Chaînon manquant [PV]

Retrouvailles conflictuelles

Temple d'Athéna avec... beaucoup de monde

Rappel - précisions de jeu:

Ahina écoutait le chevalier d'argent avec autant d'attention qu'il lui était possible de concentrer en un point précis à cet instant. La nuit était désormais tombée et la journée avait été longue... vraiment très longue... Elle était littéralement pétrie de fatigue, mais en l'absence d'Altia dont c'était la tâche, qui tardait d'ailleurs à rentrer de chez les Titans, il était de son devoir de recevoir le rapport quotidien de la part du garde en poste.

Les problèmes s'étaient encore enchaînés la journée durant, sans parler des évènements de ces dernières semaines. Son existence n'avait jamais été un long fleuve tranquille, mais il fallait cependant reconnaitre que tout ce qu'elle avait du, et devait gérer depuis des semaines, frôlait sévèrement l'impensable. C'est donc d'une oreille relativement distraite qu'elle écoutait le rapport du chevalier d'argent. La plupart des évènements qu'il lui rapportaient n'étaient pas graves, ni ne requéraient d'action immédiate. Ils étaient presque à titre... informatifs finalement.

Jusqu'au moment où le Saint parla d'un chevalier noir qui venait d'être enfermé dans les geôles du Sanctuaire Sacré. Ahina haussa brièvement un sourcil. Cela faisait des années qu'un renégat ne s'était pas manifesté dans les parages, du moins à leur connaissance et si l'on exceptait... -elle extirpa un bref soupir- ...enfin peu importe.
Que pouvait-il bien faire là... ça n'était sans doute pas de bon augure. Ou bien un électron libre peut être ? Les chevaliers noirs étaient bien souvent imprévisibles.

Ce n'est que lorsqu'il enchaîna par la description du dit chevalier, que ses mains se crispèrent sur les accoudoirs du large fauteuil de la salle d'audience. Très jeune, un adolescent, à la chevelure noire en bataille, plutôt maigrichon. Son sang ne fit qu'un tour.

" Quelle armure portait-il ? "

Dit-elle abruptement, et sans doute plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.

" Euh... attendez... je... ce n'est pas moi qui l'ai attrapé, c'est Cérébos... "

Dit-il en farfouillant dans ses notes.

" Quelle... armure... portait-il ?! "

Répéta-t-elle en élevant la voix. Le chevalier d'argent releva un visage déconfit vers sa déesse. Jusqu'à aujourd'hui il n'avait jamais eu à essuyer les foudres de ses supérieurs, et surtout pas celle de sa divinité, et il entendait bien à ce que cela continue ainsi.

" Ah voilà ! L'andromède. L'Andromède noir. "

Le couperet s'abattit comme tonne la foudre de Zeus. Son visage prit une teinte blême qui sembla inquiéter le chevalier qui s'empressa de demander.

" Athéna, vous ne vous sentez pas bien ? Vous voulez que je fasse appeler quelqu'un ? "

Ahina secoua doucement la tête de droite et de gauche, et lui répondit d'une voix plus tempérée.

" Tout va bien. Merci de t'en inquiéter. Confie ton rapport au conseiller du Grand Pope, il lui transmettra à son retour. Rien ne requiert notre attention dans l'immédiat. "

Rien... sauf une chose et pas des moindres à vrai dire.
Dès que le chevalier se fut retiré, elle ne perdit pas un instant. Après avoir convoqué sa servante la plus dévouée -et surtout la plus discrète-, à laquelle elle donna un certain nombre de consignes, Ahina se dirigea immédiatement vers la prison du Sanctuaire.

Une certaine agitation régnait au poste de garde. Ca parlait beaucoup, courait un peu dans tous les sens. Un mauvais pressentiment envahi son coeur lorsqu'elle leva le visage vers le ciel, et que la fraîcheur et l'ambiance environnantes lui rappelèrent... qu'il faisait nuit.

" Que se passe-t-il ici ? "

Dit-elle aimablement mais non sans une pointe de fermeté. Dans un premier temps, elle n'obtint aucune réponse à sa question. Les gardes en poste étaient tellement surpris de la voir qu'ils ployèrent tous le genoux et restaient muets de stupéfaction. Il arrivait que le Grand Pope vienne ici, mais la plupart du temps c'était les chevaliers d'or qui s'occupaient des prisonniers les plus importants -et dangereux- quand il y en avait. Mais Athéna... elle... ne venait jamais en ces lieux.

