’orage ajouté au fait qu’elle ne voyait pas beaucoup plus loin que le bout de son nez à cause de la noirceur de la nuit qui donnait un avantage certain à la future mère? Quoi qu’il en soit, l’océan était agité, ce qui rendait les déplacements difficiles… Et bientôt la foudre et le tonnerre furent de la partie. Au premier déchirement du ciel, Aarhyel crut entendre un couinement derrière elle. La demoiselle se retourna donc et prêta attention. À peine quelques instants plus tard le ciel fut déchiré à nouveau et cette fois, grâce à la foudre, elle parvint à discerner la silhouette de la clandestine. Doucement, la demoiselle alla s’agenouiller près des barils de poudre et en déplaça l’un entre deux d’entre eux. Elle se fraya un chemin jusqu’à l’autre jeune femme et posa sa main sur son épaule avec délicatesse afin de l’attirée contre elle.
« Tout va bien, je suis là. » En disant cela, elle serra la jeune femme inconnue contre son buste pour la rassurer. « Shht… Je vais m’occuper de toi, tout ira bien. »
Révélation…
Dur…froid… Ces deux mots trottaient inlassablement dans l’esprit de la demoiselle aux longs cheveux de flammes. C’était exactement ce qu’elle ressentait. Les yeux fermés, encore prisonnière du pays des songes, son corps gisait sur une surface froide et dure. Encore une fois, elle s’était endormie dans la cale en compagnie de…Elle. La future mère n’avait jamais encore quitté les profondeurs du navire et Aarhyel le cacherait aussi longtemps qu’elle le pourrait. Elle connaissait l’équipage et elle s’inquiétait du sort qu’il lui réserverait s’il la découvrait. Encore endormie, la jeune femme roula sur le côté, cherchant le contact avec la l’autre femme, mais elle buta contre l’une des énormes caisses entreposées là.
« Aarhyel? Evelyne te ch-…. CAPITAINE!!!! »
Ce cri arracha la dormeuse de son sommeil fragile, la faisant sursauter. Mais lorsqu’elle se redressa et aperçu l’homme s’enfuir pour donner l’alerte, cette surprise se transforma en panique. Elles avaient été découvertes! Non! C’était trop tôt! La demoiselle chercha son amie du regard, mais ce qu’elle vit était très loin de ce à quoi elle s’attendait… En sueur et en nage, la future mère gémissait et se tordait de douleur! Comment était-ce possible? Le travail ne devait pas commencer maintenant…C’était bien trop tôt! Des bruits de pas courant dans les marches se firent entendre et presque immédiatement, plusieurs hommes firent leur apparition. L’un d’eux se saisit d’Aarhyel et l’entraîna sur le pont. D’horribles cris de protestation lui confirmèrent que l’on réservait le même traitement à son amie.
Une fois à l’extérieur, son regard croisa celui du capitaine. Il était furieux… Pire, il n’y avait pas de mot assez puissant pour décrire ce qu’elle lisait dans son regard. Évidemment, son expression changea en un éclair lorsque l’autre femme apparut. Elle faisait un boucan terrible et rendait extrêmement difficile la tâche à ses agresseurs. Tous les membres de l’équipage s’étaient rassemblés et leurs voix s’élevèrent dans un brouhaha incompréhensible. La jeune fille ne comprenait que quelques mots ici et là.
Les hommes avaient lâchés prise et dévisageaient l’inconnue qui se tordait de douleur en gémissant.
« Silence!!! » Ordonna le capitaine.
Ses hommes se turent dans la seconde, seuls les bruits qu’émettait la femme enceinte, sur le point de donner naissance, se mélangeaient à ceux de l’océan. Contrainte par l’homme qui lui tenait les poignets, Aarhyel arriva au pied de l’escalier menant à la barre. Au sommet se tenaient les jumeaux Akbrar…
« Comment as-tu osé cacher cette Femme!? Elle n’a pas sa place ici, elle aurait dû périr, elle et le bâtard qu’elle porte, avec les déchets qui voguaient avec elle… » Commença le seul maître à bord en descendant quelques marches. Aarhyel chercha alors secourt dans le regard de la jumelle, elle qui s’était toujours occupée d’elle, mais elle n’y trouva que de la colère. « Ta trahison ne sera pas sans conséquence Aarhyel… Nous nous occuperons de toi plus tard. » La concernée ne comprit pas tout de suite et si elle n’avait pas regardé en direction de son capitaine à ce moment-là, elle n’aurait saisi de quoi il en retournait que bien trop tard. À la taille d’Elroid Akbrar, sur son imposante ceinture, juste à côté de son sabre était attaché un fouet. Et par n’importe lequel, Le fouet.
