Hyunkel, Spectre du Basilic de l'étoile céleste de la Victoire

L'obscurité de la nuit recouvre petit à petit la demeure de Drottningholm. Morphée s’empare un à un des habitants de la somptueuse résidence Scandinave. Bientôt, seul peut se faire entendre le souffle du vent du nord, s’engouffrant dans l’épais feuillage du grand chêne centenaire des somptueux jardins du château. A présent, règnent l’ombre et le silence.

Le prince Henki, fils aîné du grand roi, est le seul dont le Dieu du sommeil n'ait pas encore réussi à saisir de ses griffes. Errant dans les longues allées du palais, contemplant les tableaux de ses alleux, le jeune homme s'abandonne à ses sombres pensées. Depuis plusieurs nuits, Henki fait toujours le même rêve. Du brouillard et une voix, ni plus, ni moins.

« Marche dans le Tartare, au plus profond des Abysses, rejoint les Enfers et impose ton supplice… »

Le néant… là est le seul sentiment qui habite l’esprit du jeune prince. Nuits après nuits, rêves après rêves, cette vision le hante. Voulant comprendre leurs significations, il se mit à chercher des réponses. Tableaux, sculptures, gravures, livres... Dans ces couloirs, un à un, il examine les portraits de ces ancêtres.

"Peut-être que l’un d'entre eux cherche à communiquer avec moi"

Imagination débordante de la part du futur roi, peut-être trop pour un monarque… Devait-il en parler ? Cette question, il se la ressasse sans arrêt. Va-t-il passer pour un fou ? Un visionnaire ? Un sorcier ? De par son statut, il ne peut se permettre ce genre de folie. C’est seul alors, qu’il décide de chercher à comprendre ce mystère.


Ne sachant pas par où commencer, Henki suivit son instinct et se laisse guider par son cœur. Traversant une à une les nombreuses pièces du château. C’est à la salle d’arme que ses pas le mènent. Une grande pièce où se mélangent armures, sculptures et tableaux, un lieu où toute l'histoire de sa famille est retracée au travers de nombreuses fresques.

De longs rideaux sombres, un épais tapis recouvrant le sol, un chevalet en forme de main avec entre ses doigts un grimoire et des chandeliers sur les murs rouges sangs tamisent l'atmosphère de la pièce. La salle d'arme ressemble plus à une crypte maudite qu'à un musée historique sur les ancêtres du prince. Son regard se pose alors sur une armure qu'il n'a encore jamais vue auparavant. « Étrange...» Lui qui passe temps de temps à étudier l'histoire de son royaume et de sa famille.

De lourdes épaulières à triples pointes, un plastron en forme de tête de démon aux dents acérées, un heaume avec en son centre une épée à la lame recourbée donnant une impression de crête, l'ensemble de l'imposante cuirasse paralyse de peur le jeune homme. Un frisson glacial foudroie le corps d'Henki et son cœur se mit à battre de plus en plus vite. C'est d'une démarche craintive qu'il s’avance.

Pas après pas, il sentit comme une force imperceptible qui l'attire vers cette armure. Sa tête veut faire marche arrière mais son corps ne répond plus. La lumière déjà faible des chandeliers baisse en même temps qu'il s'approche. La peur se fait de plus en plus grande, son esprit est comme paralysé, piégé par son propre corps. Les yeux du démon se mirent à luire d’un mauve écarlate et l’améthyste incrustait au centre du heaume scintille de mille feux. Bientôt, une aveuglante lumière violette recouvre la salle d’arme et Henki  tombe à genoux sur le sol. Il sent ses yeux brûler, comme si les flammes de l’enfer s’emparent d’eux. Une sombre vision vint alors à lui :

« Une tête et un corps de serpent… Une crête de coq… des yeux reptiliens aussi rouges que le sang… des ailes noires… »

De nombreuses images d’un étrange animal s’enchainèrent dans l’esprit du prince. Quelles sont leurs significations ? Comme-ci le royaume des ténèbres avait un message pour lui. Mais qu’était-il ?
Puis il vit un homme, hurlant de douleur, genoux au sol… se changer en pierre.

« Moi ?... Comment ?... Mais que m’arrive-t-il ?... Mes yeux !!!... »

Entre souffrance et incompréhension, Henki vit un véritable enfer. Etait-ce là le fameux supplice de sa première vision ?

« Henki ?... Regarde-moi HENKI !!!... HENKI !!!... »

C’est dans son lit que le jeune homme se réveille brusquement. En sueur, essoufflé et désorienté.

« Père ? C’est vous ?... Mais ?... Je ne comprends pas… »

« Tu as fait un mauvais rêve. Calme-toi… Regarde… il n’y a rien ici, il n’y a que toi et moi. »

«  Je ne comprends pas… C’était un rêve ? Pourtant je marchais dans … C’était si réel… »

« Qu’as-tu vus ? Tu parlais d’un animal à la morphologie surnaturelle, même terrifiante je dois dire. Tu as évoqué un coq je crois… un serpent…. Je n’ai pas compris ce que tu racontais. Tu as ensuite parlé d’un homme aux yeux brûlants… d’une métamorphose en pierre, ou d’un phénomène similaire… Enfin c’était incompréhensible. Ça va mieux mon fils ? »

« Oui… désolé je ne me rappel pas, c’est flou… Mais ce n’était qu’un cauchemar. Excusez-moi, bonne nuit père. »  Répondit-il afin de rassurer le Roi même si ces pensées étaient autres.