" Majesté !!!! Que faites-vous ici ?? Vous ne devriez pas... ce n'est pas un endroit pour vous... "

Cette manie de la materner en permanence était touchante, quoi que parfois un peu agaçante. Réitéra-t-elle donc sa question, tout en douceur, mais toujours aussi fermement.

" Ne te préoccupes pas de cela, je m'en sortirai. Explique-moi plutôt ce qu'il se passe ici. "

" Eh bien... c'est difficile à expliquer... Depuis la nuit tombée c'est un peu la panique en bas. Certains prisonniers se sont mis à hurler comme s'ils étaient en train de brûler vifs. On dirait qu'ils sont... terrorisés. Tous les gardes qui ne maîtrisent pas le cosmos sont dans le même état. Et les Saints présents sont pour la plupart assez mal à l'aise. "

Les sourcils de la jeune femme se froissèrent imperceptiblement.

" Où est enfermé l'Andromède noir ? "

Un peu surpris par cette question qui sortait de nulle part, le Saint tourna les yeux vers son homologue qui consulta rapidement son registre et lui transmis l'information souhaitée.

" Au second sous-sol. "

" Où sont localisés les prisonniers qui perdent la raison ? "

Le chevalier de bronze blêmit soudainement.

" Au... second sous-sol. "

Ahina extirpa un soupir. Evidemment... Cette journée n'aura-t-elle donc jamais de fin... Visiblement pas.

" Est-il blessé ? "

" Il a été un peu secoué quand on l'a ramené mais il ne présente pas de blessures. "

Dès qu'elle obtint cette dernière information, elle passa d'un pas rapide sous leurs nez en direction de la prison, sous le regard interloqué des gardes présents.

" Athéna, je vous en prie, si le Grand Pope apprend qu'on vous a laissée y aller toute... "

A ces mots, le cosmos d'or de la divinité se dégagea autour d'elle, faisant voleter les pans de sa tunique, ainsi que les cheveux de toutes les personnes qui se trouvaient dans son sillage.

" Ne t'inquiètes pas pour moi. "

Lui dit-elle simplement d'une voix douce avant que son cosmos ne s'éteigne de nouveau et qu'elle pénètre dans la prison, s'enfonçant rapidement dans ses entrailles pour rejoindre le second sous-sol.

Quand elle arriva, dire que la pagaille régnait était un doux euphémisme... Les hurlements de terreur se faisaient entendre de part et d'autre, les prisonniers se ruant littéralement contre les barreaux de leur cellule pour essayer d'échapper à ce qu'ils étaient incapables de voir.
Ahina, quant à elle, les distinguait aussi clairement que la lune au coeur d'une nuit noire. Toutes ces âmes... toutes ces âmes venues torturer son enfant... comme s'il n'avait pas déjà assez souffert comme ça.

La colère envahit tout son être, faisant vibrer les tréfonds de l'âme de la Divinité des hommes. Son sceptre apparut au creux de sa main, avant qu'il ne percute le sol avec une certaine violence. Dès que le métal frappa la pierre, une intense lumière inonda, non seulement le second étage, mais également tous les étages qui se trouvaient au-dessus, et en dessous.
Mêlant la vie à la lumière, cette lueur aveuglante était le pire mélange qu'il soit pour ce genre d'entité. Tout ce qui était leur exact opposé, tout ce qu'elles exécraient, ce qui les faisait fuir et surtout... en l'occurrence, disparaitre.
Acculées dans un premier temps, les âmes tourmentées poussèrent des cris de rage, audibles uniquement pour ceux capables de les entendre, puis leurs cris furent étouffés par la lumière qui les inondait, jusqu'à ce que leur présence ne soit plus que le souvenir d'un affreux cauchemar.
Les prisonniers commencèrent à se calmer peu à peu. Leur terreur avait été telle, que certains d'entre eux s'étaient évanouis dans leurs cellules.

