Saint Seiya Next Dimension

Tiens oui, étonnant.

Quant à un avis... Disons que si c'était pour renier Tenkai-Hen et nous donner ça à la place en tant que « suite officielle », Kurumada aurait mieux fait de s'abstenir.

Son coup de crayon a mal vieilli (je trouve ça moins beau que la partie Hadès), la coloration à l'ordinateur ne réussit pas du tout à son style graphique (ce qui fait qu'on se retrouve avec des bouillies bariolées dès les premières pages), et le scénario... Est ce qu'il est.
Entre le voyage dans le temps, l'énième réédition de la montée des Temples (avec répétition des clichés propres à chaque Gold Saints, en pire pour certains) et l'éternel Spectres VS Saints, on ne peut pas dire que ça déborde d'originalité.

Spoiler:

On passera aussi sur le fait que ça fait déjà quinze ans (!) qu'il est dessus, avec des pauses énormes un peu partout, qui n'aident pas à l'avancée d'un fil conducteur déjà mollasson.

D'une certaine manière, je pense que Next Dimension illustre la notion de « si cette œuvre avait été faite aujourd'hui, elle n'aurait pas connu le même succès ». Kurumada semble avoir voulu refaire du Saint Seiya « tout pareil », mais quinze ans plus tard ; le problème étant que les standards ne sont plus les mêmes, si bien que ça ne touchera que difficilement un nouveau public et paraîtra réchauffé aux anciens fans...

Tout n'est pas forcément mauvais et il est sans doute possible d'y trouver son compte, mais j'y vois trop de défauts pour vraiment me laisser prendre au jeu en ce qui me concerne. J'admets cependant bien volontiers que l'amertume de voir cette version supplanter Tenkai-Hen (que j'avais beaucoup aimé de mon côté) n'attendrit pas mon jugement.

Au risque de choquer, et même s'il est un peu tôt pour le dire puisque la série n'est pas finie, j'avoue avoir préféré Omega, qui, certes, a ses défauts - non-négligeables - mais avait le mérite d'essayer d'innover. Tant qu'à avoir droit à une énième itération de Saint Seiya, je préfère qu'elle tente des choses, quitte à se planter, plutôt que de ressortir les mêmes poncifs ad nauseam.

Bien sûr, je te souhaite d'y passer un meilleur moment que moi (et une bonne lecture, du coup).

Kurumada n'a jamais trop apprécié de n'être connu « que » pour Saint Seiya, à ce qu'on dit (même si ça peut se comprendre : les acteurs non plus n'aiment pas qu'on ne les reconnaisse que pour un seul de leurs rôles).

Du coup oui, on peut légitimement s'interroger sur ses motivations en le voyant revenir sur une série dont il était déjà écœuré à la fin, comme on peut le sentir dans l'empressement avec lequel il a traité certains passages (même si les conditions de travail exécrables d'un mangaka à succès n'y sont certainement pas étrangères).  D'autant qu'on ne peut pas dire que la motivation, il en laisse transparaître beaucoup quand on voit le rythme auquel il fait avancer cette nouvelle œuvre...

D'un autre côté, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, il faut bien avouer que son style est très « daté » - même sans prendre en compte sa dégradation depuis Hadès ; c'est qu'il se fait vieux, aussi, l'air de rien  - et que ça lui compliquera inévitablement la tâche s'il essaie de se lancer dans quelque chose de nouveau.

De la même façon, le dessinateur de Hokuto no Ken n'a pratiquement dessiné que des œuvres dérivées de celui-ci par la suite. Leurs façons de dessiner ont été grandement influencées par l'époque à laquelle ils se sont fait connaître, et ce n'est pas quelque chose qu'il est facile de changer.
À contrario, l'auteur de Jojo's Bizarre Adventure a su s'adapter, mais n'a presque pas fait de pause en 34 ans même s'il a ralenti le rythme ; c'est une évolution sur la durée.

Et puis, à son âge (67 ans), il est sans doute un peu tard pour espérer se lancer dans une « grande nouveauté », et plus confortable de rester dans ce qu'il connaît - même si ça fait aussi qu'il ne cherchera malheureusement pas à sortir de sa zone de confort.

Du coup oui, on ne peut pas dire qu'on soit gâtés en terme de spin-offs, ceux-ci allant soit « trop loin » (comme G Assassin qui non seulement nous parle aussi de voyages dans le temps, mais également de réalités alternatives),  soit pas assez (comme Next Dimension qui tient de la « copie en moins bien »), quand ce n'est pas juste fait pour vendre des jouets. Hélas, la prochaine série annoncée étant censée appartenir au genre isekai (que je ne porte pas franchement dans mon cœur en ce qui me concerne), ça n'a pas l'air parti pour s'arranger. Dommage.