« Bonne nuit Henki. »


L’obscurité reprend alors possession du temps et des lieux, c’est inquiet que le prince regagne  le royaume de Morphée. Néanmoins, les visions abyssales cessèrent pour cette nuit, comme-ci le Dieu du Sommeil tiré les ficelles d’une marionnette.

Le lendemain matin, ce sont les premiers rayons du soleil caressant son visage qui réveil un Henki perturbé, mais soulagé. Il se dirige vers la salle d’eau qui se trouve en face de sa chambre.

«Aie !!!... hummm mes yeux… J’ai encore l’impression de ressentir ces flammes…
Mais ?... Qu’est-ce que ??? … C’est impossible !!! … »

En se regardant dans le miroir, il vit ses yeux changer.  Passant d’un bleu clair tel le royaume des Dieux, son regard se tourne à présent  vers la noirceur des profondeurs.

« Mais comment cela peut-être réel ? … Ce n’était pas un rêve ? …
Pourtant mon père… mon père m’a réveillé, m’a même entendu… Je ne comprends plus rien… Que m’arrive-t-il ? »

L’incompréhension et la peur regagnent le cœur du prince. Maintenant il ne plus se cacher et se doit de résoudre ce mystère. Mais par où commencer face à une telle énigme ? La salle d’arme en semble être un point de départ évident…

Les yeux fragiles du jeune homme lui permettent à peine de voir ses pas, la lumière du jour l’aveugle. Peinant à marcher, il obstrue une à une l’ensemble des fenêtres qu’il croise à l’aide des épais rideaux mauves du palais. Plongeant ainsi à nouveau les lieux dans la noirceur des abysses. Au moins, il n’est plus aveugle et peut s’orienter dans ces longs couloirs. Est-ce là un signe de sa destinée ?

Une fois arrivé à destination, le premier réflexe d’Henki est de regarder vers la sombre armure de ses rêves. A la place, se tenait la statue d’un de ses ancêtres.

« Qui es-tu ?... »

Il s’approche doucement, jusqu’à pouvoir lire la plaque de métal gravée au nom de son aïeul : « Magnus Halfdan le Noir, Haut Roi du Nord ».

« Non... pas lui… »

Magnus est un ancien roi déchu, le premier de la lignée d’Henki. Hyunkel Halfdan, est son vrai nom. Henki est un surnom donné par sa mère.
Magnus régnait sur la Suède il y a 243 ans, il est le plus sombre des monarques qu’ai connu le pays. Un passé à oublier pour sa famille. C’est un roi dont il n’a jamais voulu lire l’histoire, il avait trop peur de ce qu’il allait pouvoir lire. Cependant, aujourd’hui tout est différent. S’il veut percer le mystère de ses rêves, il va devoir affronter ses propres démons.

Son attention se tourne alors vers les armoiries de Magnus, représentées sur le bouclier du sombre monarque. Il y vit l’animal de son cauchemar. Le serpent à la crête de coq et aux ailes noires. La solution de cette énigme réside surement avec cet étrange reptile, volatile… bête.
Se dirigeant vers l’imposante bibliothèque en chêne noire, le jeune homme est inquiet. Que va-t-il trouver dans ces livres ?
Il cherche dans un premier temps le livre biographique de Magnus. Il y va surement y trouver les premières réponses à ses questions. Pendant plusieurs heures il se plonge dans le passé et étudie attentivement les sombres récits de l’époque viking.


Plus Hyunkel revit l’histoire de son ancêtre, plus la terreur s’empare de son âme. Néanmoins, il y trouve une première réponse. L’animal mythique est un basilic. Un monstre qui a le pouvoir de changer ceux qu’il regarde en pierre.  Petit à petit, le puzzle prend forme. Il doit maintenant comprendre pourquoi il rêve d’un basilic, et surtout, pourquoi se voit-il se changer en pierre.

Cherchant sur les étagères un ouvrage qui peut l’aider, il repense à son rêve. Il se tourne alors vers le centre de la pièce et fixe le chevalet en pierre.

« Peut-être que … »

Marchant vers l’édifice aussi terrifiant qu’imposant, le jeune prince ressent à nouveau le frisson des enfers. La voix qu’il entendait jusqu’à présent dans ses rêves résonne dans l’ensemble de la salle d’arme. Les chandeliers éteints se mettent à brûler de flammes mauves et la lumière violette de ses cauchemars brille depuis le heaume de la statue du Haut Roi du Nord qui devint l’armure noire à la crête.

« Rejoint les Abysses et Impose ton supplice… »

Hyunkel reconnait soudain le chevalet sculpté en forme de main, la chevalière est celle de Magnus, un basilic y est gravé. Le livre que garde entre ses doigts le sombre monarque s’ouvre dans un épais brouillard et se met à planer dans le vide. Les pages défilent une à une, comme bercées par le souffle du vent.

Le jeune prince se doit de comprendre ce qu’il se passe et s’approche. Il saisit de ses mains le grimoire et tombe genoux au sol. Il revit alors la scène de cette nuit, trait pour trait, seconde par seconde. La douleur est intense et il sent comme une force qui l’attire hors de son propre corps. Ses yeux se changèrent en flammes et sa peau se mit à durcirent. Une explosion de lumière… puis le néant…

Hyunkel se réveille et se lève tant bien que mal. Ses muscles sont faibles et peinent à lever son corps vêtu d’un étrange attirail métallique.

« Qu’est-ce que ?... Une armure… »

« Un surplis. Bienvenu à toi Hyunkel du Basilic, de l’étoile céleste de la Victoire »

« Cette voix… »

Il lève alors ses yeux vers la voix inconnue de ses rêves…

« Toi… »