Lorsqu'elle parvint devant la cellule qui retenait son enfant en cage, son coeur se serra un peu plus. Bien qu'elle était incapable de le voir, ce qui aurait sans doute brisé un peu plus son âme de mère, elle le ressentait à peine, tant il était recroquevillé sur lui-même, jusqu'à l'âme.
La porte s'ouvrit en grinçant et Ahina resta dans l'ouverture ainsi créée. Leur dernier entretien ne pouvant être qualifié de serein, elle ne savait pas comment il allait réagir. Mal, fort probablement.

" Kilvan... je viens d'apprendre à l'instant que tu avais été enfermé ici... Je suis navrée que tu aies du endurer ça. "

Elle ne pouvait qu'imaginer le sort qui avait été le sien. Les renégats et les spectres étaient logés à la même enseigne au Sanctuaire. Ils étaient considérés comme la pire espèce de criminels que la terre puisse porter et, par voie de conséquence, les Saints n'étaient pas tendres avec eux.

Elle ne fit pas le moindre geste dans sa direction. Il était plus que plausible que ça se passerait encore plus mal. Elle avait déjà essayé par le passé... et le résultat s'était soldé par un cuisant échec. Il n'était pas prêt.

" Pour l'instant elles vont te laisser en paix... rassures-toi... "

Nul besoin de développer le propos, il savait parfaitement à quoi elle faisait allusion. Cela ne durerait cependant que pour cette nuit. Si elle n'était pas à ses côtés à chacune d'entre elles, ce qui paraissait relativement difficile à mettre en oeuvre, et qu'il ne permettrait sans doute pas par ailleurs, elles reviendraient inlassablement... nuit après nuit... sans lui le laisser le moindre repos.
Il faudrait trouver une solution pour qu'il parvienne à les contrôler lui-même. Mais pour l'heure... elle devait le sortir d'ici.

" Viens avec moi. Tu n'as rien à faire ici. "

Lui dit-elle simplement d'une voix douce, dans un léger sourire.
A aucun moment elle n'aborda le sujet de l'épais bandeau qu'elle avait sur les yeux. Il s'en fichait sans doute quoi qu'il en soit. Car elle l'aimait sans doute autant qu'il la détestait. Et le plus important à cette minute, c'était lui, dans tous les cas.

Évidemment.

De toutes les personnes qui auraient pu venir le voir dans sa cellule, il avait fallu que ce soit elle. Il aurait presque préféré qu'on vienne le chercher pour l'exécuter ; presque.
Après tout, un interrogatoire extensif semblait être au programme, et, qu'ils soient ou non coopératifs, il doutait fort qu'on témoigne assez de sympathie aux gens comme lui - ceux qui portaient le noir - pour les épargner après coup. Il fallait bien faire de la place tôt ou tard.

Ce n'était pas comme s'il avait fait exprès de se faire remarquer, mais il ne contrôlait pas l'attraction inexorable qu'il exerçait sur les âmes des morts à la nuit tombée.
À peine le soleil avait-il quitté l'horizon qu'elles s'agglutinaient autour de lui comme autant d'insectes, de lugubres papillons de nuit attirés par la seule lumière dans la pénombre.
De toute évidence, s'il n'avait jamais tenté cela auparavant, être privé de ses pouvoirs par un dispositif quelconque n'empêchait pas le phénomène de se produire - et en plus était-il dès lors incapable de se défendre. Sa chaîne n'était pas loin, mais la matière-même dans laquelle étaient faits les murs de cette prison le défendait d'y faire appel - de faire autre chose que de se résigner à son sort.

Jusqu'à ce qu'elle arrive. À temps, heureusement ; malgré l'ampleur de leurs effectifs, une véritable légion damnée s'étant formée autour de lui, ce qu'il lui restait de santé mentale n'avait pas encore plié face à leurs assauts combinés. Une prochaine fois, certainement - mais pas ici, pas maintenant.
La lumière divine incinéra chacun de ces sinistres feux follets, sans qu'ils aient le temps de comprendre ce qu'il leur arrivait. De réaliser qu'ils n'auraient pas raison de lui, pas avant au moins le jour suivant. Un répit qui ne serait que trop bref - mais qui restait néanmoins bienvenu ; il aurait simplement préféré le devoir à quelqu'un d'autre.

Non merci. Ça ira.

