[XIe tournoi] 8e de finale *** commandement religieux ou militaire? Alia vs Siléa

Le temps d'un bain, c'était ce souffle frais qui remettait d'aplomb les muscles et les tendons entre deux combats. Depuis qu'elle avait postulé pour ce fameux tournoi entre éveillés, Siléa n'avait cessé de s'entraîner. Oh, elle savait que, en elle, la flamme cosmique déposée par Arès brillait bien plus fort que chez tout autre humain, elle avait confiance. Cependant elle combattrait en tant que Héraut, en tant que Messagère, en tant que guerrière la plus proche de Lui. Et pour cela, il faudrait que ce combat fût irréprochable, magnifique, glorieux.
Elle n'avait cessé de s'entraîner, contre des civils, contre d'autres guerriers réguliers, contre des éveillés à la cosmo énergie; elle avait multiplié les exercices et étudié la tactique, elle avait été semer la zizanie pour forcer les humains à s'entretuer et observer leurs combats. Force brute et violence; souplesse, agilité et fourberie; manipulation mentale, intimidation et stratégie, elle mettrait tout de son côté dans ce combat.

Il avait fallu attendre la fin des seizièmes de finale. Il était évident que la Bahamut serait qualifiée d'office en huitième, seule une personne ayant fait ses preuves au round précédent devrait être autorisée à combattre les serviteurs zélés de l'Unique.
Et l'humour s'était mêlé au jeu. Car, dans ce futur combat, l'adversaire de la Spartiate ne serait nulle autre que la prêtresse de son Seigneur, Alia. Siléa en était enchantée. Elle n'avait que brièvement rencontré cette jeune femme, seulement elle savait qu'elle était, auparavant, une guerrière puissante. Le combat n'en serait que plus intéressant.

Puis vint enfin le temps de se diriger vers la fameuse arène. Siléa marchait la tête haute, avec fierté et assurance, avec la confiance et la foi du fidèle qui place sa victoire entre les mains du dieu en qui elle croit.
Bientôt, elle ressenti la cosmo-énergie d'Alia, et un fin sourire fleurit sur ses lèvres. Les hostilités commençaient donc plus tôt que prévu... Alors que le livre avait fini de voleter jusqu'à son muret, le Héraut fixait la prêtresse droit dans les yeux, avec une attitude toute militaire. Car une Alia se traitait avec infiniment plus de respect et d'égards qu'un Zyss ou qu'une Morrigan.

"Force et honneur, Alia."

Et la berserker répondit au salut par un salut similaire, synchronisé, s'inclinant aussi bas que son interlocutrice et se redressant en même temps qu'elle. La tension d'un futur combat, la réaction qui jaillirait à la première attaque, était déjà palpable.
Un sourcil étonné se leva sur le front de Siléa. Sa collègue faisait visiblement du zèle et, étant plus ancienne qu'elle, elle refusait de prendre le risque de la laisser ternir l'image d'Arès.

"Tu prends ton rôle très à coeur à ce que je vois. Mais je te prouverai que notre Seigneur ne s'est pas trompé en me confiante cette armure. Car dans Son omniscience, Il ne peut se tromper."

Elle comprit le sourire d'Alia comme une invitation et s'avança de quelques pas vers elle. Ainsi, le tournoi commencerait ici et maintenant, et cela n'était pas pour lui déplaire. L'antre de la terreur était un lieu sacré bien plus adapté à la grandeur d'un tel combat qu'une vulgaire arène construite par des mortels.

"Mon humble personne n'a nul besoin d'être auréolée de gloire, car la seule gloire que je possède est celle de mon Seigneur!"

Tout comme la lune qui ne brille que parce qu'elle reflète la lumière du Soleil. Seulement ce n'était pas le genre de la Bahamut de parler par métaphores.

Siléa fronça un instant ses sourcils. Alia semblait trouver son ambition trop communes, trop semblable à celles des misérables rampants. Elle n'était pas certaine d'avoir bien compris les sous-entendus mais au fond, qu'importait? Son ambition changera lorsqu'on lui prouvera que l'actuelle est impropre à servir l'Unique. Elle répondit donc avec un haussement d'épaules:

"Mon ambition est incarnée par la cuirasse que le porte. Je ne suis pas sûre que de  nombreux autres plébéiens soient honorés d'une telle confiance dont ils doivent rester dignes à chaque seconde..."