Enfin, pour ce qui est du treizième Gold Saint, au-delà du concept en lui-même, ça me paraît créer une grosse incohérence : le Serpentaire ne faisait logiquement pas encore partie de l'écliptique à l'époque où les Cloths sont censées avoir été créée (donc dans les temps mythologiques). Le Zodiaque à treize signes résulte d'une très lente modification de l'axe de rotation de la Terre au fil du temps.
Sauf que dès lors qu'on prête attention à ça, on peut aussi se demander pourquoi les Armures sont basées sur la liste des constellations modernes et pas les plus anciennes qui ont été dissoutes pour les créer (plus grosses pour la plupart en terme de nombre d'étoiles, ce qui réduirait d'autant l'effectif du Sanctuaire), d'autant plus alors qu'il est dit qu'il n'est plus vraiment possible d'en forger de nouvelles.

Bref, c'est mettre le doigt dans un engrenage que la suspension d'incrédulité nous empêchait de voir jusque là, et ça me semble être un pari pour le moins risqué. On ne pourra réellement en juger que quand on aura tous les éléments (et donc quand ce sera terminé), mais le concept pose problème dès le départ, et ça n'aide pas à la stabilité du tout.

En un sens, le problème vient aussi de la communauté (comme souvent avec les grosses franchises assez anciennes, Star Wars en étant l'un des pires | meilleurs exemples).

Nombreux sont les fans qui se raccrochent aux « heures de gloire » de la série, aux temps forts de la saga, et se montrent excessivement véhéments face à toute forme de changement ou de rajout (bon, ces derniers étant rarement pertinents par les temps qui courent, on ne peut pas trop leur jeter la pierre).

Si on a droit à autant de redites des Douze Maisons et de la montée des marches, c'est parce que c'est « ce qui a marqué les gens » ; ce qui ressort quand on leur demande ce qu'ils aiment dans Saint Seiya.
Leur donner « plus de ce qu'ils aiment », pour les grosses compagnies qui ont désormais entre les mains toutes ces marques qu'on aime tant, c'est faire le choix de la sécurité : pourquoi risquer leur poule aux œufs d'or à faire quelque chose de nouveau, alors qu'il leur suffit de refaire encore et encore ce qui a déjà été fait ?

Si la levée de boucliers leur paraît inévitable quoi qu'ils fassent en essayant d'apporter une réelle nouveauté, ils y préféreront l'accueil tiède réservé à une copie peu inspirée de plus à tous les coups. Tant que ça ressemblera (vaguement) à du Saint Seiya, ils sont sûrs d'avoir un minimum de clientèle, et donc de chiffre d'affaires.
C'est triste, mais c'est logique si on le voit sous cet angle.

Je pense qu'il n'est pas exagéré de dire que le milieu du manga (et par extension celui de l'anime) se « hollywoodise » : plutôt que de chercher de nouvelles idées, on préfère aller récupérer ce qui a déjà marché pour traire un peu plus la vache à lait.
Et si la pratique pourra légitimement scandaliser le fan lambda, d'un point de vue commercial, il serait difficile de leur donner tort : pourquoi se priver, puisque le retour sur investissement est garanti ?

Dragon Ball Super n'est finalement pas si différent : une énième suite « de trop » que l'on retiendra pour avoir sauté à pieds joints dans le fanservice dans le seul but d'appâter le chaland - et son portefeuille avec lui.

Kurumada a eu le tort de « penser » Saint Seiya comme une œuvre multi-supports : les schémas des armures que l'on retrouve dans les volumes reliés étaient en partie faits pour préparer le terrain à la sortie de figurine, et ce dès le début, ce qui lui a permis de rapporter énormément au Jump (ce n'était pas le premier à faire ça, mais ça restait assez révolutionnaire pour l'époque).
Quand on y pense, la licence a simplement fini par être dévorée par son propre merchandising, puisque c'est lui qui conditionne désormais à peu près tout ce qui se fait sur ce thème (on ne me fera pas croire que Soul of Gold n'a pas été fait dans l'unique but de vendre des figurines avec les nouvelles God Cloths, et il n'y a absolument aucune autre raison pour qu'Omega ait ressorti les Steel Saints, entre autres).

Bref, on dérive du sujet ! Je fais néanmoins un ultime aparté concernant Épisode G : si je comprends sans mal que le style graphique très particulier puisse rebuter,  je ne peux que le recmmander tant la narration le compense largement. À mes yeux, c'est peut-être celle qui fait le plus ressortir la dimension épique et mythique de l'univers toutes séries confondues.