Avec difficulté, il se hissa sur ses jambes. S'il n'avait reçu aucune blessure lors de sa capture à proprement parler - mis à part l'hématome qu'il pouvait encore sentir à l'arrière du crâne -, il n'en avait pas besoin pour être mal en point.
S'il avait bien grappillé quelques - négligeables - centimètres depuis son précédent passage, ceux-ci ne faisaient que mettre plus encore en évidence une malnutrition déjà ostentatoire.
Si ses joues n'avaient pas déjà commencé à se creuser, on ne pouvait en dire autant de ses yeux, la noirceur de ses cernes suggérant une absence de sommeil vieille de plusieurs jours - ce qui n'était sans doute pas loin de la vérité.
Les larges pans de ses vêtements sombres masquaient la majeure partie de sa silhouette, mais il y avait fort à parier que le bilan ne serait pas plus brillant si on devait les lui enlever.

En dépit de cela, il s'approcha d'un pas trébuchant de la grille désormais ouverte. Si tenté qu'il soit de purement et simplement refuser son offre, de rester tapi dans l'ombre de ce carré de pierre, il savait ne pouvoir endurer une journée de plus dans ces conditions. Pas pour lui, et sûrement pas pour les autres.
Sur le temps qu'il lui fallut pour arriver à sa hauteur, il était à nouveau capable de feindre une démarche normale, bien qu'il s'estima heureux de pouvoir prendre appui sur les barreaux - les plus éloignés de l'endroit où elle se tenait dans l'embrasure - avant de franchir le seuil.

Je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Vous avez sans doute mieux à faire.

Il appuya sur ces derniers mots presque malgré lui. Oui, n'avait-elle pas toujours quelque chose de plus important à faire ? Pourquoi changer maintenant ?
Qu'elle prenne de descendre jusqu'ici seulement quelques heure après qu'il y ait été enfermé relevait déjà du miracle, considérant qu'il lui avait fallu quinze ans pour se soucier de ce qu'il était devenu. Rien que ça.
Cela l'atterrait tant qu'il n'avait tiré aucune satisfaction à voir son visage se décomposer lorsqu'elle l'avait revu pour la première fois, qu'elle avait dû faire face à ses erreurs - enfin.
Erreurs qu'il n'ignorait pas personnifier ; moins encore depuis qu'elle - ou plutôt Athéna, le faire elle-même étant apparemment trop lui demander - l'avait éclairé sur le sort de son défunt père. Si elle n'avait pas cru bon de lui révéler tous les détails, les circonstances qui avaient menés à son escamotage au fin fond d'une grotte en Chine ne sauraient être triviales.

Ce n'était de toute façon pas comme s'il s'attendait à une complète honnêteté - pas comme s'il s'attendait à quoi que ce soit, à dire vrai. Il avait fait le deuil depuis longtemps.
Certes, il aurait pu rentrer au Sanctuaire avec le Chevalier du Capricorne et le corps de son père pour exiger des réponses - et sans doute était-ce exactement ce qu'elle voulait ; ce pourquoi il avait veillé à ne rien en faire, préférant disparaître à nouveau.
De toute façon, ses rares échanges avec des Saints - ses laquais - lui avaient permis d'apprendre qu'il ne serait jamais le bienvenu là-bas, quoi qu'elle puisse en dire ; il ne tenait pas à renouveler l'expérience. Ni à ce moment-là, ni jamais - mais on ne lui avait pas vraiment laissé le choix, au final.

Au moins avait-il maintenant celui de ne pas s'attarder davantage, et il ne voyait aucune raison de le faire. Pas même ses doutes quant au fait de réussir à marcher jusqu'à la sortie sans s'évanouir.
Outre l'état de faiblesse dans lequel cette nouvelle « crise » l'avait laissé, la faim le tenaillait plus qu'il ne voulait bien l'admettre. Tout habitué qu'il soit aux privations, il avait une limite comme tout un chacun, et celle-ci serait bientôt atteinte.
Ce dont il se moquait, tant que sa chère mère n'en savait rien ; que ça n'arrivait pas avant d'être hors de sa vue. Ce qui ne devrait pas être un problème, considérant le bandeau noir derrière lequel elle cachait ses yeux - ce qu'il ne manqua pas de bien sûr relever une fois à sa hauteur.