« Débarrassons-nous de cette femme, messieurs!»
« NON! » S’écria Aarhyel en commençant à se débattre.
L’homme derrière elle resserra son emprise et l’équipage put aisément approcher de la femme noire. Elle en semblait pas avoir conscience de ce qui se passait, perdue dans la folies des douleurs horribles qui s’abattaient sur elle. La femme à la peau noire ne faisait que gémir en demandant que l’on aide son bébé, son enfant…
Enfant
Ce tout petit mot avait résonné en elle comme si on le lui avait hurlé. Complètement impuissante, Aarhyel regarda son capitaine détacher le fouet de sa ceinture et de le lancer à son second. Cet homme… Cet homme était le bourreau de prédilection, il ne faisait pas qu’exécuter les ordres, il prenait plaisir à le faire…
« Arrêtez! » S’époumonait la jeune femme, cherchant toujours à se défaire de l’homme derrière elle. « Ne lui faites pas de mal!!! » Leur ordonna-t-elle ensuite en voyant trois colosses trainer la future mère au centre du pont.
Une fois bien immobilisée, les hommes s’écartèrent pour faire place à celui qui brandissait le fouet. Rapidement, l’équipage se mit à scander le nom de l’homme, réclamant du sang. Ils étaient extatiques...
« Arrêtez! » Continuait de demander la jeune femme, horrifiée de voir l’enthousiasme de tous devant la situation. « Arrêtez! Lâchez-la! Laissez-la tranquille! » Comment pouvait-il prendre autant de plaisir à l’idée de châtier une femme sur le point de donner naissance? Des images de sa première rencontre avec un fouet lui revinrent en mémoire : L’homme enchaîné au mas, une assistance silencieuse… Le fouet qui claque… Mais c’était surtout les paroles d’Evelyne qui lui revenait. Ils justifiaient ces châtiments corporels en disant que l’homme les méritait, qu’il avait désobéi… Qu’il avait fait quelque chose de mal… Et que donc, il méritait chacun des coups… Mais cette femme…Elle n’avait rien fait. Elle ne « méritait » pas ce qui allait arriver…
Soudain, tout devint silencieux. Aarhyel voyait les lèvres de l’équipage bouger, réclamant toujours du sang, impatient que le bourreau donne le premier coup, mais aucun son ne lui parvenait. Ou en fait…Un simple murmure, une voix inconnu qui à elle seule réussi à rendre le reste du monde muet. Plus les secondes s’égrainaient, plus la voix devenait net…À dire vrai, Aarhyel parvenait à distinguer plusieurs voix. D’incalculable voix s’emblaient s’adresser à elle dans un écho semblable à celui que l’on croit percevoir lorsque l’on est submergé… Comme si ces voix lui venaient de l’océan… Et comme si ce n’était jamais arrivé, les cris de l’équipage reprirent le dessus.
C’est alors qu’un profond sentiment de dégoût l’envahit. Tous ces hommes, chacun d’entre eux… Lui donnait envie de vomir. Comment pouvait-on faire si peu preuve de compassion et d’intérêt pour autrui? La gorge serrée, Aarhyel avait l’esprit assailli de centaines d’images de ces hommes se préparant pour l’abordage pour ensuite revenir couverts du sang d’étranger. Maintenant plus que jamais, elle n’arrivait pas à trouver de ressemblance en elle et l’équipage du Serpent de brume et surtout, l’absence d’une quelconque ressemblance lui fit le plus grand bien.