Lorsque la prêtresse fit apparaître entre ses mains un glaive étincelant, Siléa appela à elle cette cuirasse dont elle venait de parler, qui la recouvrit de la tête aux pieds. Elle se mit aussitôt en garde, enflammant son cosmos pour réagir à la moindre attaque.
Aux dires qui furent alors prononcés, elle comprit que le combat débuterait sur le champ des peurs et des attaques mentales. Soit. La Bahamut avait, elle aussi, quelques cartes dans sa manche dans ce domaine, pour équilibrer son utilisation de la force brute.

"Je ne suis pas sûre qu'il m'en reste, mais si tu parviens à m'en faire disparaître d'autres... J'accepte!"

Le sang du Héraut aussitôt se gela. Elle sentait ses pensées commencer à lui échapper, elle sentait des scenarii irrationnels se présenter à elle. Et bien qu'elle sût parfaitement qu'il s'agissait d'une illusion, elle ne pouvait s'en défaire, elle ne pouvait cesser de trembler.
Car c'est bien beau d'être le Héraut, le Porte-Parole, le bras droit, si nul ne vous écoute. Des Morrigan, des Zyss qui prennent son menton entre leurs doigts, combien lui faudrait-il en affronter? Etait-elle digne de refléter l'autorité d'Arès? Etait-elle digne de transmettre ses ordres, saurait-elle les faire écouter et respecter?
Ses genoux un instant tremblèrent. Si elle n'était pas capable de remplir son rôle? Si des berserkers sous sa responsabilité fautaient? Comment les empêcher de fauter, comme les forcer à l'écouter, comment les forcer à voir en elle une émanation de leur Seigneur?
Elle saurait le faire. Car Il l'avait choisie.

Un sourire aux lèvres, Siléa bloqua d'un revers de main le coup de glaive qui venait vers elle. L'instant d'après, ses doigts s'étaient refermés sur ce poignet meurtrier et, d'une légère rotation de hanche, elle fit perdre à Alia son équilibre, pour la rattraper d'un coup de genou dans le thorax. Des coups de poings, calmes bien que puissants, plurent ensuite.

D'un saut, Siléa s'était placée hors de portée de son adversaire, légèrement en hauteur sur un rebord de fenêtre. Sous l'agitation cosmique, les tentures de la pièce ondulaient, couvrant par intermittences le héraut.
Celle-ci ferma les yeux et joignit les mains, laissant sa concentration envahir les lieux.

"A ton tour de me montrer ce que cachent les recoins obscurs de ton âme!"

Un sourcil intéressé se leva sur le visage du héraut. Ainsi, son adversaire venait d'utiliser une illusion pour prendre sa place et encaisser les coups de poing. Habile manoeuvre. Elle y prendrait plus garde, désormais et, même si sa maîtrise des illusions ne s'élevait pas à un tel niveau, elle tenterait de s'inspirer de ce qu'elle venait de voir lorsque l'occasion s'en présenterait.
Son visage s'éclaira au compliment. Ces mots, de la part d'une telle maîtresse des illusions, la flattaient, toutefois elle se garderait bien de le dire. Et elle était fière, à juste titre, que son attaque eût porté ses fruits, même si le résultat avait été moindres bien sûr qu'avec les poupées de chiffons que sont les saints et autres Titans.

"Inflige-moi tout ce que tu peux, je serai de taille à encaisser."

Alia désormais s'avançait, un glaive à la main. Siléa eut un léger sourire. Si elle n'était pas une épéiste de formation, elle aimait forger des lames avec ce qui lui passait sous la main, notamment avec les éléments qu'elle maîtrisait. Et un corps à corps contre une adversaire armée d'un glaive serait inutilement suicidaire. Si elle aimait entendre les os des poings craquer lorsqu'ils s'entrechoquent, elle appréciait aussi le tintement des armes.
L'air se gela autour de sa main. Si elle ne savait pas encore créer des épées de foudre, en former à partir de la glace proche du zéro absolu était devenu pour elle un geste familier qu'elle accomplissait sans même y réfléchir.
Et c'est en garde qu'elle accueillit la prêtresse qui s'était approchée d'elle.