Si vous ne vouliez pas me voir à ce point, envoyer un garde aurait suffi, vous savez. ironisa-t-il, sans pourtant qu'aucune émotion ne s'invite dans sa voix. Son attention se dirigea vers les autres cellules, apparemment vides pour la plupart - ce qui ne voulait pas dire qu'elles l'étaient réellement ; il les avait suffisamment entendu crier pour n'avoir aucun doute à ce sujet. Sans doute étaient-ils désormais retranchés dans un coin de leur cellule, tremblants de peur - là où il n'avait, pour sa part, que trop l'habitude de tout cela désormais. Cela, et les dégâts qu'ils pouvaient causer. À moins que ce soit pour ne pas devoir regarder en face comment vous traitez vos prisonniers ? Enfin, les autres, je veux dire. Moi, j'ai l'habitude.

Retrouvailles conflictuelles

Temple d'Athéna avec... beaucoup de monde

Rappel - précisions de jeu:

Il n'avait pas changé. Du moins... s'il était plus sombre qu'auparavant, ce qui n'était pas vraiment une bonne nouvelle, son comportement à son égard restait égal à leur dernière rencontre. De la rancoeur, de l'amertume, de la colère, peut être de la haine également. Il n'y avait qu'un maigre pas à franchir, pour peu que ça ne soit pas déjà le cas.
Tout son être la rejetait viscéralement. Que ce soit conscient ou pas d'ailleurs. C'était devenu un automatisme chez lui. Si elle était près de lui, ou ne serait-ce qu'en vue, tout son être lui disait de s'en éloigner le plus possible.
Et c'est ce qu'il fit, une fois encore.

Lorsqu'elle sentit sa présence se rapprocher, bien qu'il essaya au maximum de l'éviter et de se tenir le plus loin d'elle que possible, elle se trouvait dans l'embrasure de la porte. Il était par conséquent difficile pour lui de ne pas passer près d'elle.
Sentir à quel point cela lui coûtait serra son coeur en une lancinante douleur qu'elle n'avait appris qu'à trop bien connaître ces dernières années.

Dans un mouvement lent et discret, elle pivota pour le laisser passer, ne semblant pas avoir l'intention de l'empêcher de sortir.
Une nouvelle entaille, profondément fichée dans son coeur, lorsqu'il reprit la parole. Mieux à faire hein...

" Tu as sans doute raison. Ce doit être pour cela que j'ai traversé tout le Sanctuaire au beau milieu de la nuit dès que j'ai appris que tu te trouvais ici. Sans doute pour cela que j'ai demandé aux gardes de ne pas intervenir. Sans doute pour cela que j'ai repoussé celles qui t'accablent. Sans doute pour cela que je suis ici et que j'ai ouvert cette porte. Parce que j'ai mieux à faire. "

Ces mots furent prononcés sans amertume, d'un ton assez doux. Une longue liste de faits qui ne l'atteindrait pas, fort probablement. Car cela aussi, elle en avait déjà eu l'amère expérience. Rien de ce qu'elle disait, ou pourrait envisager de dire, ne touchait son enfant. Quoi qu'elle fasse, elle était forcément coupable à ses yeux.

Alors qu'il allait franchir le pas qui le séparait du couloir obscur, il lui adressa quelques mots, faisant des allusions à peine voilées quand à l'état de ses yeux. Dire que cela était cruel serait un doux euphémisme. Mais devait-elle lui en vouloir pour autant ? Non.
Contrairement à ce qu'il semblait imaginer, Ahina avait depuis longtemps, depuis la première fois qu'ils s'étaient vus, depuis la première fois où ils avaient eu une vraie discussion, pour peu que l'on puisse la qualifier ainsi, compris toute l'envergure de sa souffrance.
Et si elle ne pouvait savoir exactement tout ce qu'il avait du endurer depuis plus de 15 ans, avait-elle bien perçu les traces indélébiles qui avaient marqué son coeur tel un tisonnier brûlant.

" Crois-tu réellement que j'ignore la façon dont les gens qui atterrissent ici sont traités... Kilvan. Pourquoi suis-je venue te chercher à ton avis. "

Bien que ce soit une question rhétorique, il ne l'entendrait sans doute pas de cette oreille. Mais qu'importe... Le principal était de le sortir de là. Quel que soit le moyen.
Elle s'écarta complètement de sa route, afin de bien lui signifier qu'il était libre de partir s'il le souhaitait.

