Les sept blessures de la chair d'Asgard

A la désolation ne succédait qu’une nouvelle désolation. Tant de traces du passage des spectres demeuraient encore sur les terres malgré le passage du temps. Un léger vent soulevait nos chevelures blondes alors que nos ombres s’allongeaient sur le sol. Face à nous, nul obstacle ne se dessinait. Rien, sinon d’autres terres blanchies par la neige…

Puis, la verdure apparut au détour d’un passage. Et avec elle, d’autres bruits, d’autres fragrances. La vie semblait revenir même si elle ne s’était jamais effacée. Des animaux, des oiseaux, nous en avions vu en nombre mais ce n’était rien comparé à ce que nous découvrions à mesure que les arbres se faisaient plus nombreux.

Puis, soudain, le chant d’un loup brisa la quiétude ambiante. Comme le rappel de la nature de celui qui protégeait ces lieux.

Ashram…

A sentir la cascade toute proche, je ne pouvais m’empêcher de penser à lui. Mon frère qui était si lointain.

" Les loups sont tous proches. "
" Oui, je les entends. "

Nulle crainte en nous mais plutôt une sorte de joie. Je me sentais comme revivre depuis tout ce temps passé au fin fond d’une grotte. Non pas que j’en voulais à Hermine. Jamais, je ne pourrais lui en vouloir pour cela. Elle m’avait sauvé au prix de terribles blessures et ne se plaignait pas un instant. Aucun reproche n’avait même franchi le bord de ses lèvres. Une telle force était si rare que je ne pouvais m’empêcher de prendre exemple sur elle. Moi, qui était une guerrière divine.

Et prenant le temps d’humer l’air, je me replongeais dans l’écoute de la multitude de cris que s’échangeaient les prédateurs. C’était tout près, des cris, des pas, des bruissements sur la neige avant qu’un pan de neige ne s’abatte depuis les branches toutes proches. Quelques instants de plus et les premiers chasseurs de la meute surgirent devant nous. Immobiles, Ermengarde et moi les contemplions. Si nobles, si magnifiques étaient ces animaux. Dangereux aussi pour qui oublier leurs férocités même si la plupart fuyaient les hommes.

Nox…

A les voir, je resongeais au compagnon d’Ashram avant de refaire signe à Ermengarde. Le temps de la marche était revenu. Et adressant un large signe de la main à la meute toute proche, je me détournais et reprenais la route.

De légers et délicats, les flocons se firent soudain plus épais, plus lourds. Une nouvelle chute qui me fit l’effet d’une purification alors que je tendais les paumes vers elle. Ressentir le froid m’apaisait, m’aidait à me préparer à l’apparition de la cascade que je savais toute proche.

Déjà le fracas de l’eau plongeant au bas de la falaise me parvenait. La fraîcheur, l’humidité m’aimantaient à leur façon. Ainsi accélérai-je le pas sans pour autant me mettre à courir. J’avais encore le parfait contrôle et regardant près de moi, je pus voir qu’Hermine aussi savourait cette proximité avec la chute d’eau.

Puis, enfin, elle parut entourée de terres, elles aussi porteuses des mêmes cratères calcinés. Un spectacle tel qu’on ne pouvait le nier.

" Encore ? "

Mue par une angoisse soudaine, je me précipitais vers la profonde cicatrice d’où exhalait les mêmes effluves cosmiques. Cela en faisait trois de plus…

" Sept victimes… "

A cette découverte, je ressentis mes entrailles se resserrer. Cela faisait déjà tant de guerriers alors qu’Asgard avait déjà essuyé tant de carnages. Face à cela, une colère et une inquiétude sourdes montaient toutes les deux en moi. C’était comme un étau qui enserrait une flamme montant en moi.

" Oui et la même énergie. Sans le moindre doute. Pourtant, j’ai du mal à croire par contre que cela ne concerne que des combattants du grand Odin. Il y en a déjà un peu trop pour cela. "
" Ce qui voudrait dire ? "
" Que quelque soit cette force, elle peut frapper aussi bien les nôtres que ceux qui se tenaient auprès d’eux. "
" Une force qui s’en serait prise à toutes sortes de guerriers. "
" Rien n’est sûr mais c’est loin d’être impossible. "
" Qu’est-ce qui pourrait avoir une telle force ? "
" Je l’ignore… Même si candidats sont plus que possibles. "
" Oui… Quelques candidats… "

Et serrant une boule de neige dans ma main, je pris ma décision.

" Cela ne sert à rien de demeurer ici. Plus personne ne s’y trouve. "

Et sentant la paume d’Ermengarde Hermine se poser sur mon épaule, je me retournais vers elle tandis que son aura s’élevait doucement.

" Calme-toi. "
" Je… "
" Calme-toi… Respire à fond, il faut que tu évacues toute la colère, l’angoisse et l’inquiétude qui te rongent. "
" Bien… "

Fermant les yeux, je me laissais entraîner par la voix, les mots et les effluves de cosmos de mon maître. Elle parvenait sans trop d’efforts à m’apaiser. En moi, je ressentis la rage refluer, le brasier qui me rongeait se calmait doucement.

Ainsi s’écoulèrent les premiers instants avant que je ne rouvre les yeux, annonçant l’imminence du départ.

" Cela ira, Hermine. Il est plus que temps que nous reprenions la route. "
" Oui mais garde emprise de toi. C’est ta première véritable épreuve depuis ta libération. "
" Je serai à la hauteur, Hermine, je serai à la hauteur. "

Un serment que je me faisais aussi à moi-même. il fallait que je puisse contrôler tous mes actes, conserver ma raison, pour moi mais aussi pour les blessures que mon maître s’était vu infligées.

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» Panser ses blessures au milieu des ruines