Siléa para les coups qui lui furent portés avec une légèreté et une grâce surprenante pour quiconque ignorant que, avant d'avoir été l'imposant dragon écrasant les ennemis de l'unique, elle avait été un esprit sournois. Avec la même élégance mortelle, elle porta des coups de son arme dont la morsure de glace gelait immédiatement les plaies. Elle suivait le rythme qui s'accélérait, mais cherchait à économiser ses forces. Elle voulait montrer à Alia qu'elle s'épuiserait la dernière.

"Je n'ai nul intention de combat qui s'annonce passionnant."

Siléa frappait encore et encore et pourtant, dans cette arène devenue bien plus ténébreuse, Alia semblait se dérober à chacun de ses coups, comme si elle les anticipait, comme si elle lisait dans son esprit comme dans un livre ouvert. A chaque fois que sa lame approchait de la tête de la représentante sacrée d'Arès, celle-ci s'évaporait comme si elle n'avait jamais existé.
Alia était nulle part, Alia était était partout, Alia s'était inflitrée jusque dans ses moindres pensées. Dans ses pensées les plus secrètes, les plus honteuses, celles que tous à part Lui devaient ignorer. Et maintenant elle savait, maintenant elle connaissait son immonde passé de pêcheresse, maintenant il faudrait la tuer car elle n'accepterait certainement pas de donner sa considération à une telle personne...

"AAAAAALIAAAAA"

C'était le rugissement de haine du dragon qui se débattait dans sa douleur, dans sa souffrance. La Bahamut avait réussi à briser une partie de l'emprise qui se dessinait au-dessus de son esprit, dans la mesure où briser la terre ne peut pas grand chose contre une attaque éthérée, et elle se dirigea vers la prêtresse, une main tendue, pour l'étrangler.



"Continuons sur ce terrain!"

Elle comptait lui lancer, à bout portant, cette même illusion avec laquelle elle venait de l'attaquer.

La danse des guerrières se poursuivaient et les deux lames, toujours, s'entrechoquaient, entrecoupant leurs respirations concentrées de chocs métalliques. Siléa voulait montrer le pinacle de son agilité, de sa force, de ses techniques, elle voulait tournoyer telle une flammèche crachée par le Bahamut primordial et, comme telle, tout détruire sur son passage.
Seulement elle sentait ses muscles se faire plus lents à répondre et ses bras, qui portaient toujours son épée de glace, plus lourds. Elle n'en laissa rien paraître, toutefois elle modifia quelque peu sa stratégie.
Elle ne frapperait pas moins fort, non, son adversaire, cette valeureuse prêtresse, méritait qu'elle donnât le meilleur d'elle-même.

Le glaive d'Alia se glissait entre les jointures de la cuirasse du héraut, ouvrant les chairs. Le sang coulait sur le métal sombre, perfectionnant encore cette oeuvre d'art. Seulement la Spartiate encaissait les coups à dessein, un sourire malicieux peint sur son visage.
Elle profitait de la proximité pour frapper du poing, du pied, du genou ou du pommeau. Elle se jetait sur son adversaire comme si son corps était irréel et ne craignait aucun coup afin de trancher avec plus de force. Peut-être même frappaient-elles et blessaient-elles au même moment.
Une telle joie enivrait Siléa.

Une sphère cosmique se forma dans la paume d'Alia et Siléa recula, méfiante face à ce nouveau tour. Toutes ses pensées, dirigées vers le psyché de son adversaire, furent aspirées dans ce Maelström d'énergie et seul un puissant Kiai l'empêchait d'y sombrer elle aussi.

"Bien joué, je n'en attendais pas moins de toi!"

La Bahamut appréciait ce combat à sa juste valeur, comme une chance qui lui avait été donnée. Les deux plus fidèles servantes d'Arès combattant l'une contre l'autre, qui aurait pu rêver d'un plus beau combat.