" Notre existence entière est régit par des choix, et voici ceux qui se présentent à toi aujourd'hui. Tu peux quitter cette cellule, arpenter les couloirs jusqu'à parvenir aux escaliers qui te permettront de rejoindre les hauteurs de la prison et tenter de sortir par tes propres moyens. Tu seras de nouveau arrêté par les gardes qui te remettront en prison, et tes conditions de détention seront encore pires que précédemment puisque tu seras considéré comme un fugitif. Ou bien... "

Ahina fit une courte pause, croisant les bras sur sa poitrine avant de reprendre.

" ...dans la mesure où je ne peux pas justifier la libération d'un Chevalier noir sans expliquer qui tu es, et que cela te mettrait un peu plus en danger que tu ne l'es déjà, sans parler de la confusion qui règnerait au Sanctuaire, tu viens avec moi et je te sors d'ici par d'autres moyens. En dehors du chemin que nous aurons à parcourir, tu ne seras pas obligé de supporter ma présence plus longtemps, rassure-toi. Tu pourras te laver, manger et dormir correctement et lorsque tu auras repris des forces, tu seras libre de t'en aller. Je m'arrangerai pour que personne ne te pourchasse... "

Elle s'exprimait d'une voix lasse, presque éteinte. Oh... pas à cause de lui, non, bien sûr. Les derniers jours avaient été si pénibles... elle ne se souvenait même pas la dernière fois qu'elle avait dormi ne serait-ce qu'une heure.

" ...un chevalier noir qui tente de s'en prendre à Athéna, personne ne sera étonné de la manière tragique dont ce sera terminé cet affrontement. Tu disparaitras et personne ne te cherchera. "

Elle devrait mentir aux Saints pour sauver son enfant. Mais qu'à cela ne tienne... s'il fallait en arriver là, elle le ferait.

" Quelle est ta décision ? "

Ah. Moi qui croyais que c'était parce que des prisonniers qui hurlent collectivement à la mort, ça fait désordre. rétorqua-t-il tout de go, acerbe. Mais j'imagine qu'on entend pas grand chose, de là-haut. Ça doit être pratique.

Hurler à la mort prenant ici son sens le plus littéral, puisqu'elle les regardait en face à travers ce cortège d'âmes. Qu'ils soient ou non censés rester à vie dans ces geôles, que leur exécution ait été programmée ou pas, ils avaient déjà eu un avant-goût de ce qui les attendait de l'autre côté - et ce n'était pas joli à voir.
Même l'épuration expresse par la maîtresse des lieux ne leur ferait pas oublier ce qu'ils avaient vécu ce soir, à supposer que ce souvenir puisse un jour quitter leur mémoire. Ceux ayant perdu connaissance à force de panique étaient peut-être encore les plus chanceux ; ils n'auraient pas à se remémorer tous les détails.

Enfin... Ça, et les questions gênantes qui vont avec...

Car l'on n'aurait pas manqué de se demander comment un tel phénomène avait pu se produire alors qu'il était censé être coupé de tout cosmos derrière ces barreaux - et c'était le cas, mais ça n'avait jamais dérangé ces « compagnons de voyage ».
C'était lui qui les attirait, son essence-même, pas une quelconque forme d'énergie. Évidemment, pour le découvrir, encore aurait-il fallu qu'ils ne l'abattent pas sur place pour y mettre un terme lorsqu'ils auraient compris que ça venait de lui.

Tout cela formait un schéma auquel il était, hélas, tristement habitué : malgré toutes les précautions qu'il pouvait prendre, ce genre d'incident survenait encore à intervalles réguliers. Il n'était qu'humain, et n'avait pas toujours les moyens de lutter contre ces hordes infatigables qui revenaient assiéger sa conscience chaque jour.
C'était, au final, encore la meilleure manière de le suivre à la trace ; recenser les cas d'hystérie de masse, et voir où elle menait. Un travail de recherche que personne n'avait fort heureusement pris le temps de faire - à ce jour, du moins. Mais il avait peine à croire que tous ceux qui pourraient voir un intérêt dans sa capture aient renoncé si facilement. Quant aux gardes qui pourraient vouloir le ramener s'il essayait de sortir...

Je me suis fait avoir par surprise. Ça ne se reproduira pas.