Au moment où l’homme au fouet leva le bras pour donner le premier coup, l’instant reprit son cours, mais cette fois, Aarhyel n’émit aucun son. D’une force qu’elle ne se savait pas détenir, elle fit basculer l’homme qui la retenait et parvint à lui échapper. Elle s’élança alors parmi les hommes les balayant sur son passage et se jeta devant le bourreau en levant son bras. Le fouet claqua dans l’air avant de laisser son extrémité s’enrouler autour de l’avant-bras de la jeune femme.
« Laissez-la tranquille! » Leur exigea-t-elle, leur faisant face comme la première fois.
Furieux, le bourreau tira durement sur le fouet pour en reprendre possession, faisant perdre l’équilibre à la jeune femme. Celle-ci parvint cependant à rester debout et s’empressa de rejoindre la femme en douleur. Elle s’agenouilla à ses côtés et se pencha sur elle, par-dessus les cordages, pour la protéger. Assourdi par les cris de douleur et la respiration allaitante de sa protégée, Aarhyel comprit que pour rien au monde elle ne laisserait arriver quoi que ce soit à cette femme et son enfant.
« Écarte-toi, Aarhyel! » L’averti le capitaine qui était descendu pour rejoindre ses hommes. « Aarhyel….»Répéta-t-il en la voyant se borner à ne pas répondre, ne bougeant pas non plus d’un pouce. « Comme tu voudras… »
Le maître du navire arracha le fouet des mains de celui à qui il l’avait confié et fit quelques pas pour s’éloigner des deux jeunes filles. Aarhyel ferma les yeux et se mit à murmurer…
« Tout ira bien… Je suis là, tout ira bien… »
Puis, il adressa un regard à sa sœur avant de brusquement se retourner et fendre l’air avec l’instrument. Le sifflement de l’arme suffit à engendrer une colère noir au plus tréfonds des entrailles de la rescapée. Jamais ces êtres immondes n’avaient poussé leur cruauté au point ou leur simple existence était malsaine. Sans même le sentir, Aarhyel avait relevé le bras et l’extrémité du fouet s’y était enroulé.
Aucune douleur ne se fit sentir, comme si la lanière souillée de sang ne la touchait pas réellement, comme si quelque chose l’empêchait d’entrer en contact avec sa peau. Lorsque son regard rencontra celui du capitaine, celui qu’elle défiait pour la seconde fois, elle sut que ce serait la dernière. L’un d’eux ne pourrait plus jamais croiser le regard d’un autre être humain. La haine qu’elle pouvait lire dans les yeux du Célèbre Capitaine Akbrar de même que les promesses de mort déclenchait en elle un besoin de l’anéantir. Un être aussi répugnant ne devait pas avoir le droit de fouler cette terre ou de souiller ces mers qu’il violait depuis bien trop longtemps déjà.
La mer, si calme quelques secondes auparavant, commença à faire tanguer le bateau et un bruit semblant venir des entrailles de ses profondeurs imposa le silence à chacun des marins… Un craquement de bois fit sursauter les mercenaires et Aarhyel crut entendre les plus vieux marins. D’un simple coup d’œil, la demoiselle pouvait affirmer que la peur venait empoisonner les âmes de ces monstres sanguinaires… Aarhyel pouvait sentir quelque chose en elle, quelque chose de familier qui semblait lui dire «bienvenue à la maison» et lorsque quelque chose percuta le bateau, ce fut comme si ces mots avaient été hurlés en elle. Leurs armes en mains, les mercenaires furent dangereusement secoués au second impact, mais ce fut au son de l’effroyable rugissement que la donzelle sentit un sentiment de sécurité venir embrasser son être. Peu importe ce qui allait se passer, elle se sentait soutenue par une force qui semblait au-dessus d’elle, au-dessus de tous ces mercenaires, au-dessus de tout.
Soudain, de gigantesques ombres strièrent le navire. Au-dessus de leurs têtes, devant leurs yeux ébahis, d’extraordinairement grands piliers fondirent sur eux, semant la panique et le chaos sur le navire. Les hommes s’afféraient dans le désordre le plus complet et lorsque l’un d’eux se fi
Dernière édition par Aarhyel le Jeu 4 Juil 2013 - 23:01, édité 9 fois |
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