"Arès est déjà vainqueur. Et au contraire, dans ce combat, nous avons tout à gagner. Mes illusions peuvent enfin se comparer aux tiennes, elles qui étaient toujours restées invaincues!"

Le cosmos d'Alia s'intensifiait et, au fur et à mesure, le sourire de Siléa s'accentuait. La situation devenait franchement intéressante, car quelque chose de grandiose se préparait. Le héraut écarta les bras et déploya les ailes de sa cuirasse, prête à encaisser.

"Montre-moi, prêtresse! Montre-moi la quintessence des illusions!"

A peine eût-elle achevé ses mots qu'une étrange sensation l'envahit. Elle se trouvait dans le temple de l'Unique, lieu sacré entre tout. Une vénération enivrante, la foi la plus parfaite envahissaient son esprit bienheureux. Elle Le servait avec ponctualité et précision, prévenant chacun de ses ordres.
Pourtant, une étrange sensation vint bientôt troubler cette vision idyllique. Sous le regard courroucé de son roi, elle agonisait, baignant dans son sang. Il lui avait demandé de répandre ce sang afin de laver l'affront qu'elle avait commis.
Un instant les yeux de Siléa s'ouvrirent avec effroi, au souvenir indistinct d'une épée d'or qui avait menacé de transpercer son coeur. Puis elle se souvint. Il s'agissait de la scène à laquelle elle avait assisté en revenant pour la première fois à Spartes, du supplice d'Alia dont elle ignorait les raisons.
Ce souvenir la fit revenir à elle.

"Alors comme ça on a déçu Arès? Moi qui croyait qu'il était inutile de prêcher des convertis... Finalement non! Souviens-toi de la grandeur de ton Seigneur, Alia!"

A la vitesse de la lumière, elle vint poser sa main sur le torse d'Alia,
appelant à elle tout les souvenirs de gloire et de magnificence, jusqu'à ouvrir une faille dimensionnelle.

Siléa avait touché un point bien plus fragile qu'elle ne le pensait, et Alia commença à expliquer la raison de la colère d'Arès à son égard. La Bahamut l'écouta en hochant la tête, l'air toujours aussi impénétrable. Ce n'était pas à elle de juger ses actes, aussi en prenait-elle note de manière parfaitement neutre. Arès avait parlé, Arès avait condamné, ce ne serait donc pas elle qui consolerait ou qui pardonnerait. Là n'était pas sa place.
Toutefois, comme la prêtresse en témoignait, comme le héraut l'avait vu, Alia avait expié ce crime d'un châtiment décidé par l'Unique en personne. S'Il estimait la réparation suffisante, ce n'était pas non plus à Siléa d'en vouloir à sa collègue plus que de raison. Car elle n'avait pas à juger, en bien comme en mal. Tout ce qu'elle voyait, c'était une guerrière redoutable qui servait son Seigneur de toute la force de son âme.

"Oh non ce n'est pas fini! Ce serait une erreur de me concentrer sur des frappes physiques face à une combattante telle que toi."

Oui, c'était un compliment, prononcé par Siléa qui d'habitude ne répandait que mépris et moqueries. Cependant Alia s'était montrée digne de son estime, même après avoir subi son attaque de plein fouet. Car un vulgaire troupion ne se serait jamais relevé.
Puis son regard se chargea de flammes.

"Si tu avais jeté ton glaive au sol, je t'aurais égorgée avec. Un soldat d'Arès n'abandonne jamais, prêtresse! Tu es la quintessence de nos troupes, et je n'en attends pas moins de toi!"

Le regard d'Alia prenait un aspect qui fit frissonner Siléa d'anticipation. Une nouvelle attaque allait arriver. Seulement, pour jouer sa dernière carte, le Héraut devait se ménager. Aussi écarta-t-elle les bras et se plia en deux sous le choc lorsque la lame la transperça de part en part.

"Bien joué, Alia! Mais rira bien qui rira le dernier!"

Elle essuya le filet de sang qui coulait sur sa cuirasse. Elle réagit au quart de tour lorsque la prêtresse se rua sur elle, le glaive au clair. Sans chercher à parer, ignorant les blessures qui fleurissaient sur sa peau, elle rendait chaque coup avec violence.