La première fois qu'il était venu ici, c'était de son plein gré - si l'on veut. Jusque là, et malgré le fait qu'il ne cache pas son « appartenance » - le propre d'un Chevalier Noir était de ne pas en avoir, mais tout le monde n'avait pas l'air de le comprendre -, personne n'avait encore réussi à lui mettre la main dessus.
Et cette grande première n'était pas pour lui plaire, aussi serait-il d'autant plus attentif à ce que cela ne se reproduise pas... S'il avait le choix. La fatigue et sa santé déclinante - physique comme mentale - n'étaient pas étrangères au fait qu'il ait baissé sa garde. Ça lui passerait. Peut-être.

Gardant appui sur le mur de pierre autant que le lui permettaient ses bras frêles, il se dirigea d'un pas peu assuré vers la malle où il avait vu les gardes sceller ses maigres effets personnels, laquelle était bien évidemment fermée à double-tour.
Son regard émeraude se tourna un instant vers son interlocutrice, avant qu'il agrippe le cadenas à pleine main et le presse jusqu'à l'entendre céder, puis le jeta sur le côté. Aussi robuste qu'il soit, il n'avait pas été conçu pour résister à une force surnaturelle, même aussi limitée que la sienne.

Tombant presque autant qu'il se mettait volontairement à genoux, il s'attela à reprendre ce qui lui appartenait, ce qui n'aurait jamais dû lui être arraché. Pièce par pièce, il remit en place son armure à la main, laissant les cliquetis réguliers du métal seuls à rompre le silence.
Chacune d'elles était dans un plus triste état que la précédente ; presque toutes étaient couvertes de fissures, voire même partiellement fracassées, quand elles n'étaient pas complètement absentes. Des traces de luttes et autres déboires les parsemaient de long en large.
Cela prit moins de temps que l'on aurait pu s'y attendre, bien que la gêne paraisse l'étendre au-delà de sa durée réelle. De toute manière, ce n'était pas comme s'il avait le choix de faire autrement ; voilà un moment déjà qu'elle n'était plus capable de s'équiper par elle-même. Il ne faisait que l'aider, il lui devait bien ça.

Viens. fit-il tout bas.

Seule la chaîne paraissait encore un tant soit peu vivace - et intacte, surtout, par il ne savait quel miracle ; étant sa seule arme, elle avait pourtant été partie prenante à toutes ses mésaventures. À son appel, elle ne se fit pas prier pour serpenter hors de la malle et revenir s'enrouler autour de ses bras, trop heureuse de le retrouver pour réagir en quoi que ce soit à sa présente compagnie.
Il se sentit mieux immédiatement. Pas au point de recouvrer ses forces, hélas, mais il était trop habitué à sentir son poids rassurant contre lui pour ne pas être mal à l'aise les rares fois où il en était séparé. Ses doigts frôlèrent les maillons les plus proches en un geste de réconfort. Cela étant fait, se relever s'avéra néanmoins laborieux ; il dut s'y reprendre à deux fois pour y parvenir, et c'était déjà mieux qu'il n'aurait pu le penser.

Alors qu'il retrouvait péniblement la verticale, elle le mit face à un choix. La perspective le crispa aussitôt, tant il n'estimait pas qu'elle soit en mesure d'exiger de lui quoi que ce soit. Peut-être était-il chez elle, mais il n'avait pas véritablement demandé à y être invité ; dès lors, pourquoi se plierait-il donc à ses règles ? Dans un effort de bonne volonté, il daigna toutefois écouter jusqu'au bout - en partie parce qu'il n'était de toute façon pas en état de partir en courant.

Malgré son rejet attentif et viscéral, de tout ce qu'elle était, tout ce qu'elle représentait et tout ce qu'elle pourrait avoir à lui offrir, ce serait mentir de nier qu'au moins une partie de lui était sensible à sa proposition. Celle qui n'en pouvait plus d'être éreintée constamment, de n'avoir rien dans le ventre depuis... Des jours, maintenant, probablement ; de vivre dans la crainte permanente.
La partie consciente de son être avait beau lui hurler de fuir à toutes jambes, de ne croire en personne, il ne pouvait, à son grand désarroi, ignorer éternellement ses besoins primaires - comme les douleurs nées de la faim eurent tôt fait de le rappeler, lui perforant l'estomac. Le peu de provisions qu'il avait sur lui au moment de sa capture avait dû être jeté, consistant essentiellement de pain rassis et de fruits trop mûrs ; en tout cas, le coffre n'en comportait pas trace.
Aussi débrouillard qu'il soit pour s'alimenter, il n'était pas sûr d'avoir encore l'énergie de trouver quelque chose à se mettre sous la dent en l'état. Ce magnétisme macabre avait tendance à le vider de ses forces, et cette fois-ci ne faisait pas exception à la règle. C'était à peine s'il arrivait encore à garder les yeux ouverts, sa défiance étant tout ce qui le maintenait éveillé : ce n'était pas l'endroit pour s'endormir. Ni le moment.

Me présenter mes options en toute impartialité, quelle générosité de votre part. trouva-t-il néanmoins la force de répondre, fut-ce au détriment de celle de rester droit. « Suis-moi, sinon » aurait tout aussi bien fait l'affaire, vous savez, ça aurait eu le mérite d'être plus honnête... Son bras se leva et sa chaîne fit de même. Mais si vous croyez que ça me dérange de forcer le passage... De toute manière, la moitié doivent déjà avoir quitté leur poste, s'ils sont sains d'esprits. J'aurais... J'aurais juste à...

Subitement, il défaillit et s'écroula de tout son long sur le sol des cachots, cette dernière tirade ayant épuisé ses ultimes réserves d'énergie. La chaîne, toujours dressée, se pencha sur lui, semblant ne pas comprendre ce qu'il venait de se produire - au point d'en oublier de le protéger contre une présence qu'il considérait ouvertement comme hostile.
Oui ; peut-être avait-il besoin de repos, tout compte fait.

Retrouvailles conflictuelles

Temple d'Athéna avec... beaucoup de monde

Rappel - précisions de jeu:

" Détrompes toi... Tu n'es pas unique dans ton cas et les Saints en ont vu bien d'autres, même s'ils n'ont effectivement pas compris ce qu'il s'est passé ce soir. Il y a quelqu'un d'autre au Sanctuaire qui a longtemps eu les mêmes difficultés que toi. "

Elle y avait longuement pensé. Dès qu'elle avait su pour les esprits errants, sa réflexion s'était immédiatement tournée vers Scareface. Malheureusement, entre temps son fils avait encore pris la poudre d'escampette. La solution envisagée était donc restée lettre morte. Mais aujourd'hui... si elle arrivait à le convaincre de rester un peu au Sanctuaire, suffisamment pour que le Cancer le prenne sous son aile, il était certain que cela l'aiderait beaucoup. Peut être même qu'il le sauverait là où elle ne pouvait que repousser l'inéluctable pour un temps toujours trop court.
Elle venait de planter une graine en dévoilant que quelqu'un d'autre vivait la même chose que lui et, surtout, en sous-entendant qu'il avait réussi à les contrôler. Maintenant... restait à espérer que cette petite graine prenne racine.

Elle ne répondit rien lorsqu'il avança ne pas se faire avoir une seconde fois. Mais cela était peu probable... vu l'agitation qui régnait à son arrivée, il y avait de grande chance pour qu'au moins un, si ce n'est deux chevaliers d'or, soient arrivés à l'entrée de la prison entre temps. Et aussi vaillant soit-il... son fils n'avait aucune chance contre eux.

Les cliquetis de métal lui tirèrent une expression déconfite. Il avait vraiment dans l'idée de partir de la prison par la grande porte...? Quelle folie...

" Je t'ai présenté les différentes possibilités qui s'offrent à toi. J'ai été plus qu'honnête à vrai dire. Libre à toi de l'interpréter différemment et si tu as une autre option en réserve, je t'écoute. "

Mais il n'y en avait aucune, et aussi renfrogné soit-il, il devait bien en avoir conscience. Sortir par la grande porte et affronter tout le sanctuaire, ou la suivre... étaient les deux seuls choix qui s'offraient à lui. Il n'y en avait pas d'autre.

Ahina se précipita vers lui lorsqu'il ne put achever sa phrase et tomba lourdement sur le sol.
Elle le prit délicatement dans ses bras et le souleva, non sans mal, car son armure bien qu'en mauvais état, pesait tout de même son poids... Et tant pis si la chaîne décidait qu'elle était une ennemie à abattre, elle n'était plus à une cicatrice près et elle ne ferait rien qui risque de blesser son enfant.

Suite -> Temple d'Athéna